« Zettai Karen Children » T1 & T2 par Takashi Shiina

Voilà le type de manga que l’on n’a pas l’habitude de voir en France. Pourtant, « Zettai Karen Children » est un bon manga à l’ancienne où un groupe d’adolescentes sauvent le monde, tout en le ravageant un peu au passage. Un manga ou le fan service est présent à chaque page, mais sans être vulgaire. Un manga ou chaque chapitre est une histoire indépendante. Et surtout un manga plébiscité dans son pays avec plus de 29 volumes déjà publiés. Voilà pourquoi aucun éditeur ne s’était risqué, jusqu’à) ce jour, à sortir une série aussi longue sans être certain de son succès. Pourtant, Kana pense que cela peut également conquérir le public français. Voyons pourquoi !

C’est rare de voir débarquer en France un manga comprenant autant de volumes sans être soutenu par une série d’animation. Les rares titres publiés en France et comportant plus d’une dizaine de tomes peuvent être « Naruto », « Conan », « St Seiya », « City hunter », « Ranma » ou « Dragonball ». Rien de bien récent à part « Naruto » : que des séries à succès popularisées à la fin du siècle dernier. À cette époque, la télévision jouait un grand rôle et la popularité d’une série était étroitement liée à son passage sur le petit écran. De nos jours, peu d’éditeurs se risqueraient sur ce type de série, même si un animé était là pour la supporter. Le pouvoir de la télévision s’est déplacé, et c’est maintenant le manga qui influence ce qui passe sur une des nombreuses chaînes du paysage audiovisuel français. Peut-être que la série d’animation arrivera un jour chez nous !

« Zettai Karen Children » est une série tout ce qu’il y a de plus consensuelle. Une organisation gouvernementale entraîne un groupe de trois jeunes filles dotées de pouvoirs extra-sensoriels, des « espers » ! Elles ont chacune leur personnalité, Aoi Nogami a un pouvoir de téléportation, c’est un peu la première à intervenir pour amener le groupe sur le lieu de l’action. Shino Sannomiya est dotée de pouvoir de psychométrie, elle peut lire dans les pensées en touchant les gens. Du coup, elle est très sensible et est bien plus mature, du fait des souffrances de la vie qu’elle emmagasine quotidiennement au travers de ces contacts. Kaoru Akashi a, pour sa part, des capacités de psychokinésie. Elle peut déplacer des objets plus ou moins gros, faire une barrière psychique pour se protéger, arrêter des balles en plein vol, etc. Son pouvoir est le plus impressionnant des trois, car c’est celui qui cause le plus de dégâts. Comme elle est d’un sale caractère et un peu obnubilée par l’envie de grandir, elle est source de problèmes pour l’organisation qui tente de la former. C’est le lieutenant Koichi Minamoto qui est en charge de leur éducation. Il est là pour canaliser les pouvoirs de ces jeunes files, tout en les étudiant. Expert scientifique surdoué, il a beaucoup de mal à se faire respecter ; normal, ces trois pestes se savent supérieures et n’hésitent pas à en profiter.


Au Japon, comme vous vous en doutez (vu la longueur de la série), ce manga jouit d’une énorme popularité. Son auteur, Takashi Shiinai a déjà réalisé un hit : « Ghost Sweeper Mikami ». Publié pendant près de 10 ans, entre 1991 et 1999, ce manga raconte les aventures de Reiko Mikami et de ses deux assistants en tant que chasseurs de fantômes et autres spectres qui envahissent le monde. Basé sur le folklore japonais, cette série compte 39 tomes et fut adaptée en animé pour la télévision et le cinéma. C’est cette popularité exceptionnelle qui a fait la renommée de cet artiste pourtant méconnu en France. C’est en 2005 que débute « Zettai Karen Children » au Japon. Un an avant, une mini-série test fut publiée dans le magazine Shônen Sunday. Elle est ici reproduite à la fin du tome 1. Tous les éléments de base de l’histoire sont déjà là, même si certains détails mineurs ont, par la suite, été adaptés pour la série finale. Dès avril 2008, une série d’animation est diffusée à la télévision japonaise. En septembre de la même année, un jeu vidéo sort sur Nintendo. C’est la consécration, :Takashi Shiina réitère le succès de « GS Mikami ».

Pourtant, ce manga est un peu hors de son temps. Les espers, sujet en vogue dans les années 80 avec des œuvres telles que « Luck L’intrépide »(1) ou « Mai the psychic girl »(2), est un genre tombé en désuétude. Aujourd’hui, même si on rencontre régulièrement des personnages ayant des aptitudes psychiques, ils ne sont jamais qualifiés d’espers.
De même que le dessin n’est absolument pas en corrélation avec les productions actuelles. Tout semble sortir d’une autre époque. Les attitudes des personnages font penser à celle qu’Osamu Tezuka a popularisé. Les mouvements d’action sont exagérément amples et relèvent du grand spectacle. La construction narrative est typique des mangas de la fin des années 80. Même le thème semble tout droit sorti d’un épisode de « Dirty Pair »(3) avec son lot de destruction, son fan service et le caractère indomptable des héroïnes. Les colères de Kaoru ne sont pas sans rappeler celle de « Lamu » par Rumiko Takahashi. La détresse post-adolescente rappellera inévitablement pléthore de mangas mettant en scène de jeunes écoliers remplis de questions existentielles. Le tout sur fond de puissance gouvernementale, de missions farfelues, voire improbables, et de complots à déjouer. Et que dire des couvertures arborant un fond uni plutôt flashy ? Il ne manque plus que les pantalons à pattes d’éléphant et on se croirait revenu dans les années 70.

Le premier volume se focalise sur la présentation des personnages. Ces trois jeunes filles n’ont que dix ans lorsqu’elles sont recrutées par l’organisation gouvernementale B.A.B.E.L., afin de devenir de super soldats prêts à défendre le Japon grâce à leurs pouvoirs. Elles sont considérées comme un trésor national, du fait de leurs aptitudes hors du commun. Ce sont les seules personnes ayant atteint un niveau « sept »dans la classification du développement des pouvoirs sensoriels. Se sachant supérieures elles sont souvent inconscientes, vu leur jeune âge. Pourtant, le gouvernement redoute que ces êtres surdoués ne tournent mal et deviennent les pires criminels que la terre puisse engendrer. C’est pourquoi elles sont suivies par B.A.B.E.L..

Vous l’aurez compris, « Zettai Karen Children » n’est pas un manga innovant ; néanmoins, il a su reprendre un style populaire et surfer sur une mode dépassée a un moment ou les éditeurs piochent dans le patrimoine de la BD japonaise. Le côté loufoque des situations et les batailles épiques font que l’on ne s’ennuie pas un instant. Bref, c’est classique, mais c’est un classique qui plaira aussi bien aux garçons qu’aux filles.

Gwenaël JACQUET
« Zettai Karen Children » T1 & T2 par Takashi Shiina
Édition Kana (6.85 €) – ISBN T1 : 9782505011095, ISBN T2 : 9782505011101

(1) « Chojin Locke » : manga de Yuki Hijiri dont le film « Luck l’intrépide » est sorti en France en 1984, exclusivement en vidéo et charcuté de plus d’une trentaine de minutes. Il a été réédité en 2000, avec un nouveau doublage et en version intégrale sous le titre « Luke l’invincible ». Le manga n’est jamais arrivé en France et le doublage assez mauvais ainsi que la censure du film ne l’ont pas aidé à trouver son public.

(2) « Mai » : série de Riyoichi Ikegami (« Crying Freeman ») et Kazuya Kudo (« Pineapple Army »). Importé des USA et publié en kiosque par Semic, en 1996. Seuls 4 fascicules sont parus, ce qui correspond à peu près au premier volume, sur les quatre publiés en anglais. Cette série a permis de populariser le genre manga aux États-Unis ou elle a eu un succès assez important ; mais a relativiser par rapport à la faible diffusion des mangas dans les années 80, en version comics.

(3) « Dirty Pair » : Série télévisée diffusée sur FR3 (France 3), à partir de 1989, sous le titre « Dan et Danny », et rediffusée de nombreuses fois. Le film « Project Eden », ainsi que les OVA sortis il y a peu de temps, sont encore facilement trouvables.

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