« I am a Hero » par Kengo Hanazawa T1 & T2

En ce moment, les histoires de zombies sont particulièrement à la mode. Depuis « Bakuman », les mangas mettant en scène des mangakas sont aussi prisés par le public. Pourquoi ne pas les rassembler et créer une histoire s’affranchissant des clichés de l’un ou de l’autre genre?? Et pourquoi ne pas y rajouter une dose de complot, des histoires d’amour compliquées et lui donner un ton réaliste, mais complètement décalé?? C’est ce qu’a dû se dire Kengo Hanazawa en créant « I am a Hero »…

Rien que le titre, un brin provocateur, annonce soit un manga extrêmement sérieux, soit une comédie loufoque. Ce n’est ni l’un ni l’autre. Dans cette histoire de zombies, le premier mort vivant réellement agressif se paye le luxe de n’apparaître que dans les toutes dernières pages. Pourtant, dans un chapitre précédent, une jeune femme renversée par une voiture se relevait, le coup cassé, et repartait nonchalamment. L’histoire prend le temps de se mettre en place.

Ce manga est absurde dans bien des points. Il nous raconte la vie de Hideo Suzuki, un assistant-mangaka paranoïaque. Les 11 premières pages sont sans paroles. On y voit juste un homme, notre héros, arriver chez lui. Il ouvre méticuleusement les nombreux verrous de sécurité de son appartement. Il entrouvre délicatement la porte, se livre à une danse exorcisante bien étrange et fini par traverser le couloir et actionner le bouton de la lumière de la pièce principale, avec un luxe de précaution. Ensuite, il vérifie que tout est OK : les fenêtres, les toilettes, le frigo… Avant de manger un repas frugal en regardant les informations à la télévision. Ce premier chapitre nous dépeint un personnage mal dans sa peau, complètement déconnecté des réalités, ne vivant que pour assister à un complot mondial, à une catastrophe naturelle sans précédent, voire même à la fin du monde. Il passe le temps en discutant avec Yajima, un petit personnage issu de son imagination. Il n’arrive pas à dormir, voit les heures qui défilent et lorsque, au réveil, le soleil se lève de nouveau, c’est pour lui une délivrance : « j’ai gagné », s’exclame-t-il avant de défier les spectres et autres esprits malins.

 Le reste de sa vie n’est pas plus glorieuse. Dessinateur de sous ordre, il n’est qu’assistant d’un grand mangaka réalisant des Å“uvres cochonnes. Ses collègues de travail sont tout aussi étranges. Il ne les apprécie pas vraiment mais, fataliste, il sait qu’il doit composer avec. Le soir, il rentre voir sa copine, bipolaire et ayant l’alcool mauvais. Pourtant, il aimerait bien s’en sortir. Il essaie de proposer ses planches à divers éditeurs, sans réel succès. Il se fait balader de bureau en bureau, mais ne perd pas espoir. On sent qu’il a de la volonté et qu’il aspire à une reconnaissance dans la vie.

Le premier volume s’attache à dépeindre la personnalité et l’environnement de Hidéo. Il ne se passe pas grand-chose et, pourtant, tous ces passages anodins nous en disent beaucoup sur ce qu’il est et sur ce qu’il va devenir. Ce premier volume, extrêmement pessimiste, apporte aussi son lot d’humour noir. Le second est bien plus terre à terre. Les zombies, même s’ils ne sont jamais nommés, ont envahi la ville. Ils mordent tout ce qui passe à leur portée afin de les transformer en morts-vivants. On passe de la réflexion à la catastrophe où l’humour, omniprésent, détend le lecteur. Les gens meurent, se font arracher un membre, voient leur famille décimée. Tout cela dans une ambiance plutôt bon enfant. Les personnages secondaires sont excellents, leurs répliques bien cinglantes sont décalées et renforce l’absurdité du genre humain. Le personnage principal devient enfin le héros tant attendu, va-t-il pouvoir garder ce statut dans les tomes suivants ?

Avec un dessin assez réaliste, Hideo Suzuki arrive à nous captiver sans tomber dans le grotesque ou la vulgarité. Les zombies sont bien là, mais ils ne sont pas effrayants gratuitement. Un grand travail a été fait dans le découpage des cases, chaque planche est pensée comme une entité complète : tout est fait pour que le lecteur se sente à l’aise face à ce « héros » à la limite de la folie. Chaque volume repend les pages en couleurs qui sont de toute beauté. On sent qu’un travail méticuleux est apporté à chaque détail. En revanche, certains défauts de proportion apparaissent de temps en temps, notamment dans les scènes d’action. Tous les protagonistes sont soignés. Loin d’être des canons de beauté, ils ont une « gueule » qui les identifie immédiatement. Leur morphologie ou leur caractère, rien n’est laissé au hasard ! Hideo Suzuki s’est appliqué à les ancrer dans la réalité et ça passe très bien.

Partant d’un personnage enfermé dans la paranoïa, ce manga s’ouvre rapidement sur un autre monde. Il bascule de la monotonie de la vie tranquille d’un gars paumé à une explosion de corps et de chairs ensanglantées. Si le lecteur se laisse porté dans le premier volume, il ne peut que subir les agressions présentes dans le second opus. Tout comme Hideo Suzuki qui nous montre qu’il est loin d’être le héros qu’il aimerait devenir. Un manga à ne pas laisser entre toutes les mains, mais qui pourrait pourtant plaire au non-amateur du genre zombies, grâce à son ton complètement décalé. Les deux volumes se lisent d’une traite et on attend la suite avec impatience. Pour le moment, la série est encore en cours au Japon et comporte déjà 8 volumes.

Gwenaël JACQUET

« I am a Hero » par Kengo Hanazawa T1 & T2

Édition Kana (7,45€) – ISBN T1 : 9782505014409 – ISBN T2 : 9782505014416

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