« Mitsuko Attitude » T1 par Mamoru Kurihara

La grande diversité des sujets abordés au sein des bandes dessinées japonaises n’aurait-elle pas de limite ? Qui aurait pu imaginer qu’un manga nous donne des leçons d’hygiène intestinal?? Notamment en passant par les lavements… Voilà un thème bien étrange pour une série qui, pourtant, se lit comme n’importe quel autre manga.

L’histoire de « Mitsuko Attitude » commence de manière assez banale. Mitsuko est encore à l’école lorsque son père meurt d’un cancer du pancréas. Sa mère étant déjà décédée, elle devient orpheline. Plutôt que de se laisser abattre, elle décide de prendre son destin en main. C’est le restaurant à côté de chez elle qui va lui offrir son premier petit boulot. Cela lui permet de rester autonome et de toujours habiter dans la maison familiale. Malheureusement, son employeur dévoile assez vite ses tendances pédophiles. Elle est sauvée de justesse par son cousin Chôsuke accompagné de son chien Petit four qui, sous ses airs de molosse, est pourtant extrêmement doux et gentil. Vu la situation, son oncle et sa tante insistent pour l’héberger. Voilà comment l’énergique Mitsuko va habiter avec sa nouvelle famille. Au départ, tout se passe bien jusqu’à ce qu’elle découvre, par hasard, son oncle, dans la salle de bain, en train de se faire un lavement. Gênée, elle pense tout bonnement qu’il est constipé. Elle ira de surprise en surprise en apprenant que toute la famille pratique ce traitement. Sa petite cousine et son cousin le soir, le père le matin et la grand-mère et la mère dans la journée, lorsqu’il n’y a plus personne à la maison. Le pire, c’est que ce sont des lavements au café. Elle comprend mieux pourquoi cette famille a été surprise lorsque Mitsuko a demandé à boire ce breuvage au petit déjeuner. Pour eux, ça ne s’avale pas, ça s’injecte par le rectum ! Voilà des manières bien étranges… Tout comme celle de Chôsuke qui boit son urine au petit déjeuner. L’hygiène gastrique semble une préoccupation centrale dans cette famille.

Apparemment, le lavement au café est une technique moderne de médecine personnelle. Il est adopté par certaines personnes souhaitant prendre soin de leur corps. Ce manga nous explique, le plus simplement du monde, le rôle des enzymes dans la digestion et la nécessité de manger léger. Afin de faire avancer l’histoire, c’est Anju, la plus jeune qui explosera en premier. Elle va se fâcher sérieusement car les excréments de Mitsuko sentent mauvais, tout comme les siens, suite aux copieux repas qu’elle a gentiment préparés pour sa nouvelle famille. Sauf que la pauvre Mitsuko est totalement à côté de la plaque. Elle essaie de s’intégrer du mieux qu’elle peut en s’impliquant dans les tâches quotidiennes de la maison. Sa spécialité étant la cuisine, elle se permet de confectionner de bons petits plats. Comme on ne peut changer d’alimentation du jour au lendemain, cette cuisine trop riche pose un vrai problème de digestion à sa nouvelle famille. C’est ce qu’il faut expliquer à Mitsuko avant qu’ils ne soient tous malades. Car comme le dit Anju, « ce n’est pas parce qu’on n’est pas malade qu’on est en bonne santé ». Suite à cette discussion, tout s’éclaire un peu pour Mitsuko qui pensait réellement être tombée sur une famille de fous. Pourtant, elle n’est pas encore prête à accepter ce genre de comportement, même si on lui affirme que, médicalement, c’est meilleur pour sa santé.

Traité de manière humoristique, le sujet est totalement dédramatisé, voire même banalisé. Pourtant, il s’agit d’un acte qui peut avoir de fortes répercussions sur la santé des gens s’il n’est pas fait dans les règles. L’automédication n’est pas quelque chose de courant en France. C’est un peu pour ça que ce titre sort maintenant. Dominique Véret, directeur d’Akata, souhaite « faire prendre conscience au lecteur du besoin de se prendre en main et de l’avancée de la culture bouddhiste dans le maintien d’un corps sain ». Le risque étant que certains lecteurs prennent au pied de la lettre ce genre de conseils et tentent de s’auto-médicaliser sans un suivi réel. Comme le dit Dominique, « il n’y a pas de mal à se faire du bien » ; mais jusqu’où peut-on aller ?

À la fin de ce premier volume, l’auteur(e) décrit même sa première tentative de lavement. Apparemment, elle se base sur sa propre expérience pour réaliser « Mitsuko Attitude ». Consciente du danger, elle a demandé à ses assistantes de rester avec elle pour cette première fois. Un peu étrange, vu avec nos yeux d’Occidentaux. Le matériel se trouvant sans problème sur internet, certains lecteurs peuvent être tentés, pourtant, ce manga n’est en aucun cas un manuel de santé. Ce n’est pas parce que Mamoru Kurihara avoue effectuer ces lavements une fois par jour qu’il faut suivre son conseil.

Sous ses airs humoristiques, ce manga traite d’un sujet plus que sérieux. Pourtant, le choc entre ces deux familles aux mœurs bien différents offre un récit des plus divertissants. Si les problèmes intestinaux, les personnes qui reniflent leurs cacas ou un garçon buvant son pipi ne vous dégoûtent pas trop, lisez « Mitsuko Attitude ». Un très bon moyen de porter un nouveau regard sur les autres personnes qui nous entourent, sans devoir juger leurs mœurs, même si cela peut nous paraître étrange. Tolérance et bien-être sont les maîtres mots de cette série.

Gwenaël JACQUET

« Mitsuko attitude » T1 par KURIHARA Mamoru
Édition Delcourt/Akata (6.99 €) ISBN : 9782756023823

© Mamoru Kurihara / Kodansha Ltd.

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