Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...« First Wave » T1 par Rags Morales, Phil Noto et Brian Azzarello
Ankama a récemment édité une curiosité signée Brian Azzarello : « First Wave ». Une création qui – comme son titre l’indique – se penche sur la première vague de héros justiciers masqués américains, à la charnière des pulps et des comics. Une appellation qu’il faut néanmoins nuancer, mais une intention réelle de faire revivre ces héros un peu en marge de leurs super-congénères.
Il y eut une époque où l’imaginaire de la culture américaine prit un essor étonnant en se situant à la croisée des chemins, dans un bouillonnement créatif assez décomplexé. Le phénomène avait commencé à la toute fin du 19e siècle, et culmina dans les années 20 et 30 avant de s’éteindre dans les 50s. Il s’agit bien sûr des pulps, publications populaires à bas prix proposant des récits en tous genres : romance, western, policier, science-fiction, aventures exotiques… il y en avait pour tous les goûts. Les pulps furent un terreau primordial pour les héros modernes, puisque beaucoup de personnages et d’univers devenus référentiels y sont nés, allant de la SF au fantastique en passant par l’heroic fantasy, de Tarzan à Conan le Barbare, Zorro ou… Doc Savage. Nul doute que ce dernier, au même titre que The Shadow, Nick Carter ou Buck Rogers ait été déterminant quant à l’éclosion des super-héros à la fin des années 30, quelques essais ayant néanmoins déjà été sporadiquement réalisés en amont. Avec le succès des pulps et l’émergence des comics, le fantastique s’invita dans l’aventure, le polar put être surnaturel comme l’avait anticipé Poe, et l’invasion martienne de Wells fit des petits. Inscrits dans la lignée des premiers romans de SF et de la littérature populaire, les pulps « fantastiques » ouvrirent de nouveaux horizons où les avancées technologiques de l’époque et le phénomène de modernité de ce nouveau siècle permirent le grand mélange des genres, propice à l’avènement des super-héros.
Doc Savage est le prototype même du surhomme sans réel super-pouvoir, chaînon manquant entre Zorro et Superman. Une équipe de scientifiques l’a « juste » entraîné depuis sa naissance à augmenter sa force physique et morale, faisant de lui un colosse aux fantastiques aptitudes. Créé en 1939, soit six ans après Doc Savage, Batman monte d’un cran dans le concept en arborant un costume qui nous fait entrer dans un niveau supérieur de perception du fantastique, entouré de surcroît par un appareillage technologique très avancé. Bruce Wayne ne possède pas de super-pouvoirs, mais comme Doc Savage il a une force, une endurance et une science des combats extrêmes. Néanmoins, son costume et son environnement l’ont déjà embarqué du côté des super-héros. À ses débuts, toutefois, il fut un super-héros très « rudimentaire », plus justicier masqué que réellement surhomme. C’est cette période et ce caractère naissant de Batman qu’Azzarello a utilisé dans « First Wave ». Notre troisième larron est un peu un intrus : on ne pourra pas en vouloir à Azzarello de l’avoir choisi pour compléter son trio de choc (bien au contraire !), mais le Spirit de Will Eisner, né en 1940, arriva un peu après la bataille de cette « first wave » bientôt encapée. Pour autant, le Spirit fut à l’avant-garde de ce qu’allait être la bande dessinée américaine moderne, mais lorsqu’il débuta, le phénomène s’était déjà inéluctablement propagé, avait disséminé çà et là ses Superman, Submariner, Human Torch, Captain Marvel, Flash et autres JSA… Historiquement, le choix du Spirit est donc une coquetterie, mais conceptuellement c’est une très riche idée de la part d’Azzarello. Car quelle autre série que « The Spirit » allia avec autant de génie et de décomplexion le polar, l’humour, la SF, l’aventure et que sais-je encore à l’époque ? « The Spirit » est presque un genre en soi. Mais bref.
Brian Azzarello a donc voulu rendre hommage à cette période bénie pour l’imaginaire de papier, remettant en scène certains des personnages les plus emblématiques de l’époque. Et c’est vrai que Doc Savage allié à Batman et au Spirit, ça a de la gueule ! Les éditions Ankama nous proposent les six épisodes de cette mini-série en deux volumes (le second sortira le 14 juin prochain). Dans le premier volume, vous pourrez aussi lire l’histoire qui servit un peu de prologue à la série, parue dans « Batman/Doc Savage Special » et où Azzarello fait se rencontrer ces deux pointures sous haute tension. C’est Phil Noto qui dessine cet épisode, dans un style plus épuré que celui de Rags Morales, assez surprenant mais finalement très séduisant. Dans ce premier volume, Brian Azzarello place ses personnages et les multiples pièces de son puzzle avec une régularité qui frise l’obsession, nous faisant passer de sas en sas sans ménagement. De Gotham City aux jungles d’Amérique du Sud, des docks aux villas de luxe, sur l’eau, sur terre ou dans les airs, ça pète de tous les côtés, et nos trois héros doivent faire face à des événements qui semblent n’être que les ramifications d’un seul et même problème bien plus dangereux. Si on peut se sentir un peu perdu dans la succession ininterrompue de ces pièces de puzzle souvent énigmatiques, le plaisir d’Azzarello à faire revivre cet art du cliffhanger de l’époque est palpable, et on passe un très bon moment de lecture, prêt à se faire embarquer n’importe où. Nul doute que tout va enfin s’emboîter dans la seconde partie de l’aventure…
Outre Batman, Doc Savage et le Spirit, Azzarello s’est servi de certains autres personnages oubliés comme les Blackhawks, Rima la fille de la jungle, ou le fameux Vengeur de Justice, Inc pour parachever son ambiance pulp fiction. D’une manière générale, Azzarello a très bien retranscrit le caractère et la personnalité iconiques de chacun des personnages qu’il utilise. Ainsi, on appréciera le ton décalé de notre cher Spirit et la belle représentation du commissaire Dolan, mais aussi la dureté de Doc Savage et l’ambivalence de Batman. Azzarello a si bien fait monter la sauce qu’on ne peut qu’avoir hâte de lire la fin de cette aventure, avec en revers de la médaille l’inévitable goût de manque une fois ce premier volume refermé.
Cecil McKINLEY
« First Wave » T1 par Rags Morales, Phil Noto et Brian Azzarello Éditions Ankama (15,90€) – ISBN : 978-2-35910-270-3
Rebonjour,
Deux articles « Comic Books » le même jour, les lecteurs de BDzoom.com sont gâtés !
J’ai encore des questions, SVP.
1) Je trouve le dessin représentant les trois héros avec les décors urbains magnifique. Qui en est le dessinateur ? Rags Morales, Phil Noto ou une tierce personne ?
2) J’ai feuilleté cet album à sa sortie, mais j’ai été surpris (et vous reprenez ces deux planches dans l’article) de voir Batman utiliser des pistolets. Dans les versions ciné, dessin animé, BD que j’ai vu, il me semblait que Batman avait en horreur les armes à feu, car cela est lié au traumatisme provoqué par le meutre de ses parents. Est-ce une incohérence du scénario de Brian Azzarello ? Est-ce que le rejet de Batman pour les armes à feu est un élément essentiel dans l’histoire des multiples séries traitant du justicier de Gotham City ou, au contraire, un élément n’appartenant qu’à certaines versions de Batman et qui n’était pas présent dans les premières histoires des années 1930 et 1940 ? (Je sais, la question est longue)
En vous remerciant,
Cordialement,
Sylvain
Hello,
1°) La très belle illustration urbaine où apparaissent nos trois héros a été réalisée par l’excellent Lee Bermejo.
2°) En ce qui concerne les armes de Batman, non, il ne s’agit pas d’une incohérence d’Azzarello, au contraire, il a exprimé très justement où en était Batman à ses débuts. Dès 1939, dans « Detective Comics », il arrivait que Batman se serve d’armes. Certes, c’étaient plus des sortes de flingues high-tech quelque peu futuristes et non des bons vieux flingues de gangsters, mais armes il y avait. Cependant, assez vite, Batman décida de ne plus se servir de ces armes en raison justement du meurtre de ses parents, refusant finalement d’employer les mêmes armes que l’ennemi. C’est ainsi que, petit à petit, il s’outilla de plus en plus d’un arsenal de gadgets technologiques neutralisant l’ennemi plus qu’il ne le tuent. N’ayant pas de super-pouvoirs et refusant les armes à feu, il ne restait plus à Batman que ses batgadgets pour contrer les super-vilains. Azzarello s’est donc penché sur cette première période où Batman n’avait pas encore l’étoffe d’un super-héros aguerri, justicier masqué fraîchement débarqué et apprenant à prendre ses marques, à trouver son style, faisant usage des armes s’il le fallait car n’ayant pas encore assez d’expérience pour aller au-delà de ça…
Bien à vous,
Cecil McKinley
Bonjour Cecil McKinley,
Merci de toutes vos réponses !
Quelque chose d’autre m’étonne ! Les aventures de Batman sont publiées chez DC aux Etats-Unis. Si je ne me trompe pas, « Batman » appartient à DC, comme « Spirou » à Dupuis. En France, pendant quelques années, le catalogue DC a été exploité par Panini, et depuis début 2012 par Urban Comics. Comment se fait-il, alors, que « First Wave », comportant Batman comme l’un des personnages principaux, soit publié chez Ankama ?
Cordialement,
Silvain
Bonjour Silvain,
Oui, je comprends votre interrogation, j’ai eu la même. Mais je ne suis pas dans les petits papiers d’Urban ou d’Ankama, et encore moins de DC Comics… Je ne peux donc vous répondre avec certitude sur les pourquoi et comment de la chose… Pour cela, il faudrait connaître les rouages de toutes les clauses et exclusivités contractuelles du marché américain pour les droits internationaux – parfois spécifiques selon les pays et les structures. Il se peut qu’Ankama ait signé pour ce titre avant la reprise par Urban… ce qui n’explique rien puisqu’avant Urban il y avait Panini… J’avoue ne pas avoir creusé la chose.
Bien à vous,
Cecil
Bonjour Cecil McKinley,
Merci de vos précisions. Serait-il possible que cette BD soit une version « pirate », dans l’hypothèse d’utiliser le personnage de Batman sans l’autorisation de DC ?
En vous remerciant d’avance,
Cordialement,
Silvain
Bonjour Silvain,
Non, on ne peut pas parler de « pirate »; à ce niveau-là d’édition, ce serait abracadabrantesque, et même si DC arrivait à ne pas être au courant de cette édition, Urban Comics – à juste titre – réagirait. Je suppose juste qu’il s’agit d’histoire de cessions de droits tarabiscotés.
Bien à vous,
Cecil McKinley