Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
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Dans les années 60, à l’aube de l’indépendance, ont parues les premières BD en noir et blanc ayant pour titre, Les aventures de Tamako.
Bien plus tard, en 1983, avec le soutien de l’Archidiocèse de Bangui et édité par le centre Jean XXIII fut lancé une revue entièrement BD de 16 pages Tatara1, dessinée par Come Mbringa sur des scénarios de Eloi Ngalou et Olivier Bakouta-Batakpa, tous les trois enseignants de collège. Le personnage principal Tekoué2 est un intellectuel ivrogne, paresseux et malhonnête mais sympathique. Il est le témoin de la société centrafricaine : il en incarne tous les vices. C’est l’anti-modèle, celui qu’il faut éviter d’imiter. C’est pourquoi la conclusion de chaque histoire l’oblige à tirer les leçons de ses mésaventures, ce qui laisse toujours un espoir de changement.
Comme l’explique Olivier Bakouta-Batakpa « Avec Tatara, nous voulons montrer aux centrafricains ce qu’ils sont, leur faire voir leur réalité quotidienne. Notre souci est donc d’aborder les fléaux sociaux avec objectivité afin d’inviter le lecteur à tirer lui-même les leçons de chaque mésaventure de Tekoué. 3»
Le sujet des premiers numéros illustre parfaitement cette volonté moralisatrice4 puisque sont abordés des thèmes comme l’alcoolisme (Tatara numéro 1), l’exode rural (numéro 2), la corruption (numéro 3), l’oisiveté (numéro 7) ou le népotisme (numéro 8). Parallèlement aux critiques sociales, Tatara publiait des séries réservées à la santé publique en traitant de la tuberculose, le diabète, la diarrhée, toujours par le biais de la BD.
Vendu à 200 Fcfa5, Tatara connut un grand succès pendant une décennie au point même de susciter une réédition en 1996 à Dakar par l’ENDA-Siggi d’une des histoires intitulée Les neveux d’abord. Phénomène rarissime en Afrique qui s’explique par la qualité narrative des bandes dessinées. Tatara sera interdite au bout de 12 numéros par les autorités du pays qui se sentaient visées par certaines critiques6.
Ce journal fut relayé en 1985 par Balao jeunesse (Bonjour jeunesse), trimestriel lancé par les éditions Edifamadi7, avec le soutien du Centre Culturel français de Bangui et publiant outre de la BD, des jeux et des dossiers thématiques. Il avait comme personnages principaux Kossi, Max et Solo, l’inspecteur Mandelot, créés par Clothaire Mbao Ben Seba (scénariste et rédacteur en chef), Josué Daïkou8 (dessinateur) et Roger Kouli (Directeur de publication). Entièrement gratuit grâce à des subventions, libre de contenu au début, Balao fut très vite utilisé par des bailleurs de fonds étrangers ou des institutions comme moyen de transmission de valeurs éducatives et de sensibilisation à des messages de santé publique. Le fonds routier, organisme dépendant du Ministère centrafricain des transports, en particulier, y eut recours très régulièrement : deux numéros de 1994 sur le code de la route et l’alcool au volant (intitulé De la bière à la bière) et de 1998 sur les véhicules privés servant de transports en commun (intitulé Gbaloukouma ). Un dernier numéro, dessiné par Didier Kassaï et paru en 2006 près de dix ans après l’avant-dernier, est également financé par le ministère des Travaux publics et s’intitule « Jaune, rouge, vert, stop : spécial rentrée scolaire ». Il informe sur les dangers de la circulation routière. La popularité de ce journal, à l’époque de sa parution régulière, fut énorme pour un pays d’Afrique et les tirages très importants : entre 8 et 10 000 exemplaires par numéro. Ce succès explique le lancement d’autres journaux comme Dounia, le journal des jeunes, écrit par des jeunes de Notre dame d’Afrique et publié avec le concours de l’Archevêché de Bangui mais également de Mbayo qui ressemblait à s’y méprendre à Balao : même dessinateur, même scénariste, même présentation, même mise en page et même souci de didactisme. Le numéro 0, par exemple, sensibilisait les citoyens à la nécessité de voter aux élections en suivant les aventures de Gbasso, Tutu et Aïda.
Mais ces revues n’eurent pas le même succès que Balao et Tatara.
Le succès de Balao atteint des sommets lors de l’édition du Guide Balao pour la Centrafrique en 1991 et, surtout lors du grand concours organisé en 1988 par ce journal en partenariat avec l’atelier BD du CCF et portant sur le thème « Comment aimeriez vous vivre en l’an 2000 ? ». Ce concours donna lieu à l’un des premiers albums locaux, dans lequel on retrouve les premiers pas d’auteurs qui se manifesteront par la suite : Régis Noé, Joel Assana, Guy Clotaire Mbilo, Dieudinné Ngamakota, Dum Singa, Jephte & Josias Bondravode, Modeste Nzapassara, Joël Wangbia…
Quelques années plus tard, en 1990, paraissent deux BD L’homme du parc auto édité avec beaucoup de courage par l’auteur Ernest Weangai et La chaîne et l’anneau, financé par Le Centre Culturel Français de Bangui, et qui constituait le premier album mixte entre un scénariste européen : Philippe Garbal et un dessinateur centrafricain : Bernardin Nambana. Ces albums, édités en moyenne à 1000 exemplaires, n’ont cependant jamais atteint les tirages de Balao et Tatara.
En matière d’album, l’étape suivante la plus marquante fut un autre album intitulé Wan-to, une aventure de Bafio, édité en 1993 par le Centre Culturel français de Bangui. Cette Bd était le fruit d’un des ateliers de la semaine culturelle organisée à Bossangoa et animé par Guy Eli Maye. Cette BD, agrafée en noir et blanc, racontait sous une forme réaliste et détaillée, l’histoire d’un jeune garçon, Bafio, qui assistait aux différentes étapes de préparatif de la semaine culturelle de Bossangoa.
Guy Eli Maye, figure émergente de la Bd locale, participera au projet BBKB en 1990, (Bangui – Bordeaux – Kinshasa – Brazzaville), bateau itinérant avec à son bord des ateliers de théâtre, de peinture et de BD. L’atelier BD était composé également du malgache Jano et des congolais Baruti et Kisito…
Puis ce fut un peu le vide jusqu’en 1998, où la Bd centrafricaine connut un second souffle avec une invitation à participer au 1er salon africain de la Bd de Libreville pour le scénariste de Balao et Bayho, Clotaire M’Bao Ben Seba ainsi que pour Didier Kassaï, à l’époque caricaturiste au journal Le perroquet9.
Puis, à partir de l’année 2000, sortiront de nouvelles Bd en couleurs ou en noir et blanc, toujours à vocation éducative sur des thèmes très variés : la sensibilisation à la protection de l’environnement avec l’album Eco – pionniers de Mbomou10, la sensibilisation au virus du SIDA avec la revue trimestrielle Wandara11 (qui a démarré en 2003) ou l’album SIDA, un danger imminent12, la sensibilisation pour la protection du parc national de N’délé avec Kossi et Mbala au PDRN13, le désarmement des ex-combattants avec Une nouvelle vie14 tirée à 10 000 exemplaires, la vulgarisation de la science dans la bande dessinée Les scientifiques au service de la population, dessinée par Jean Noël Ndiba.
Par la suite, le projet bilatéral de coopération éducative franco – centrafricain EDUCA 2000 a piloté en 2005 la réalisation d’une bande dessinée Aventures en Centrafrique de Didier Kassaï et Olivier Bombasaro (Responsable de la partie Ecoles primaires du dit projet), qui sert de support pédagogique à l’apprentissage de la langue française dans les écoles centrafricaines.
En parallèle, le projet finance la réalisation par les mêmes auteurs de 10 albums pour enfants relatant les aventures de Gipépé le pygmée. Huit étaient déjà sortis en 2006.
Puis, en 2003, un collectif de bédéistes de Bangui lançait le magazine bimestriel de bande dessinée Sanza BD, qui tirait à 500 exemplaires et sortit 7 numéros de 2003 à 2005 avant de disparaître du fait des difficultés des auteurs à se mobiliser15.
Enfin, 2006 sera l’année de la consécration pour la BD centrafricaine, à travers Didier Kassaï, doublement récompensé par le 1er prix du concours « Vue d’Afrique » organisé dans le cadre du festival d’Angoulême ainsi que par le prix Africa comics de l’Association Africa é méditerranéo.
Le bilan peut sembler somme toute satisfaisant pour un pays qui n’existe pas pour la plupart des spécialistes mondiaux de la bande dessinée.
Malheureusement, la réalité est plus contrastée, la situation de la bande dessinée en Centrafrique constitue également un condensé des difficultés qu’éprouve le 9ème art sur l’ensemble du continent.
L’enclavement des bédéistes centrafricains est patent. En dehors de leurs frontières, seul Didier Kassaï a connu un certain succès avec les deux prix déjà mentionnés, mais également avec plusieurs participations à quelques productions internationales. En 2000, il participe au projet collectif français A l’ombre du baobab, qui donnera lieu à une exposition au Festival International d’Angoulême en 200116. Par la suite, il collaborera aux ouvrages collectifs italiens, Africa comics 2003 et camerounais, Shegue.
En 2006, le premier titre de la série Gipépé le pygmée a été réédité en Cote d’Ivoire par les classiques ivoiriens suivi d’un album Les exclus, scénarisé par Clotaire Ben Seba qui a été édité par la maison d’édition canadienne TNT.
En dehors, de son cas, aucun autre bédéiste de RCA ne s’est manifesté à l’étranger17, leur action et leur travail reste totalement méconnu18, alors que plusieurs africains comme le gabonais Pahé19, les congolais Masioni20 et Paluku21 commencent à se faire éditer en Europe.
Manque d’ambition, de talent ou d’information ? Les raisons sont diverses, toujours est-il que, vu l’étroitesse du marché local sur laquelle nous allons revenir, cet état de fait nuit évidemment au développement d’une discipline où pénétrer le marché franco-belge constitue une nécessité et une référence.
Pourtant, des contacts avec des bédéistes européens ont existé, en particulier à l’occasion de stages pris en charge par la coopération française.
Dans les années 80, un atelier Bd fut organisé au CCF de Bangui avec Philippe Robert. Celui-ci rééditera l’expérience en 2003 avec un atelier intitulé Les grands quelqu’uns. Les planches ont été exposées à l’Alliance française mais la parution de l’album qui devait suivre n’a pas eu lieu.
En 2001, un atelier avec Beb-Deum et une exposition « Ils rêvent l’Afrique, ils rêvent le monde » furent organisés. Cet atelier déboucha sur quelque chose de concret : un superbe ouvrage individuel du… formateur22 !!!
En 2004, afin de soutenir la sortie de Sanza BD, un stage fut organisé avec Christian Peultier (Mirabelle chez Glénat) mais cet atelier s’est transformé en atelier de dessin de presse du fait d’un manque de temps.
Le marché de la Bd n’existe pas non plus en RCA. La raison principale est le prix des Bandes dessinées. Celles-ci coûtent entre 500 et 8000 Fcfa, ce qui est excessif au vu du pouvoir d’achat des centrafricains.
La majeure partie des BD éditées au cours des années écoulées l’a été grâce à des financements extérieurs. En dehors de l’action et des subventions de la Coopération française et du Centre Culturel français de Bangui, plusieurs autres organismes utilisent la bande dessinée comme supports pédagogiques : le PNUD (Wandara BD et Nouvelle vie), le Fonds canadien d’Initiative locale (Eco-pionnier de Mbomou), l’Union européenne (Kossi et Mbala parle PDRN), le FNUAP (Sida, danger imminent), etc. Les auteurs de Bande dessinée, logiquement soumis aux désidératas des bailleurs de fonds, obligés de travailler dans l’urgence, peinent à trouver leur style. Et celle-ci n’est vue que comme un simple média d’accès aux populations locales, pas comme un art à part entière.
Toujours donnée, rarement vendue (y compris Balao et Tatara), la bande dessinée centrafricaine est totalement sous perfusion et ne constitue en aucune façon une industrie culturelle23.
De fait, aucun bédéiste ne vit de son travail et peu ont une activité liée à leur passion. Bassa Mardoché est fonctionnaire d’Etat, Jean Noël Ndiba travaille pour une société biblique, Bondravodé est devenu prêtre catholique, Serge Mbaïkassi est pasteur au Bénin, Frédéric Kassaï est contrôleur de péage. D’autres sont sérigraphes, peintres, caricaturistes…
L’une des solutions tiendrait au recours à la presse locale qui permettrait à la bande dessinée d’avoir une première vie et d’installer dans l’imaginaire collectif des séries et des personnages. A charge pour des éditeurs privés, les grands absents de ce milieu, d’en profiter par la suite en éditant des produits adaptés aux bourses des citoyens locaux et moins copiés sur l’Europe.
Car, peu chère à produire et rapide à réaliser, la bande dessinée semble un média de communication et de loisir formaté pour des pays comme la Centrafrique. Réussir ce pari serait un excellent signe envoyé à l’ensemble de l’opinion publique pour qui ce pays est trop souvent synonyme d’instabilité et de coups d’Etat.
Christophe CASSIAU-HAURIE
Rose Hill
Île Maurice
Avec l’amicale et très active collaboration de Didier Kassaï.
1 Ce qui signifie Miroir en sango, langue nationale de la RCA.
2 Le gourmand ou mangetout en sango.
3 Tatara : un miroir. Olivier Bakouta-Batakpa in Vivant univers, N°367, Bande dessinée et tiers monde. Janvier-février 1987. pp. 34-35.
4 Le sous titre de la revue était évocateur : Le journal de la lutte contre les mauvaises mœurs de la société.
5 A une époque, où 50 Fcfa valait 1 FF.
6 Certains thèmes traités dans Tatara relevaient en effet carrément de la politique : La fille du ciné bar (N°5), par exemple, est un hommage à un jeune lycéen et à sa mère, assassinés par les forces de l’ordre centrafricaines, à la fin du règne de Bokassa. Philippe Robert revient plus longuement sur l’histoire de Tatara dans l’article : La bande dessinée, Notre librairie, N°97, pp. 107-108.
7 Edition diffusion des manuels didactiques, qui est une maison d’édition et une imprimerie imprimant et diffusant des manuels scolaires pour le Ministère de l’Education Nationale.
8 Mort électrocuté en juin 2005 par un câble de haute tension tombé sur sa maison.
9 A l’époque, Didier Kassaï avait déjà dessiné avec son frère Frédéric, L’histoire de William Haas, album qui devait être publié aux Etats Unis par la mission baptiste et qui restera inédit.
10 Scénario et dessins de Jean Noël Ndiba..
11 Scénario et dessins de Jean Noël Ndiba, Jean Noël Mokope et Didier Kassaï..
12 Scénario et dessins de Régis Noé.
13 Scénario et dessins de Guy Eli Maye.
14 Scénario et dessins de Olivier Bombasaro et Didier Kassaï
15 Les membres de ce collectif était Guy Eli Maye, Ernest Weangaï, Régis Noé, Mardoché Mbassa, Wilfried Sanze, Didier Kassaï, Joel Assana, Gabin Picassa Vobodé, Josias Bondravodé, Socrate Bangala et Béatrice Mossongo.
16 Sa participation concernait l’exposition mais non l’album qui l’avait précédé.
17 Pour l’anecdote, Algesiras, de son vrai nom Anne Laure Garcia, auteur entre autres de Candélabres, est né et a vécu les 10 premières années de sa vie à Bangui, mais elle est européenne !
18 Par exemple, en dehors de Didier Kassaï (qui signe D’Kass), aucun bédéiste centrafricain n’est présent dans les différents albums de Africa éméditerranéo : matite africana, africa comics 2002, africa comics 2003 qui font pourtant un état des lieux complet de la bande dessinée africaine.
19 La vie de Pahé, T.1 Bitam de Pahé, Ed. Paquet, 2006.
20 Rwanda 1994 de Masioni, Grenier et Ralph, Albin Michel, 2005.
21 Missy de Hallain Paluku, Svart et Benoit Rivière, La boîte à bulles, 2006. Coup de cœur de la Fnac en novembre 2006.
22 PK-12 voyages en Centrafrique, Beb-Deum, Ed. du Rouergue, 2003.
23 Pour un complément d’information sur cet épineux problème qui touche l’ensemble des pays d’Afrique, voir l’article de Sébastien Langevin sur ce sujet : Il faut que l’Afrique construise son marché, Africultures, février 2006.
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Avec Bernard Baquer et sous l’autorité de Pierre Sammy, nous avons créé BALAO en 1985.
Lorsque Bernard a quitté Bangui (après le numéro 4 de Balao), j’ai recruté Clotaire MBao.
Je ne connais absolument pas Roger Kouli.
Le rôle de Perre Samy a été considérable
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