« La Colline aux coquelicots » par Chizuru Takahashi et Tetsuro? Sayama

Avec la sortie du dernier film du studio Ghibli, il est logique de publier maintenant « La Colline aux coquelicots », manga ayant servi d’inspiration à Goro Miyazaki. À l’origine éditée en deux volumes distincts, c’est un pavé de plus de 300 pages que nous proposent les éditions Delcourt : respectant ainsi la nouvelle édition parue en 2010 au Japon et, plus tard, rééditée une nouvelle fois en Bunko (1)

L’œuvre originale est parue en 1980 dans le magazine Nakayoshi. Destiné aux très jeunes filles, c’est une des revues les plus célèbres de l’éditeur Kodansha. De nombreuses séries connues en France ont été pré-publiées dans ses pages : « Candy-Candy », « Sailor Moon », « Cardcaptor Sakura », etc. À l’époque, « La Colline aux coquelicots » est passé quelque peu inaperçu au milieu des autres œuvres. Son scénario n’a rien de bien innovant et le dessin ressemble à ce qui se faisait dans les années 80.

Umi, est une jeune fille de 16 ans vivant sur une colline ou pousse de nombreux coquelicots. Sa maison est bien grande depuis que le bateau de son père a disparu et que sa mère la délaisse pour ses coûteux voyages. Du coup, elle doit s’occuper de sa sœur, de son frère et de sa grand-mère qui habitent tous sous le même toit. Afin de financer une partie des frais d’entretien de la demeure, elle loue des chambres à quelques étudiants. Elle dépense beaucoup d’énergie pour faire ce qui lui semble le plus juste et tenir impeccablement la maison. On ne sait jamais, son père pourrait revenir, du moins, elle souhaite y croire.

L’histoire, en elle même, tourne autour des soucis financiers constants, que ce soit pour l’héroïne ou pour certains camarades de classe : le tout, englobé par des sentiments amoureux mal maîtrisés (qui pimentent un poil le récit) et par un secret familial sur la paternité de certains protagonistes. Que du classique, bien mené, mais n’offrant pas de grands chamboulements, à même de transcender le récit. Le scénario est linéaire, mais agréable à lire.

Le dessin est aussi très agréable, mais il est daté ; c’est une évidence. Autant les lecteurs francophones sont habitués aux mangas shônen des années 70 avec les nombreuses traductions des œuvres d’Osamu Tezuka, Shotaro Ishinomori et autres grands noms de l’époque. Autant, le shôjo manga est un genre dont les classiques sont peu édités chez nous. Il y a bien « Candy-Candy » dont les 9 volumes ont été traduits en France en 1993, mais peu de personnes les ont lus, du fait d’un problème de droit empêchant toute réédition (2). Pourtant, Chizuru Takahashi doit beaucoup au style graphique de Yumiko Igarashi, la dessinatrice de « Candy-Candy » . C’est pourquoi la dessinatrice de « La Colline aux coquelicots » n’a jamais véritablement réalisé de série ayant eu un succès phénoménal. Son style suit les tendances et s’adapte au goût du public. Elle n’innove pas, que ce soit par rapport au dessin des personnages, des décors ou de la mise en page. Il est facile de retrouver les tics graphiques de plusieurs dessinatrices phares de la scène shôjo des années 70-80, telles Keiko Takemia, Riyoko Ikeda ou Yumiko Igarashi déjà citée.

Néanmoins, si le dessin est classique, il n’en reste pas moins agréable et représentatif d’une époque. Il s’adapte parfaitement au récit de Tetsuro? Sayama qui développe le thème classique des préoccupations sociales des femmes de l’époque. Leur émancipation, ainsi que leur place changeante dans la société japonaise en pleine mutation, et leur ouverture vers un mode de vie plus occidental, tout en gardant de vraies valeurs traditionnelles. Ici, l’héroïne est forte, persévérante et loin de la naïveté de certaine de ses camarades mêmes si, elle aussi, arrive à se faire abuser. Rien n’est blanc ou noir dans ce manga, la vie est faite de compromis et il y a énormément de leçons et d’enseignements à tirer des actions des autres : un message positif mais extrêmement réaliste, d’où une légère pointe de pessimisme. Tout comme dans la vraie vie.

Cependant, « La Colline aux coquelicots » reste un excellent manga qui permet de  comprendre à partir de quelle base est parti Goro Miyazaki pour réaliser son film. C’est également un excellent point de vue sur la situation des jeunes filles japonaise de l’époque. De plus, il faut souligner le prix extrêmement bas, par rapport au nombre de pages publiées. Donc, aucune raison de s’en priver !

Gwenaël JACQUET

« La Colline aux coquelicots » par Chizuru Takahashi et Tetsuro? Sayama

Éditions Delcourt (8,99 €) – ISBN : 978-2-7560-2866-8

(1) Bunko : Collection de livres d’un format encore plus petit que les mangas traditionnel et regroupant, en général, deux volumes complets pour une somme modique. Ils sont facilement transportables et logent extrêmement facilement dans une poche. La plupart des grands classiques sont réédités dans ce format.

(2) « Candy-Candy » fut publié en 1993, directement par les éditions Kodansha qui cherchaient à s’implanter en France. Ce sont les éditions Tournon, actuel propriétaire du nom Strange, qui ont réalisé l’adaptation graphique. L’impression s’est faite en Angleterre sur un papier de très mauvaise qualité et avec un niveau de finition proche d’un mauvais livre de poche. Les images sont grises et le lettrage par informatique, extrêmement moche, dépasse régulièrement des bulles. Une catastrophe aujourd’hui introuvable : un conflit entre la dessinatrice Yumiko Igarashi et la scénariste Ky?ko Mizuki, concernant la paternité de l’œuvre, bloquant toute négociation actuelle.

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