Christophe Blain («Quai d’Orsay»), chroniqueur romanesque

L’auteur du récent et savoureux « En cuisine avec Alain Passard », publie, en cette fin 2011, le second volet de son diptyque jubilatoire et virevoltant « Quai d’Orsay », chronique (diplomatique) édifiante et désopilante de la vie du cabinet du ministre des Affaires étrangères lorsque Dominique de Villepin occupait ce poste.

Un Dominique de Villepin rebaptisé pour l’occasion Alexandre Taillard de Vorms : « Pour l’appeler de son vrai nom, nous révèle Christophe Blain, il aurait fallu faire une chronique exacte alors que nous avons souhaité donner une dimension romanesque à l’ensemble. S’appuyer sur une profession est un excellent ressort dramatique, poursuit-il, mais il ne faut surtout pas sombrer dans l’explicatif au risque de perdre la fluidité et d’obliger le lecteur à des retours en arrière permanents ». Par exemple, dans « Quai d’Orsay », le nombre de conseillers entourant le ministre des affaires étrangères est réduit : « S’il y a des personnages existant réellement, la plupart sont des synthèses. D’autres, quoique exquis, n’auraient pu être traités dans notre esprit de restriction aux situations les plus marquantes », explique l’auteur de « Gus ». Dans la même optique, ce second volume aurait du comporter un épilogue de vingt pages « que nous avons supprimé pour conserver le caractère resserré de l’album. Écrire est un acte empirique et un chemin de découverte. Notre construction s’est faite par strates : on essaye puis on garde ou on abandonne, même des trucs très bons ».

Ce nouvel opus, élaboré en collaboration avec Abel Lanzac (pseudonyme d’un ex-membre de cabinets ministériels et ancien rédacteur des « éléments de langage » de Dominique de Villepin) traite particulièrement des ultimes tractations internationales à la veille de l’offensive américaine en Irak, devenu pour la circonstance le Lousdem, en mars 2003 : « On a l’impression d’une chronologie entre les deux tomes, nous dit le créateur d’« Isaac le pirate », mais, en réalité, tout se passe en même temps et nous avons composé avec la réalité. Les deux volumes sont conçus comme un seul et même mouvement, et peuvent se lire indépendamment. Le premier est une succession de scène de présentation. Ici, on suit un même fil conducteur tout au long. »

Encore une fois, l’équilibre subtil entre le sérieux des relations internationales, très tendues à l’époque, et le dérisoire du quotidien humain, fait mouche : « Jamais didactique mais toujours romanesque ». Et toujours neutre dans le propos : « Notre intention n’est pas d’être ou ne pas être sympathiques, observe Christophe Blain. Quand le premier tome est sorti, il a été perçu par de nombreux médias comme pamphlétaire jusqu’à ce que Dominique de Villepin dise qu’il aimait bien l’ouvrage. » Le désormais candidat à l’élection présidentielle de 2012 aurait même dédicacé le livre pour certaines de ses connaissances. Mais de cela, Christophe Blain n’en a cure : « Je n’ai jamais voulu rencontrer Dominique de Villepin, ai toujours refusé les interviews croisées. Je dois garder de la distance et conserver mon indépendance », souligne le dessinateur qui n’a même pas pris la peine de se documenter visuellement sur l’ancien premier ministre. Il a préféré se lancer dans une retranscription personnelle graphique, avec ce style si brillamment expressif qu’on lui connaît, d’après le jeu d’acteur que son complice Abel Lanzac lui a fait : « J’adore ça ! », dit-il.

D’ailleurs, la Politique,  « je commence à en avoir ma dose », indique le dessinateur. Si, en prolongement du projet éditorial, les deux auteurs sont aujourd’hui attelés à l’écriture d’une adaptation cinématographique qui devrait être produite et réalisée par Bertrand Tavernier, Christophe Blain pense déjà à retrouver « Gus »et à lancer son Isaac de pirate dans de nouvelles aventures. Nul ne doute, qu’entre-temps, il aura trouvé un autre univers à revisiter avec ce style ébouriffant dont les lecteurs sont si friands.

Laurent TURPIN

« Quai d’Orsay : chroniques diplomatiques » T2 par Christophe Blain et Abel Lanzac

Éditions Dargaud (16,95€) – ISBN : 9782205066791

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