Encore plus de lectures de BD

Quelques chroniques bonus de 2006 :
Les voyages d’Alix, Les Incas ; La geste des chevaliers dragons, t5 ; Jean Monnet bâtisseur d’Europe ; Tokyo ghost, t2

Retrouvez les couvertures des albums chroniqués en cliquant sur l’appareil-photo

 

Les voyages d’Alix, Les Incas, Torton, Martin, Casterman, 9,50 euros

 

On ne présente plus la collection documentaire et pédagogique créée par Jacques Martin, bien dans l’esprit des restitutions historiques qui caractérisaient ses albums bd. En quelques dessins pleines pages, les auteurs réussissent parfaitement à rendre la quintessence de l’empire inca à son apogée, mais aussi de toutes les civilisations qui l’ont précédé. A travers une série de scène tirées de la vie quotidienne ou des cérémonies cultuelles, laissant la vedette aux monuments et aux sites, et malgré un côté parfois composé ou une impression de rareté humaine peut-être volontaire, l’ensemble se distingue par la portée didactique des reconstitutions, autant que par leur qualité graphique, alliée à d’intéressantes, quoique parfois subjectives, notices explicatives. Signalons en particuliers plusieurs belles réussites comme la porte de Saxahuaman, le jardin d’or du temple du soleil de Coricancha ou la forteresse de Kuélap. Jouant sur le dépaysement d’un exotisme historique qui ne fait pas l’économie d’une grande fidélité archéologique, cet album possède toutes les qualités pour passionner petits et grands.

 

 

 

 

 

La geste des chevaliers dragons, t5, Les jardins du palais, Ange, Paty, Soleil, 12,90 euros

 

Comme la cité autrefois dévastée par un dragon, l’école de Faïza n’est plus qu’une coquille vide confiée au soin d’une directrice oubliée. D’étranges manifestations évoquant les effets du veill, alertent l’orgueilleuse Snejana et son apprenti Jo. Mais les chevaliers dragons ont d’abord été envoyés pour retrouver un joyaux très convoité : la pierre d’Arken qui permet à son possesseur de régner sur la région.

 

Créateurs de jeux vidéos, romanciers, auteur de bd, les prolixes époux Anne et Gérard (= Ange) renouent avec l’une de leurs séries cultes. Très prometteuse, l’oeuvre subissait un certain épuisement dans ses deux derniers opus ; elle retrouve ici le souffle des débuts avec un album qui met en scène des personnalités tranchées mais psychologiquement fouillées, et une intrigue habilement déclinée en variation du thème habituel : alors que dans les volumes précédents l’élimination d’un dragon constituait la trame principale, voire unique, ici elle n’est présente qu’en arrière plan à travers les souvenirs d’une des héroïnes. En marge des combats, ce sont avant tout trois portraits croisés de femmes, engagées dans un cheminement douloureux, que présente un scénario davantage basé sur la confrontation des caractère et l’évolution personnelle des héroïnes, que sur les combats ou la réalisation de la quête. La pirouette finale, ironique et décalée, ne fait que témoigner de cette nouvelle maturité atteinte par les auteurs, renforcée par un style graphique souple maniant, avec un art consommé du montage, les variations de plans et de cadres. Somme toute, un tome réussi et captivant qui relance bien la série.

 

 

 

Jean Monnet bâtisseur d’Europe, Cazalé, Puchol, Editions de l’An 2, 12,50 euros

 

Jean Monnet a toujours fait le pont entre la France et le monde anglo-saxon. C’est ce qui lui permit, en visionnaire, de faire entrer la France d’après guerre dans l’ère de la modernité et de la coopération européenne.

 

 

 

Voici une bd dont on aurait aimé ne dire que du bien quand l’on connaît les difficultés liées au genre du récit historique en images, qui plus est abordé sous l’angle de la biographie. La personnalité attachante du père de la planification française et de l’Europe unie méritait pourtant mieux. Certes, on relève du côté des points positifs, une volonté louable de précision, une exactitude historique sans faille, un sens des détails très couleur locale (la salamandre, les chais, les rues de Cognac) et enfin un souci de casser la monotonie de la narration pédagogique en diversifiant les ressorts romanesques. Mais c’est justement sur ce point que le bât blesse. La trame du récit même (la réalisation d’un site internet par un groupe de lycéens) se présente sous un jour totalement artificiel. Passons encore sur la convocation surréaliste du fantôme de Jean Monnet ! Mais les dialogues, tout à l’obsession de faire passer un flot d’informations, sonnent totalement faux, autant que les situations éducatives ou les rapports entre les protagonistes. Finalement, la partie la plus réussie reste l’évocation en noir et blanc du passé à la façon des bons vieux récit en images (qui semblent décidément intrinsèquement lié à la bd historique). Il reste un louable effort, quoique très promotionnel, d’évoquer de manière fouillée et renouvelée, un personnage clef mais mal connu, et de le mettre à la portée de tous en jouant sur un média porteur. A ce titre, malgré ses limites, cet album mérite d’être recommandé pour figurer dans toutes les bibliothèques scolaires.

 

 

 

 

 

Tokyo ghost, t2, Edo, Jarry, Djief, Comtois, Soleil, 12,90 euros

 

May vit dans le souvenir de l’assassinat de sa sœur Eiko. Mais lorsque le meurtrier est enfin arrêté, une étrange créature, mi démon mi fantôme, apparaît et commence à la tourmenter.

 

Entre polar international, fantastique mythologique et conte urbain, ce second tome consacre une série qui a su donner consistance à un personnage féminin attachant et joliment croqué : plusieurs vignettes présentent de beaux portraits révélateurs des capacités graphiques de Djief, qui, avec une grande économie de moyens, réussit à magnifiquement représenter l’héroïne et ses variations d’humeur. Il convient de noter également un important travail de recherches qui a finalement abouti à une couverture de belle facture, et un soin particulier apporté aux angles de vue. En outre, en introduisant dans le Japon moderne de la mégalopolis et des yakusas, une créature issue directement des croyances ancestrales, le scénario dynamise un récit classique et équilibré. Par ailleurs, les dialogues brefs et incisifs, les arrières plans traités en hachures, les effets ponctuels d’hyper expressivité des visages, le primat du dessin sur le texte, plongent le lecteur dans un univers empli de références intentionnées à l’univers du manga contemporain. En fin de compte, ce type d’album, en passe de définir un courant spécifique dans le cadre d’une bd européenne ouverte aux influences extérieures, révèle d’abord l’extraordinaire prégnance du modèle japonais capable d’imposer, outre sa stratégie éditoriale et certains de ses choix picturaux, une partie de son univers culturel. Une preuve de la porosité grandissante des deux univers mentaux.

 

 

 

 

 

JOËL DUBOS

 

 

 

 

 

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