PLUS DE LECTURES DU 12 JUIN 2006

Cette semaine, 5 thrillers politiques ou historiques: “ Tony Corso T.4 : La fortune de Warren Bullet ” par Berlion, “ New-Messiah.com T.1 : One ” par Redondo et Verelst, “ CH confidentiel T.1 : Pandore ” par Ceppi, “ Les Fleury-Nadal T.1 : Ninon ” par Rollin et Giroud et “ Eagle T.1 à 8 ” par Kawaguchi

Cliquez sur l’appareil photo (en haut, à droite de l’écran) pour découvrir les couvertures des albums chroniqués.


Tony Corso T.4 : La fortune de Warren Bullet ” par Olivier Berlion


Editions Dargaud (9,80 Euros)


Alors qu’il était enclin à dévoiler quelques zones d’ombre de son passé mouvementé, le privé de la Jet-Set de Saint-Tropez doit se rendre, par un chemin escarpé, à son rendez-vous avec le richissime Warren Bullet. L’avocat de ce dernier lui a fait miroiter une opération juteuse qui l’a, en fait, mis complètement sur la paille. Voilà qui va mener notre détective en chemise à fleurs à Belize (ex-Honduras britannique) pour récupérer la progéniture de l’ex-milliardaire, envoyé à sa place afin de finaliser les détails de cette fraude fiscale qui va s’avérer désastreuse sur tous les plans : en effet, son “crétin” de gamin a été kidnappé par une bande de tordus d’origine hongroise, lesquels lui ont déjà coupé deux de ses dix doigts… Grâce à des dialogues cyniques à souhait (la scène de la confrontation entre Tony Corso et son futur employeur est particulièrement jubilatoire) et un découpage séquentiel qui sert remarquablement bien la narration, Olivier Berlion mène rondement et très professionnellement une enquête que l’on pourrait juger classique au premier abord alors qu’elle se révèle, au final, assez complexe ! Remarquons également que l’auteur a délibérément modifié son graphisme en l’américanisant un peu plus (on dirait presque du Butch Guice sur certaines cases) : il y gagne en efficacité ce qu’il y perd en originalité !


 


New-Messiah.com T.1 : One ” par Jesus Redondo et Pierre-Paul Verelst


Editions Paquet (11 Euros)


Michael David Yauch est un polémiste américain, spécialiste des blogs d’analyse géopolitique, qui assiste à l’annonce de l’arrivée imminente d’un nouveau messie. Le monde se divise alors entre ceux qui y croient et les autres ! Quant à notre héros, il est persuadé que, derrière le visage d’ange de “One” (patronyme choisi par ce sauveur aux cheveux longs et tout de blanc vêtu), se cache une manipulation inavouable. Pour son premier scénario, l’économiste Bruxellois Pierre-Paul Verelst s’en prend directement aux gourous, de tous poils, qui sévissent sur le Net. Si sa narration n’est pas sans défaut (normal pour une première œuvre), il faut reconnaître qu’elle est efficace et intrigante ! Oublions donc les premières pages qui mélangent un peu trop systématiquement longs récitatifs et planches sans le moindre texte ainsi que le dessin très professionnel mais un peu raide de Redondo (dont le prénom est Jesus, amusant non ?), pour se concentrer sur les talents de conteur et d’analyste politique et économique de ce nouveau scénariste qui risque faire parler de lui. A l’instar d’un Richard Malka, il utilise au mieux ses connaissances professionnelles pour nous concocter un récit qui s’avère passionnant et qui rappelle, excusez du peu, certains thrillers de politique-fiction contemporains signés Van Hamme : la preuve, on a envie de savoir la suite… Et vite !


 


CH confidentiel T.1 : Pandore ” par Daniel Ceppi


Editions Lombard (9,80 Euros)


Avec cette nouvelle série où il change d’éditeur, délaissant, lui aussi, le confort incertain des Humanoïdes associés, le Suisse Daniel Ceppi (surtout connu pour les voyages exotiques de “Stéphane Clément”) renoue avec les jolies enquêteuses et les flics mal rasés qu’il avait eu tant de plaisir à dessiner dans son diptyque “CD, corps diplomatique”. Cependant, ici, le ton désabusé et le rythme contemplatif de ce précédent et passionnant récit d’espionnage change quelque peu pour se rapprocher de ceux des séries télévisées américaines (style “Les experts” ou “NYPD Blue”), l’auteur multipliant actions, lieux et personnages. L’unité spéciale et transversale de la police helvétique qu’est la Brigade des enquêtes réservées est composée de 4 hommes et d’une femme qui sont à la fois policiers et agents secrets : elle va dénouer les fils d’une enquête compliquée (et peut-être un peu trop floue pour le lecteur), entre trafic de produits toxiques et terrorisme. Heureusement, Ceppi, malgré une narration très (trop ?) hachée, s’attache toujours au côté humain et, finalement, cette succession de scènes souvent violentes, rehaussée par son efficace style ligne claire, réussit à nous convaincre, passé l’appréhension des premières pages.


 


Les Fleury-Nadal T.1 : Ninon ” par Lucien Rollin et Frank Giroud


Editions Glénat (13 Euros)


Cette nouvelle saga familiale et historique, où l’on retrouve certains personnages entrevus dans l’épopée du «Décalogue» (particulièrement dans le tome 8 que dessinait déjà Lucien Rollin), se lit vraiment comme un bon thriller. Nous sommes à la fin de 1797 (l’an V de la République), peu de temps avant que le général Bonaparte parte pour l’Egypte afin de couper la route des Indes aux Anglais, et nous allons en savoir plus sur l’origine de la haine tenace que se sont voué les deux frères Nadal et qui va culminer dans «Nahik» (le fameux tome 8 du «Décalogue» dont on vient de vous rappeler l’existence). Même si les relations entre les divers personnages sont quelquefois tirées par les cheveux, la technique narrative de Frank Giroud est telle que le lecteur marche sans trop se poser trop de questions. Et il frémit, à chaque page, en s’apitoyant sur le sort de cette famille pas politicienne pour un sou dont le père, bibliothécaire et candidat à l’Académie des Sciences, va se retrouver embastillé, victime d’une cabale ourdie par un concurrent jaloux. Ses trois enfants vont remuer ciel et terre pour lui éviter la guillotine mais leurs démarches vont sans cesse être entravées par les dissensions et les jalousies qui déchirent cette fratrie. Personne d’autre que Lucien Rollin (qui a dû refaire quelques planches à la suite du terrible incendie qui a ravagé son incendie au mois de mars 2005) n’aurait pu si bien illustrer ces destins contrariés : son style, de plus en plus réaliste, lisible et classique (dans le bon sens du terme) collant parfaitement à la machinerie parfaitement huilée concoctée par Frank Giroud. D’ailleurs, la mise en images de chaque album de cette série écrite par le prolifique et passionnant scénariste reviendra au dessinateur qui a créé le personnage mis en avant ou, à l’occasion, à un invité de marque.


 


Eagle T.1 à 8 ” par Kaiji Kawaguchi


Editions J’ai Lu (5,80 Euros par tome)


Cependant, l’un des meilleurs thrillers que j’ai pu lire récemment est un manga sur le fonctionnement complexe du système électoral américain et sur les états d’âme que peuvent avoir les journalistes politiques : il s’agit d’“Eagle”, une série prévue en 11 volumes chez J’ai Lu, dû à un auteur japonais prétendument nationaliste, connu surtout pour ses séries “Spirit of the sun” et “Zipang”. Peu après le décès de sa mère, un jeune reporter japonais qui n’a jamais connu son père, est envoyé par son journal pour couvrir les élections aux USA et suivre, particulièrement, un candidat d’origine nippone. L’impénétrabilité et l’habileté de ce dernier, archétype du candidat démocrate dont on s’interroge sur la sincérité des actes, s’opposent au regard distancié, entre admiration et scepticisme, du jeune japonais. D’autant plus que, cerise sur le gâteau, ce dernier tombe amoureux de la fille de cet impressionnant élu du peuple ! Le système et les rouages de la campagne pour obtenir le fauteuil de Président des Etats-Unis sont décrits avec une narration impeccable, sans concessions : son ton (et son dessin) sobre et froid allant de pair avec des rebondissements foutrement excitants ! Regrettons toutefois que l’édition française (au niveau de l’impression et de la mise en pages) ne rende pas justice à cette excellente œuvre asiatique qui pourrait bien, à son tour, servir de passerelle entre la BD franco-belge et le manga, à l’instar d’un “Monster” ou des œuvres de Taniguchi.


 


Gilles RATIER


 

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