PLUS DE LECTURES DU 13 MARS 2006

Notre sélection BD de la semaine vous propose quelques autobiographies et autres reportages sur l’espèce humaine qui valent largement le détour : “ Le combat ordinaire T.3 : Ce qui est précieux ” par Manu Larcenet aux éditions Dargaud, “ Découpé en tranches ” par Zep aux éditions du Seuil, “ Une épaisse couche de sentiments ” par Sébastien Gnaedig et Philippe Thirault aux éditions Dupuis, “ Pedro & moi ” par Judd Winick aux éditions Cà et Là et “ Remember ” par Benjamin aux éditions Xiao Pan.

 


Le combat ordinaire T.3 : Ce qui est précieux ” par Manu Larcenet


Editions Dargaud (13 Euros)


Avec cet avant-dernier tome qui s’articule autour des thèmes du deuil et de la paternité, nous retrouvons Marco, juste après le suicide de son père atteint de la maladie d’Alzheimer. Fortement éprouvé et chamboulé, notre jeune photographe va se rendre compte qu’il ne connaissait pas vraiment l’homme qui l’a conçu et il va essayer d’en savoir plus sur lui. Etant dans un état d’esprit peu réceptif au reste du monde, ses relations avec sa copine commencent à se dégrader, cette dernière insistant pour avoir un enfant, alors que lui n’en a absolument pas envie. Et voilà qu’un éditeur lui propose de publier un livre de ses photos… Cette fiction, s’appuyant sur des éléments autobiographiques et qui est également une belle et émouvante exploration de l’âme, continue de jouer habilement entre les situations cocasses du quotidien et les difficultés de la vie ; toutefois, cet opus se révèle bien plus sombre et plus grave que les deux précédents. Cela se sent d’ailleurs dans le graphisme qui se veut plus réaliste, beaucoup moins rond et «gros nez» (particulièrement dans les nombreuses scènes de nuit), où encore dans les quelques pages de transition, uniquement composées de représentations d’objets appartenant à l’être cher et disparu. Rythmant ainsi une narration de mieux en mieux élaborée, l’auteur nous fait réfléchir sur les relations que nous entretenons avec nos parents, tout en soulevant des interrogations sur la condition humaine en général, avec une intense pudeur…, sans jamais juger.


 


Découpé en tranches ” par Zep


Editions Seuil (13,50 Euros)


Le célèbre dessinateur de «Titeuf» avait envie de livrer un travail sur lui-même et de s’adresser à un autre public que celui des enfants. Voilà pourquoi il se met ici en scène, avec une chaleureuse sincérité, en tant que personnage principal, dans quelques tranches d’auto-analyse, entre humour et blues. Dans cette très intéressante autobiographie pleine d’autodérision, il nous raconte, d’une manière drôle et touchante à la fois, ses expériences de vie passées et actuelles dans un quotidien où chacun peut se reconnaître. Ces 22 séquences introspectives, dessinées dans un style libéré et maîtrisé (sans avoir recours à des cases) et parsemées de clins d’œil aux copains ou confrères estimés, s’achèvent souvent sur une pirouette, ceci afin d’atténuer la gravité du propos : à l’aube de la quarantaine, le Suisse Zep (alias Philippe Chappuis), qui est resté un homme simple, s’interroge sur le monde qui l’entoure et se demande, parfois, ce qu’il y fout !


 


Une épaisse couche de sentiments ” par Sébastien Gnaedig et Philippe Thirault


Editions Dupuis (9,80 Euros)


Sébastien Gnaedig, aujourd’hui directeur éditorial de Futuropolis, et Philippe Thirault, auteur de quelques romans noirs et scénariste de séries BD éditées chez les Humanos, n’en sont pas à leur première collaboration. Ils nous avaient déjà surpris (dans le bon sens du terme) avec des ouvrages abordant déjà le problème de l’emploi, sous couvert de satire sociale («Mes voisins sont formidables» au Cycliste, en 1999, et «Videz la corbeille» chez Rackham, en 2003), et ceci bien avant que le cinéma utilise avec réussite le thème («Violence des échanges en milieu tempéré», sorti en 2004). Aujourd’hui, avec «Une épaisse couche de sentiments», on sent que ces deux complices ont bien mûri leur propos, grâce, entre autres, à une narration et un graphisme plus professionnels et plus aboutis : la candeur et la sobriété du trait allant de paire avec le cynisme et la fluidité du récit… Suite à un jeu de hiérarchie parfaitement huilé, un jeune cadre est chargé de dégraisser : de virer du personnel sans l’ombre d’un scrupule, si vous préférez ! Seulement, si l’exercice du licenciement se révèle très technique (les ficelles des vieux routiers sont toujours bonnes à prendre), il devient désarmant lorsqu’il s’adresse à une vielle femme de ménage avec qui on a des liens particuliers. Cette situation va-t-elle faire éveiller les restes d’une humanité enfouie ?


 


Pedro & moi ” par Judd Winick


Editions Cà et Là (23 Euros)


Cet émouvant hommage, d’un dessinateur américain de BD, à un ami mort du Sida, était précédé d’une solide réputation que de nombreux prix ont entérinée. Il arrive enfin en France grâce aux éditions Cà et Là, lesquelles se spécialisent dans la traduction de romans graphiques publiés par des éditeurs indépendants étrangers. Notons  que ce titre fait l’objet d’un partenariat avec le Sidaction : une partie des recettes de la vente du livre étant reversée à l’association qui utilisera cette BD dans le cadre de ses actions pédagogiques. Certes, le graphisme stylisé et un peu raide de Judd Winick peut surprendre, mais l’audacieuse construction de son récit, la fluidité de sa narration et la sincérité de son témoignage font que cet ouvrage devient indispensable à tout amateur de bonne BD… Alors que sa carrière de dessinateur pour les comic-strips risque de s’interrompre, un jeune bédéiste, désemparé, passe le casting d’une des premières émissions de la télé-réalité. Il fait alors partie des sept personnes retenues qui vont habiter, pendant six mois, la même maison, sous l’œil des caméras. Cette expérience va bouleverser sa vie puisqu’il y rencontrera sa future femme et nouera des liens d’amitié très forts avec un jeune Cubain homosexuel et séropositif. Tour à tour drôle et bouleversant, ce formidable opus, de 190 pages très instructives, est un formidable message de tolérance et de fraternité !


 


Remember” par Benjamin


Editions Xiao Pan (13,50 Euros)


Après les mangas venus du Japon et les manhwas coréens, voici la BD chinoise ! Cette nouvelle vague asiatique arrive en France par l’intermédiaire des éditions Xio Pan, animées par Patrick Abry (également organisateur du Festival de l’Image Dessinée Française à Beijing). Tout en mettant sur pied un grand projet pour promouvoir la BD franco-belge en Chine, il en fait de même, en Europe, pour la BD d’origine chinoise, cette dernière commençant à s’ouvrir au reste du monde. Des trois premiers albums proposés, «Remember», petit ouvrage composé de deux récits largement autobiographiques, signés Benjamin (dont le vrai nom est Zhang Bin), est certainement le plus impressionnant ! Le travail sur le graphisme et la couleur de ce jeune virtuose venu d’Extrême-Orient est assez remarquable et son style photographique nous en met plein les yeux. Quant aux histoires, elles nous dépeignent le quotidien et les relations complexes des jeunes artistes chinois (l’un d’eux est même un dessinateur de BD qui s’oppose à l’étroitesse d’esprit de ses éditeurs) et elles sont complétées par de très belles illustrations en pleine page.


 


Gilles RATIER


 

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