PLUS DE LECTURES DU 14 NOVEMBRE 2005

Voici encore 5 BD, ou ouvrages sur la BD, à lire absolument : La machine à rêver : Métal Hurlant (1974-1987), Titeuf : petites poésie des saisons, Secrets : Le serpent sous la glace T.2, Le contrat et Marion Duval T.15 : Enquête d’amour

 


La machine à rêver : Métal Hurlant (1974-1987) ” par Gilles Poussin et Christian Marmonnier


Editions Denoël Graphic (39 Euros)


L’aventure du magazine Métal Hurlant est l’une des plus folles épopées éditoriales de ces dernières décennies mais aussi l’une des plus créatives de l’histoire de la bande dessinée francophone. Initiée par Jean-Pierre Dionnet, Philippe Druillet et Jean Giraud (transfuges du mythique Pilote), cette étonnante tranche de vie du 9ème art a permis de faire découvrir des talents aussi divers que Frank Margerin, Alexandro Jodorowsky, Serge Clerc, Arno, Chantal Montellier, Yves Chaland, Jano, Dodo et Ben Radis…, mais aussi de réhabiliter quelques anciens trop peu connus à l’époque comme Paul Gillon. A la faveur du 30ème anniversaire de la création de cette revue, les spécialistes que sont le libraire Gilles Poussin et le chroniqueur Christian Marmonnier se sont attachés à retracer cette fabuleuse révolution graphique et culturelle ; cette dernière était axée sur les accointances entre rock et BD et réconciliait diverses sous-cultures avec l’audace des avant-gardes. Pour ce faire, les auteurs ont recueilli un florilège de témoignages venants de la plupart des participants au magazine : des rédacteurs aux dessinateurs, en passant par leurs épouses ou par les obscurs de la rédaction : maquettistes, secrétaires d’édition, actionnaires, directeurs financiers, attachées de presse, journalistes etc. Plutôt que de raconter leur vision des choses, dans la première partie de ce beau livre hommage, Poussin et Marmonnier ont laissé parler tous les acteurs qu’ils ont pu rencontrer, avec leurs propres mots, sans parti pris et sans être trop politiquement correct : un véritable travail de journaliste a donc été accompli. Outre une bibliographie complète des albums édités par Les Humanoïdes associés et un grand nombre de photos et de documents inédits, l’ouvrage comporte une chronologie ainsi que, dans sa seconde partie, un scrapbook (de 128 pages) des images les plus belles ou les plus significatives de ce magazine qui a modifié l’esthétique du XXème siècle finissant. Merci à Denoël Graphic d’avoir permis l’édition de ce pavé de 320 pages, lequel est tout simplement incontournable.


 


Titeuf : petite poésie des saisons” par Zep


Editions Glénat (12 Euros)


Certes, ce bel album, au format à l’italienne et dos toilé,  organisé comme un almanach, n’a pas besoin de nous pour bien se vendre et se trouver un public qui lui est déjà acquis ; mais quand l’ouvrage est de qualité et qu’il est bien fabriqué, pourquoi se retenir d’en parler pour cette simple raison ? En effet, cette compilation de gags et de dessins pleine page déjà parus, pour la plupart, dans le magazine Tchô !, est fort bien réalisé, et les histoires présentées sont très drôles (en tout cas, beaucoup plus drôles que les tentatives d’humour disséminées dans le dernier «Titeuf», lequel était une histoire à suivre). D’autre part, ce recueil a été dessiné en couleurs directes pour accentuer le côté illustratif et nous fera patienter agréablement en attendant le prochain «vrai» album de la star des récrés à la grande mèche blonde : aux dernières nouvelles, il n’y aurait que 5 ou 6 pages de prêtes !


 


Secrets : Le serpent sous la glace T.2  ” par Milan Jovanovic et Frank Giroud


Editions Dupuis (12,94 Euros)


Valentin Kozlov recherche, tous azimuts, des informations sur son père qui, environ 50 ans plus tôt, était passé à l’ouest sous un autre nom. Pourquoi ce changement d’identité ? Valentin, aidé par la belle Elena, multiplie les rencontres, mais les pièces principales du puzzle manquent toujours. Privé de ses papiers, Valentin, devenu clandestin, est poursuivi par la police, ainsi que par une bande de tueurs. Heureusement, il obtiendra l’aide d’un groupe d’exclus de la société, vivant dans une immense zone désaffectée… Comme à son habitude, Frank Giroud (le scénariste du «Décalogue» et de «Quintett») s’est très bien documenté pour nous concocter ce trépidant secret de famille mis en images par un Milan Jovanovic, en grand progrès : ce dernier excellant particulièrement dans la reconstitution des univers glauques du Moscou d’aujourd’hui. Ce «Serpent sous la glace» est donc aussi un véritable thriller, passionnant, qui sait, à merveille, renouer les secrets du passé aux drames du présent.


 


Le contrat ” par Will Eisner


Editions Grasset (19 Euros)


Jusqu’à sa mort le 3 janvier dernier, à l’âge de 87 ans, le dessinateur américain Will Eisner aura travaillé sur ce roman graphique de 160 pages, en noir et blanc, fruit d’une vingtaine d’années de recherches et de décortication d’un processus pervers : le parcours des «Protocoles des sages de Sion». Ce livre, annonçant comment les Juifs entendaient détruire la civilisation chrétienne, parut pour la première fois en Russie, en 1905, avant d’être diffusé dans le monde entier à des millions d’exemplaires. Cette supercherie, bâtie sur la transposition d’un pamphlet anti-bonapartiste, était destinée à encourager la haine des Juifs, mais fut démontée, dès 1921, par un journaliste du Times, puis par divers auteurs qui en firent le plus célèbre «faux» antisémite de l’Histoire. Pourtant, en dépit des preuves accumulées, le document truqué ressurgira régulièrement… Mettant en scène les protagonistes du départ (les services secrets de la Russie et le faussaire lui-même), celui qui fût l’un des plus grands talents du 9ème art et qui repoussa sans cesse les limites de ce média, retrace ici l’historique de ce texte inventé de toutes pièces. Avec simplicité et intelligence, Eisner mène son enquête de façon minutieuse, textes à l’appui, pour mieux nous alerter sur l’utilisation continuelle de cet ouvrage par les Nazis, le Ku Klux Klan ou par les intégristes islamistes ; même aujourd’hui, par le biais d’Internet. En guise de testament, ce «Contrat» devrait, par sa force artistique et par sa volonté d’améliorer notre société, confirmer, une fois de plus, l’humanisme et le génie de Will Eisner !


 


Marion Duval T.15 : Enquête d’amour  ” par Philippe Masson et Yvan Pommaux


Editions Bayard (8,90 Euros)


A la lecture du dernier album de «Marion Duval», cette fillette qui habite seule avec son père journaliste (métier prétexte à de nombreux voyages et évènements étranges où il entraîne régulièrement sa fille, à moins que ça soit le contraire…), on comprend mieux le succès rencontré, par cette série (pré-publiée dans le magazine Astrapi depuis 1983), chez les bibliothécaires et autres éducateurs : c’est un cocktail fort habile de tendresse, de pédagogie et d’aventures. En fouillant un vieux carton délaissé dans sa cave, Marion tombe sur une photo de sa mère, cette femme dont elle n’a pratiquement jamais entendu parler. A partir de cette photo et de quelques esquisses réalisées par la main de sa maman, Marion va mener son enquête pour tenter de retrouver celle qui l’a mise au monde. Yvan Pommaux, illustrateur pour enfants réputé et adepte de la ligne claire, a laissé la partie graphique de cette série, propre à faire rêver les lectrices et lecteurs de l’âge de l’héroïne, à Philippe Masson, depuis 1998. Ce dernier a su parfaitement prendre la relève, avec un trait particulièrement fidèle à celui d’Yvan Pommaux, lequel reste le scénariste de ces agréables péripéties souvent inattendues.


 


Gilles RATIER


 

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