PLUS DE LECTURES DU 06 JUIN 2005

Ce n’est pas parce que la Fête de la BD est finie qu’il ne faut plus lire d’albums ! D’autant plus que les cinq que Gilles Ratier vous propose ici méritent vraiment votre attention : “ Osamu Tezuka : biographie 1946-1959 ” par Tezuka Productions aux éditions Casterman, “ Aven T.1 : Les lois de l’attraction” par Laurent et Stefan Astier aux éditions Vents d’Ouest, “ Bouclier humain T.2 : Dommages collatéraux ” par Dominique Hennebaut, Xavier Bétaucourt et Amara Sellali aux éditions Bamboo, “ Les mesures du temps” par Anthony Audibert et Mathieu Gabella aux éditions Petit à Petit et “ Les conquérants de Troy T.1 : Exil à Port-Fleuri ” par Ciro Tota et Christophe Arleston aux éditions Soleil.

 


Osamu Tezuka : biographie 1946-1959 ” par Tezuka Productions


Editions Casterman (12,75 Euros)


A l’exception d’Hergé (dont certains épisodes de sa vie ont été adaptés sous cette forme), aucun auteur de BD n’avait eu droit à une biographie sous la forme d’une BD ! Celle que les Tezuka Productions consacrent à Osamu Tezuka, l’inventeur du manga moderne, est donc unique et imposante. Le premier volume nous avait déjà raconté les 15 premières années de cet auteur majeur et ce deuxième opus retrace les temps forts des débuts de sa carrière de mangaka, de la fin de la guerre jusqu’à l’orée des années 60, en 224 pages. Si cet acteur marquant de la japanisation est surtout apprécié en France pour ses œuvres plus adultes comme «Bouddha», «L’histoire des 3 Adolf», «Ayako» ou encore «Barbara» qui vient d’être traduite récemment, Tezuka est aussi très connu au Japon pour ses adaptations animées comme celles d’«Astro Boy» ou du «Roi Léo» ! Les dessinateurs de sa société d’animation ont choisi, pour raconter la vie de ce créateur hors pair, le personnage de «Monsieur Moustache» (présent dans de nombreuses séries du maître). Ce dernier nous présente les tribulations d’un jeune homme malingre qui va devenir l’un des mangakas les plus adulés de la planète, tout en s’attardant sur l’histoire de ce Japon qui se relève difficilement de la destruction nucléaire et de la défaite de la guerre. A défaut d’être aussi passionnant que les propres BD de Tezuka, cette page d’histoire est fort instructive et tout amateur du 9ème art se doit de l’avoir dans sa bibliothèque.


 


Aven T.1 : Les lois de l’attraction” par Laurent et Stefan Astier


Editions Vents d’Ouest (8,99 Euros)


Dans le petit bourg de Saint-Jean-en-Aven, un pont a été construit, en 1947. Depuis, les prétendants au suicide s’y pressent pour se lancer dans le vide et effectuer une chute mortelle de 468 mètres. Comme la gendarmerie locale, lassée de ces suicides à répétition, ne se déplace plus, c’est un jeune policier de la PJ de Paris qui est détaché pour enquêter sur les deux dernières victimes. Il faut dire que c’est la première fois que deux habitants de ce petit bourg montagnard, et des figures locales encore, puisqu’il s’agit du facteur et de l’artiste régional, se jettent de ce pont qui a bien mauvaise réputation. L’ambiance fin des années soixante est bien relevée par une once d’absurde ou de fantastique et par des personnages hauts en couleurs ; quant à l’intrigue, elle accroche le lecteur dès les premières pages, même ce dernier n’est guère avancé à la fin de cet album, prologue de deux autres opus à venir. C’est donc un bon point pour ce premier scénario écrit par Stefan, le frère du dessinateur Laurent Astier, lequel adopte, pour l’occasion, un trait plus naïf que sur ses précédentes réalisations dans le genre S-F ou polar ; mais l’on ne s’en plaindra pas, au contraire, il y gagne en assurance et en lisibilité !


 


 Bouclier humain T.2 : Dommages collatéraux  ” par Dominique Hennebaut, Xavier Bétaucourt et Amara Sellali


Editions Bamboo (12,50 Euros)


Les témoignages/reportages en BD sont de plus en plus nombreux mais sont souvent l’apanage des éditeurs alternatifs : «Persépolis» en est le plus bel exemple ! Avec ces deux albums couleurs cartonnés de fort belle facture, les éditions Bamboo ont pris le risque de publier l’expérience d’Amara Seliali (fort bien secondée par Xavier Bétaucourt, à la narration), laquelle a vécu, de l’intérieur, la seconde guerre du Golf. Militante au sein d’une association pacifiste, elle se rend à Bagdad, en 2003, pour témoigner de la pollution à l’uranium appauvri sur la population. Elle prend la décision de se joindre aux «boucliers humains», occidentaux volontaires qui tentent de dissuader l’armée américaine de bombarder les civils irakiens. Cependant, devant la violence aveugle et les dangers omniprésents, la jeune militante commence à douter de sa mission et souhaite retourner en France. Sans imposer leurs propres points de vue, les scénaristes montrent bien comment les hommes sont manipulés d’un côté comme de l’autre. Ces deux beaux ouvrages, qui nous font ouvrir les yeux sur les horreurs de la guerre, permettent également de lancer un dessinateur (Dominique Hennebaut) au trait prometteur et au style proche de celui d’un Jacques Ferrandez.


 


Les mesures du temps” par Anthony Audibert et Mathieu Gabella


Editions Petit à Petit (13,50 Euros)


Nous sommes en 1893… Avant de retourner à Paris pour son travail, un jeune journaliste emprunte, sans lui en parler, quelques objets dans le grenier de son père. Parmi ces derniers, une étrange montre attire particulièrement son attention : elle est dotée d’un mécanisme qui permet d’arrêter le temps pour tous, sauf pour celui qui la possède. D’autres personnages échappent, hélas, à ce phénomène, puisqu’une bande de malfrats, sans foi ni loi, tente de récupérer l’horloge. En quelques jours, le nouveau propriétaire de cette curieuse machine à donner l’heure va perdre pied et sa véritable nature va prendre le dessus. Le très littéraire Mathieu Gabella trouve enfin ici un sujet qui lui permet d’être beaucoup plus efficace sur le plan narratif que lors de ses précédentes tentatives scénaristiques, enchaînant, avec habileté, nombre d’événements rocambolesques. Le choix du jeune Anthony Audibert pour illustrer ce conte fantastique et policier semble aussi être le bon puisque le lecteur va être étonné et charmé par son trait anguleux, moderne et classique à la fois, mis en valeur par une douce palette de couleurs brunes. Enfin, signalons l’impression et la reliure qui sont de très bonne qualité : des efforts techniques et des choix éditoriaux de plus en plus rares dans l’immense production actuelle.


 


Les conquérants de Troy T.1 : Exil à Port-Fleuri  ” par Ciro Tota et Christophe Arleston


Editions Soleil (12,50 Euros)


Certes, certains esprits chagrins vont encore trouver à redire au fait qu’Arleston et les éditions Soleil profitent autant que faire se peut du phénomène «Lanfeust»… Certes, certains vont regretter leurs premières incursions, plus parodiques (plus Goscinniennes, en fait), dans cet univers de fantaisy. Ils ont peut-être raison, mais ils doivent pourtant reconnaître que le sieur Arleston sait raconter une histoire et que ses nombreuses nouvelles séries fantastiques et héroïques (des «Forêts d’Opale» à «Elixirs») tiennent fort bien la route : elles n’ont absolument pas à pâlir si on les compare à la horde d’albums insipides qui envahissent nos librairies, depuis quelques années. Cette nouvelle digression d’un univers magique se déroule 4000 ans avant les premières aventures de «Lanfeust» et ne déroge pas à la règle : ici il y a peu d’humour (il y en a quand même un peu) mais beaucoup d’actions et de rebondissements, lesquels nous permettent d’appréhender le monde de Troy d’une autre façon. D’autant plus qu’ici, le scénariste Boudjellalien s’est adjoint les services de l’excellent Ciro Tota («Aquablue», «Photonik»…). Ce dernier a été bien inspiré pour illustrer cette BD moyenâgeuse qui nous raconte les déboires de deux jeunes gens (un frère et une sœur) séparés de leurs parents lors de leur débarquement sur ce nouveau monde appartenant à la puissante compagnie transplanétaire du Consortium des fleurs…


 


Gilles RATIER


 

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