Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES N°61 DU 13 DECEMBRE 2004
Les vacances de Noël approchent et c’est notre avant-dernière chronique de l’année. Nous espérons, grâce à nos choix effectués parmi les 2120 nouvelles BD qui sont parus en 2004, avoir pu vous aider dans vos achats d’albums ! Cette semaine, nous vous conseillons sans retenue : “ De mal en pis ” par Alex Robinson aux éditions Rackham, “ Playback ” par François Ayroles et Ted Benoît aux éditions Denoël Graphic, “ XXe ciel.com T.3 et 4 : Mémoires [19]00 – Mémoires [20]00 ” par Yslaire aux éditions Humanoïdes associés, “ Max et Nina T.4 : La vie en rose ” par Ben Radis et Dodo aux éditions Albin Michel, “ Super sensible : Monsieur José ” par Nicolas Poupon aux éditions Paquet.
“ Playback ” par François Ayroles et Ted Benoît
Editions Denoël Graphic (18 Euros)
Voici une mise en images d’une version du script d’un film qui ne fût jamais tourné et qui va réconcilier les amateurs de BD classiques et ceux qui préfèrent l’avant-gardisme. Le texte d’origine a été écrit, en 1948, par le célèbre romancier Raymond Chandler (le créateur du privé Philip Marlowe) dans un climat de tensions avec l’Universal Studios comme nous l’apprend l’érudite préface du spécialiste cinématographique qu’est Philippe Garnier ; ce synopsis à tiroirs est ici adapté avec brio et modernité par Ted Benoît (plus connu pour avoir été le dessinateur de «Blake et Mortimer» ou de «Ray Banana») et dessiné, dans un élégant et sensuel noir et blanc, d’un trait puissant et contrasté qui rend hommage aux ambiances des films noirs américains de l’après-guerre. Ce presque huis clos, situé dans un grand hôtel de Vancouver, nous narre la glauque histoire d’une jeune femme qui a échappé de justesse à une condamnation pour le meurtre de son mari en Californie et qui se retrouve de nouveau soupçonnée dans un autre imbroglio policier, au Canada. Tout en respectant les codes du genre, ce suspense efficace, rempli de rebondissements inattendus, nous surprend aussi par son traitement narratif et graphique qui évite les lieux communs ; et puis, ce grand album de presque 120 pages, est également un très bel objet doté d’une maquette référentielle du plus bel effet qui augmente encore le plaisir de lecture !
“ De mal en pis ” par Alex Robinson
Editions Rackham (30 Euros)
Ce feuilleton de 600 pages est une œuvre d’initiation dense, complexe et dotée d’un graphisme original où le noir joue malicieusement avec le blanc, les trames et les grisés. Parues à l’origine dans 23 fascicules, entre 1997 et 2000, ces tranches de vie quotidienne d’un groupe d’étudiants tentant leur chance dans le monde du travail sont dues à un jeune dessinateur américain dont c’est la première œuvre majeure. Il en profite pour nous dévoiler les dessous de l’industrie des comics : des attachants portraits qui sont sublimés par un humour subtil et une narration digne des grands maîtres qui lui ont enseigné son métier, tel Will Eisner.
“ XXe ciel.com T.3 et 4 : Mémoires 1900 - Mémoires 2000 ” par Yslaire
Editions Humanoïdes associés (13,90 euros l’un)
Deux tomes paraissent en parallèle pour clôturer avec panache cette aventure graphique d’une richesse incroyable. L’un est rouge et noir, très sombre ; l’autre est bleu, couleur du ciel. Si les deux opus peuvent se lire indépendamment, sans ordre obligatoire, il est toutefois conseillé, en préalable, de se replonger dans les deux précédents volets de cette œuvre audacieuse et ludique. Projet multimédia au départ, XXe ciel.com a d’abord existé sous la forme d’un site Internet. Ce véritable tremplin créatif a suggéré l’œuvre sur papier, support qui n’est intervenu que lorsque l’auteur (dessinateur belge renommé pour sa saga romantique des Sambre) s’est mis à dessiner les images qui lui ont servi de matière première ; ensuite, tout est passé par l’ordinateur : retouches, cadrages, ambiances, couleurs, ajouts de photographies… ; un même dessin, plus ou moins agrandi, pouvant faire l’objet de plusieurs traitements. Réflexion métaphysique sur le siècle passé, ce chef-d’œuvre du 9ème art raconte l’histoire d’une psychanalyste née avec le XXème siècle. Hospitalisée depuis près d’un an par une maladie qui lui a fait perdre la mémoire, elle a débranché, dans la nuit du 31 décembre 1999, le monitoring et tous les appareils cardio-vasculaires qui la maintenaient en vie. Malheureusement pour elle, des infirmiers sont arriver suffisamment tôt pour la sauver de la mort, la laissant dans un coma profond, loin de la vie…
“ Max et Nina T.4 : La vie en rose ” par Ben Radis et Dodo
Editions Albin Michel (12,50 euros)
Après la rencontre, la vie de couple et le mariage, vient naturellement le bébé. C’est ce qui arrive à Max et Nina dans ce quatrième et avant dernier tome. Cette chronique amoureuse de deux jeunes «bien d’aujourd’hui» contient la même grosse dose d’humour et de bonne humeur que les précédents opus. Ici, le plus bel événement de la vie se transforme, comme pour tout un chacun, en un gentil cauchemar auquel on ne peut échapper : d’autant plus que, pour tout arranger, nos héros (toujours dessinés dans un style animalier oscillant judicieusement entre Walt Disney et la ligne claire) ont des gros soucis d’argent.
“ Super sensible : Monsieur José ” par Nicolas Poupon
Editions Paquet (11,00 euros)
Nicolas Poupon a énormément de talent ! Son trait souple et sympathique sait se transformer à bon escient, quelque soit le thème abordé : l’humour caustique avec les gags à se rouler par terre du «Fond du bocal» ou la BD naturaliste pour les petits avec«Roméo Crapoto» (le tout disponible chez l’ami Pol, éditeur Cycliste de son état). Là encore, en abordant la chronique sociale contemporaine accessible à un vaste public (même aux enfants), il rend ses personnages crédibles tout en adoptant un graphisme caricatural (presque simplifié) de bon aloi. Un des protagonistes de cette charmante fable épate les filles car il est super sensible : par exemple, il pleure quand il écoute des chansons, même sur celles qui sont en anglais, car il est vachement fort ! Voilà qui impressionne son pote Maxime, lequel commence à subir les affres de la vie, malgré son jeune âge. Bref, c’est une belle BD drôle et tendre à la fois et c’est comme la vie : un jour ça rit, un jour ça pleure !
Gilles RATIER