Il y a presque deux ans, Hervé Bourhis fut victime d’un infarctus à son domicile. Dans les premières réactions bienveillantes de son entourage, revenait souvent le fait qu’il tenait là le sujet de son prochain album. Mais, ne voyant pas l’intérêt de produire un nouvel ouvrage du type « Ma maladie et moi », Hervé Bourhis se sert de cet accident pour aborder, sous un nouvel angle, l’un de ses sujets de prédilection : la musique (1). Le mix de ces deux thématiques produit un témoignage sincère et touchant, paru chez Glénat dans la collection 1000 Feuilles.
Lire la suite...LE CAMION DES YEUX
1965. Des manifestations d’étudiants parisiens idéalistes aux réalités troubles d’une Afrique en trompe l’oeil, Mathilde gagne le Cameroun pour tenter de donner un sens à sa vie. Elle est bientôt rejointe par le beau Clément, qui s’est résolu par amour à surmonter son inertie et à s’embarquer clandestinement.
Le camion des yeux, t1, N’Gaoundéré, Arnaud Floc’h et Jean-Louis Floch, BFB éditions
Il affronte la faune des Européens énervés, mais c’est bel et bien Amiel, l’énigmatique instituteur noir, qui manipule tous les destins.
Le titre est en soi le reflet de l’album : surprenant, exotique et accrocheur ; alors que la couverture, peu compréhensible au premier regard et résolument vieille école, centrée sur un non événement apparent, attire l’attention vers les détails qui ponctuent, comme autant de relais posés en indices, une intrigue ostensiblement linéaire, mais en fait touffue et savamment composée, jusqu’à faire glisser le propos doucement acidulé d’une comédie sociétale vers un implacable drame fantastique. Plein de mystères, fonctionnant tout en suggestions escamotées aussitôt que dévoilées, ce récit de mauvais oeil, d’envoûtement, de frustrations personnelles aiguës, de fausses libertés et de vrais malheurs, nous est donné sur fond d’affirmation désordonnée des identités nationales africaines, alors que les blancs refluent tout en restant très présents. L’ambiance post coloniale est encore renforcée par le dessin rétro, l’encrage en couleurs primaires et la texture granuleuse du papier très années 1960. Une jolie découverte chez un éditeur perspicace.
Joël Dubos