CHRISTIAN DURIEUX, LE CONTEUR

« Un enchantement », publié dans le cadre des co-éditions entre Futuropolis et les éditions du Louvre est une déambulation nocturne, onirique et poétique, dans les couloirs du Musée du Louvre suite à l’improbable rencontre entre un homme politique sur le départ et une jeune fille inconnue : « C’est le chemin d’un homme: de la lumière artificielle au secret délicieux de l’intime», nous révèle Christian Durieux, l’auteur de ce conte dessiné, qui nous a fait le plaisir de répondre à nos questions.

Comment avez-vous intégré la collection d’ouvrages co-édités entre Futuropolis et les éditions du Louvre et comment avez-vous appréhendé l’exercice ?

 » Le livre est né de la proposition de Sébastien Gnaëdig, le directeur éditorial de Futuropolis. Nous nous connaissons depuis longtemps et sans doute a-t-il bien perçu (avant moi, en tout cas!) qu’une telle proposition serait épanouissante pour moi, pour développer l’univers qui me tient à cœur. Il y a eu un petit moment de timidité (j’avais une grande admiration pour les travaux précédents d’Étienne de Crécy ou Marc-Antoine Matthieu) mais aussitôt nourri d’un grand désir et d’un fourmillement d’idées.  »

Étiez vous personnellement un habitué du Louvre et de quelle manière avez-vous élaboré le parcours qu’empruntent vos personnages ?

 » Je n’y étais allé que peu de fois mais j’en connaissais assez bien le catalogue et c’est le genre de lieu, assez majestueux et mystérieux, chargé d’histoire, de beauté, qui me fait vraiment fantasmer! Dès que l’idée encore mal dégrossie m’est venue, je me suis promené dans le musée, parfois accompagné de Fabrice Douar qui s’occupe de l’édition au Louvre et qui est très fin et de bon conseil. J’ai passé un temps fou à rêvasser sur le plan du musée, le simple plan fourni dans toutes les langues aux visiteurs : j’y esquissais des trajets possibles, repérais les endroits plus en retrait etc. Toute suite l’idée d’une balade était là, dans l’absolu j’aurais aimé qu’elle soit la plus logique, qu’un lecteur puisse la revivre le livre en main, mais certains choix de séquences ou d’œuvres m’en ont empêché et c’est tant mieux: c’est l’imaginaire qui est le patron!  »

Le récit commence par le refus d’un homme d’État de se prêter à une mascarade organisée en son honneur. On est surpris de trouver un homme politique, non pas cultivé, car beaucoup le sont, mais aussi humain et lucide ?

 » Je ne suis pas sûr qu’il aurait refusé les honneurs trente ans plus tôt. Mais il est en fin de vie, il peut regarder lucidement, calmement, mais avec un peu de mélancolie, derrière son épaule. Aussi, il est temps pour lui de ne plus gaspiller le temps: fi des breloques, par contre un vrai moment de légèreté et d’aventure pourquoi pas. En ce sens, le choix des tableaux était pour moi très important symboliquement: on commence avec « Le Couronnement de Napoléon » de David, peinture majestueuse, brillante, mais de pompe et de flatterie, trop brillante, qui encense le pouvoir, on aboutit à la peinture du XVIIIe, au délicat Watteau, à la légèreté un peu secrète, au libertinage délicat, loin de la pompe et du pouvoir. C’est le chemin d’un homme: de la lumière artificielle au secret délicieux de l’intime.  »

Pensez-vous que l’Art ou la culture puisent entraîner une forme de rédemption ?

 » Je crois qu’ils peuvent entraîner beaucoup de choses! C’est toujours délicat de mettre dans le même panier art et morale, mais l’art nous met en tout cas en face de nous-mêmes, de nos questions ou de nos expériences; il nous élargit. Dans mon cas, il a été sous quelque forme que ce soit (peinture, musique, littérature etc.) déclencheur de grandes émotions et de grande rêverie.

Je ne crois pas que dans « Un enchantement » il soit vraiment question de rédemption: finalement les personnages sont assez peu définis et je ne sais de quoi le Président, par exemple, aurait besoin de se racheter. Mais cette promenade est pour lui un moment d’émotion, d’émotion tantôt très joyeuse, tantôt très mélancolique: l’art (et surtout la jeune femme qui le guide!) le conduit vers la beauté et le ramène au passé en même temps; il lui donne une occasion de remettre une dernière fois sa vie en jeu, en acceptant le jeu, justement, la légèreté, l’incongru, le rêve.  »

L’homme politique ne déambule pas seul dans les couloirs du Louvre. Que symbolise sa rencontre avec cette jolie jeune femme qui l’accompagne ?

 » C’était un petit pari, la jeune fille: il s’agissait pour moi de ne pas trop en dire, de laisser le mystère et en même temps qu’elle soit vraiment incarnée, vivante. Cette jeune femme c’est tout (et plus encore sans doute que je ne le crois: chaque lecteur peut avoir sa vision): une vraie jeune femme et un fantôme, une femme d’aujourd’hui et une femme de tous les siècles, une apparition douce et joyeuse et un guide.  »

Cette balade culturelle nocturne se révèle onirique et poétique. Quelle était votre idée « narrative » et comment qualifieriez-vous votre bande dessinée ?

 » Merci, c’est un peu le chemin que je voulais prendre et, idéalement, vous faire prendre: une errance ludique, nocturne, poétique, légère. Je ne voulais pas que ce soit trop long : il s’agit bien d’UN enchantement et non de L’enchantement, c’est-à-dire un moment de rêve, hors du temps, un instant ensorcelé. Je l’ai fait moi-même un peu en suspension, tout en essayant de bien gérer certaines choses importantes pour ce genre de récit: le rythme, le découpage, le mouvement. C’est très modeste, pas éclatant, mais il faut être le plus juste possible pour prendre le lecteur par la main et l’emmener se promener dans cet état d’esprit.  »

Comment avez-vous géré la gageure graphique (aux niveaux du dessin et des couleurs) qui consiste à faire coexister la collection d’œuvres du Louvre – qu’il fallait mettre en valeur – et votre récit ?

 » Oui, c’était aussi un petit point de travail, d’ajustement. J’ai travaillé en couleur directe sur un papier moucheté gris/beige mais avant de passer à; la réalisation finale des dessins, j’imprimais sur mon papier les œuvres après les avoir un peu « transformées » sur ordinateur (assombries légèrement, un peu floutées ou que sais-je.). Ainsi, comme elles sont imprimées directement sur le même papier que le dessin, le grain, la base de couleur gris/beige etc. apparaissent aussi dans les œuvres comme dans les dessins et donne la cohérence à l’ensemble. Je ne sais pas si j’ai été clair… C’est une petite cuisine.  »

Propos recueillis par Laurent TURPIN

« Un enchantement » par Christian Durieux
Éditions Futuropolis/Louvre éditions (17€)

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