RENCONTRE AVEC PHILIPPE CHARLOT ET ALEXIS CHABERT

Peut-on toujours bénéficier d’une autre, voire d’une dernière chance ? Pour son premier scénario de bande dessinée (en attendant de futures parutions chez Glénat et Dargaud, à la rentrée), Philippe Charlot a choisi, avec « Bourbon Street », de traiter d’un sujet universel qui le touche de près.

« C’est au cours du XXème siècle, évoque-t-il, qu’ont été inventées toutes les musiques populaires à destination du grand public, comme le jazz, le blues, la salsa …, » Et de poursuivre : « Ce qui a eu pour conséquence de faire apparaitre un nouveau métier, celui de musicien professionnel. Le XXIème siècle a donc vu apparaitre les premiers musiciens professionnels à la retraite ou du moins ayant l’âge de… ». Et l’homme sait de quoi il parle. Musicien professionnel lui-même, il doute de cette notion de pensionné artistique : « Il n’y a pas si longtemps, nous raconte-t-il, j’étais en studio avec un musicien à la gloire passée qui n’avait qu’une seule envie, celle de revenir, et qui jubilait : « La mode est aux vieux », répétait-il. Il est clair que la vraie vieillesse se situe dans la tête. Et je crois qu’aucun musicien n’a vraiment envie de s’arrêter.»

C’est d’ailleurs le cas de son héros, Alvin, vieux jazzman ayant raté son heure de gloire et trainant ses guêtres dans Bourbon street, la célèbre rue historique du vieux carré français de la Nouvelle Orléans en Louisiane, jusqu’à tomber sur un article consacré au Buena Vista Social Club, dont la lecture lui fait l’effet d’un électrochoc. En cette année 1997, le groupe de musique cubain connait une gloire mondiale sur le tard. La décision d’Alvin est prise : On the road again ! Encore lui faut-il convaincre ou retrouver ses anciens partenaires ! : « Je suis exactement ce que sont ces musiciens, qui jouent dans des salles avec un public quelquefois confidentiel mais toujours très chaleureux, et dont la vie quotidienne se conjugue avec leur passion. Je ne voulais pas évoquer le coté « paillettes » mais parler de musique comme je la vis personnellement », nous explique Philippe Charlot.

À la lecture du scénario, Hervé Richez, l’éditeur en charge de la collection « Grand Angle » chez Bamboo, pense à en confier la partie graphique à Alexis Chabert. Le dessinateur de « Rogon le Leu » et du plus récent « Taxi Molloy » hésite cependant à s’engager sur cette collaboration : « Ça me semblait un peu compliqué, nous raconte-t-il, très, voire trop riche. Je n’étais pas habitué aux récits comportant tant de personnages avec des profils psychologiques si différents ». L’alchimie s’opère à l’occasion de la première rencontre entre les deux hommes. Ils parlent un peu BD pour rapidement saisir leurs instruments et s’engager dans un bÅ“uf endiablé. Le contact professionnel se mue en rencontre humaine et la musicalité de leur collaboration prend forme.

Graphiquement, le dessinateur décide de modifier son style : « Le jazz est une musique libre, nous dit-il, et je voulais donner à mon dessin cette sensation de liberté et de fraicheur. J’ai donc élaboré des crayonnés très poussé, que je n’ai pas encré ». Et les deux auteurs de travailler ensemble sur un découpage qui laisse de l’espace au dessin fouillé : « On ne voulait pas du « 10 cases » par planches, expliquent-ils. L’idée était de trouver un équilibre entre la densité du récit et celui du graphisme ». Un équilibre qui fonctionne parfaitement et amène le lecteur à s’attacher totalement au récit tout en s’attardant sur les décors, au rythme des pensées de Louis Armstrong, narrateur et personnage fantomatique aux apparitions charnières.

Louis Armstrong sera d’ailleurs le vrai personnage principal de cette série si elle se développe, c’est-à-dire « si le premier diptyque trouve son public, souligne Philippe Charlot. L’idée n’est en effet pas de construire une série à rallonge mais plutôt une sorte de collection ayant le fantôme du célèbre jazzman comme fil rouge ».

Laurent TURPIN

« Bourbon Street » T1 (« Les Fantômes de Cornélius » par Philippe Charlot et Alexis Chabert
Éditions Bamboo, collection « Grand Angle » (13,50 euros)

La photo de Philippe Charlot et d’Alexis Chabert est de Laurent Mélikian

Galerie

2 réponses à RENCONTRE AVEC PHILIPPE CHARLOT ET ALEXIS CHABERT

  1. Lambert Sidonie dit :

    Bonjour Alexis,

    J’ ai découvert ton site sur internet ; ce que tu fais en BD est magnifique , cela ne m’étonne pas de toi que tu ai si bien réussi , j’ai toujours pensé que tu avais une super fibre artistique . BRAVO !
    Sidonie ( nous avons passé le bac à l’école d’aguesseau ensemble en 1982! )

  2. Ping : El jazz en el cómic | rebelArtes

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