« Charlotte impératrice » : quatrième et dernier chapitre d’une œuvre de virtuoses…

Il aura fallu huit ans à Fabien Nury et Matthieu Bonhomme pour réaliser les 296 pages de cette histoire impressionnante à plus d’un titre. Huit années de travail acharné, loin de la tendance feel good actuelle à propos de laquelle le scénariste confie : « Je ne suis pas là pour vendre l’équivalent narratif du Lexomil, ni pour consoler le public. Si je vois un beau personnage, avec un destin épique et tragique, j’essaie de le raconter, c’est tout. » Résultat : un travail d’artisans dont chaque page est un enchantement.

C’est un épisode méconnu de la grande histoire qui sert de trame à cette tragédie. Fille de Léopold Ier de Belgique, la jeune princesse belge Charlotte épouse avec faste Ferdinand Maximilien d’Autriche, le frère cadet de l’empereur François Joseph.

Victime de la faiblesse d’un époux inconsistant et de la rivalité qui oppose les Habsbourg à Napoléon III, la jeune femme croit trouver un nouveau départ au Mexique où Ferdinand Maximilien est nommé empereur sous le nom de Maximilier Ier. Hélas, les troupes françaises qui occupent le pays s’apprêtent à le quitter, harcelées par les rebelles de Benito Juarez.

Face à la conduite de son époux fantasque, la jeune impératrice se rend en France afin de plaider sa cause, certaine que Napoléon III — malade — reviendra sur sa décision. Hélas, l’empereur refuse de la rencontrer, tout comme le pape Pie IX, qui la ridiculise. Tandis que Maximilien et ses généraux sont fusillés, Charlotte sombre dans le désespoir, d’autant plus qu’elle porte un enfant, probablement l’œuvre du colonel Alfred van der Swissen.

Ce quatrième volume évoque cette longue descente aux enfers qui durera six décennies… Se réservant le plaisir de jouer avec l’histoire, Fabien Nury construit une fiction qui, bien qu’inspirée d’événements réels, mélange les faits authentiques et l’invention pure. Personnages historiques et individus fictifs nés de l’imagination du scénariste cohabitent harmonieusement au fil d’un récit envoûtant.

Le travail minutieux de Matthieu Bonhomme, ses pages fluides fourmillant de détails, ses cadrages audacieux, invitent le lecteur à se sentir proche de Charlotte, à partager sa folie, sa fragilité, sa perversité, sa solitude. Au travail parfaitement maîtrisé des deux auteurs s’ajoutent les couleurs chaudes et intimistes de Delphine Chedru. À la fois tragique et rocambolesque, le destin méconnu de Charlotte de Belgique — durant trois années impératrice du Mexique — est un pur plaisir de lecture.

Né le 31 mai 1976, Fabien Nury est titulaire d’un diplôme de l’ESCP Europe. En 2003, il cosigne « W.E.S.T. » avec Xavier Dorison pour Christian Rossi. Suivent « La Mort de Staline » pour Thierry Robin, « Il était une fois en France », puis « Katanga » pour Sylvain Vallée, « Tyler Cross », « Electric Miles » pour Brüno, « Necromancy » pour Jack Manini, « L’Or et le sang » pour Merwan et Fabien Bedouel, « Silas Correy » pour Pierre Alary… Présent dans l’audiovisuel depuis 2006, il coécrit avec Xavier Dorison « Les Brigades du Tigre », puis « Guyanne », « Pour toi j’ai tué » avec Laurent Heynemann, « Paris Police 1900 », « Paris Police 1905 », et enfin « Tyler Cross », qu’il adapte sous la forme d’une mini-série animée pour Canal+. Il offre à ses lecteurs des œuvres rares, ciselées et mûrement conçues.

Né le 17 juin 1973 à Paris, Matthieu Bonhomme détient un BTS d’art appliqué. Ses premiers travaux sont publiés par les revues de Bayard presse, et plus particulièrement Okapi où il publie en 2000 « Victor et Anaïs », édité par Carabas deux ans plus tard. Dès le premier numéro de Capsule cosmique aux éditions Milan, il crée « Esteban », qu’il poursuit dans Spirou. Il signe « Messire Guillaume » avec Gwen de Bonneval pour Dupuis, « Texas Cowboys » avec Lewis Trondheim dans Spirou, « Le Marquis d’Anaon » avec Fabien Vehlmann chez Dargaud. Il travaille actuellement sur un troisième « Lucky Luke vu par… » pour Lucky Comics. Hôte de l’atelier des Vosges, il crée ensuite l’atelier du Coin.

Notons un très beau dossier de presse de 20 pages qui devrait combler les collectionneurs les plus pointus.

Henri FILIPPINI

« Charlotte impératrice T4 : Soixante Ans de solitude » par Matthieu Bonhomme et Fabien Nury

Éditions Dargaud (20,50 €) — EAN : 9782205211757

Éditions Dargaud (25 €) — EAN : 9782205213089 (pour l’édition en noir et blanc, avec un cahier de croquis de 8 pages, tirée à 1250 exemplaires, proposé par Canal BD)

Éditions Dargaud (39 €) — EAN : 9782205214703 (pour l’édition spéciale au format 400 x 534 avec un bonus, proposée par la librairie Bulles)

Parution 18 avril 2025

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Une réponse à « Charlotte impératrice » : quatrième et dernier chapitre d’une œuvre de virtuoses…

  1. Zaza dit :

    Désolé, Henri, que je respecte beaucoup pour l’ensemble de son activité au service de la bande dessinée, mais arrêtez SVP de parler d’artisans en parlant des auteurs, surtout de ce calibre, qui sont de véritables artistes, rien moins.

    Énoncer le contraire euphémise et ouvre grand les portes à tout un tas de bricoleurs qui n’ont que peu de maîtrise du médium. Tout cela contribue au règne de l’approximation et de la médiocrité. Certains palmarès s’y appliquent déjà suffisamment comme ça.

    La BD mérite mieux, non ?

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