On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...Christian Godard : le dernier voyage vers les limbes…
C’est avec beaucoup de tristesse que nous apprenons le décès, à l’âge de 92 ans, de Christian Godard : un compagnon de route pour nombre de lecteurs de bandes dessinées, depuis près de 70 ans. Dessinateur, scénariste, mais aussi éditeur,il a donné vie à des personnages restés chers au cœur de nombre d’entre nous. Martin Milan, Norbert et Kari, Axle Munshine, Muskie, Joe le Tigre, Gros Rhino et bien d’autres sont désormais orphelins. Éclectique, il avait abordé avec le même talent tous les genres : de l’humour au réalisme, du dessin au scénario. Souffrant d’un cancer depuis plus d’un an, il est parti pour les limbes dans son sommeil, dans la nuit du 9 novembre 2024.
Né le 24 mars 1932 à Paris, Christian Godard est fils d’ouvriers.
Il abandonne des études prometteuses à l’âge de 17 ans, pour aider les siens.
Tout en exerçant divers petits boulots, il dessine des cartoons qu’il signe du pseudonyme Ème.
C’est une planche de bande dessinée qui lui permet, en 1954, de commencer aux éditions Rouff.
Il campe Pip et Joc, puis Biscoto marmiton : des héros de petits fascicules de 16 pages.
Les collaborations sur des séries souvent éphémères se succèdent : « Poupette » dans les spéciaux de Fillette en 1954,
puis « Fut-Fut net Teuf-Teuf » dans Francs Jeux, « Flicoto » pour le pocket Hoppy ou « L’Agence Flik » pour les poches Biribu et Kriss (des éditions Aventures et voyages) en 1955, réédité dans Lancelot.
C’est à cette époque qu’il commence à signer de son patronyme. On le retrouve dans Coq hardi, Lisette et Jocko, puis dans Benjamin où il crée « Benjamin et Benjamine » (repris plus tard par Albert Uderzo et René Goscinny),
et encore dans Pierrot Champion où il publie une aventure de Titi Volcan : « Le Narcisse d’argent ».
Ces débuts prometteurs sont interrompus par son service militaire en Algérie. Dès 1957, il anime à son retour les aventures de Tim et Anthime dans l’hebdomadaire Ima : une série de huit épisodes qui trouve sa conclusion dans L’Intrépide en 1958.
La même année, il effectue son entrée dans Vaillant où il imagine les aventures de l’avocat Gil Bagout,
mais aussi celles de Tonton Lachance et de la sémillante Pipsi.
Toujours en 1957, il est actif dans Paris flirt où il succède à Will sur le strip « Lili mannequin » écrit par René Goscinny.
Outre une collaboration à Heures claires (« Stef et Stéphane », en 1959), Christian Godard est présent dès le premier numéro de Pilote, en octobre 1959, avec « Jacquot le mousse »,
puis « Tromblon et Bottaclou » : deux séries imaginées par Goscinny.
Seul, il anime les aventures de « L’Agent É-1000 »,
avant de créer « Norbert et Kari » en 1963 : une série qu’il propose jusqu’en 1970.
Après « L’Inestimable Célestin » dans Record (en 1963),
Greg, alors rédacteur en chef de Tintin, lui ouvre les pages de l’hebdomadaire (en reprenant d’abord quelques épisodes de « Tim et Anthime » en 1966), où il crée « Martin Milan » : la série quasi unanimement considérée comme son chef-d’œuvre.
Toujours pour Tintin, il écrit des scénarios pour « Modeste et Pompon » et pour l’« Indésirable Désiré » dessinés par Mittéï.
Encore dans Tintin, il écrit « Pamphile et Philéas » pour Henri Dufranne ou « L’Homme qui croyait à la Californie » pour Derib.
Il imagine « Toupet » pour Albert Blesteau dans Spirou et « Les Baby-sitters » (chez Dupuis), avec Clarke (alias Frédéric Seron), lequel signe Agnès Valda.
En 1974, il réalise une reprise de « Mister Magoo » pour les éditions Hachette, ces dernières reprenant « Norbert et Kari » en albums.
Avec les années 1970, Christian Godard abandonne peu à peu le dessin pour se consacrer au scénario.
Pour Pif gadget, il écrit les gags de « La Jungle en folie » dessinés par Mic Delinx.
En 2005, après le décès du dessinateur, il écrit et dessine de nouveaux épisodes publiés par Lanfeust mag et la formule mensuelle de Pif gadget, réunis ensuite en un album chez Soleil.
En 1975, il lance avec Julio Ribera « Le Vagabond des limbes » : une série de 31 albums édités chez Hachette, puis Dargaud, en passant par Le Vaisseau d’argent.
Un ultime épisode demeure inédit.
Toujours pour Ribera, il écrit « Les Chroniques du temps de la vallée des Ghlomes », « Le Grand Manque » « Je suis un monstre », « Le Grand Scandale » et « La Jeunesse d’un inconnu célèbre ».
Dans Circus, il propose « La Bande à Bonnot », puis « Les Dossiers de l’Archange » dessinés par Florenci Clavé, « La Vie d’artiche » pour Pierre Le Guen (où les héros, caricaturés, sont les auteurs eux-mêmes)…
Pour la collection Bulles noires des éditions Glénat, il écrit « Oki, souvenirs d’une jeune fille au pair » avec Erik Juszezak, « Le Cybertueur » avec Claude Plumail, et le collectif « Une folie très ordinaire » avec Christian Rossi, Alain Mounier, Frank Bonnet, Philippe Jarbinet, Emmanuel Moynot, Marc Malès et Claude Plumail.
Chez Dargaud, il imagine des gags d’Achille Talon pour Roger Widenlocher et lance « Doc Véto » dessiné par Achdé.
Avec les années 2000, faute de projets plus ambitieux, Christian Godard reprend ses crayons en réalisant quelques « Guides en BD » avec Jacky Goupil pour les éditions Vents d’ouest, « Les Postiers » pour Du Vigan chez Bamboo, « D-Day » pour Fred Marschall chez Glénat, « Malpoli et fier de l’être : comment s’envoyer en l’air sans s’ennuyer ? » pour Éric Miller chez Jungle ou « Attila » : un ouvrage collectif aux éditions Seven Sept…
Son ultime scénario connu est le second épisode des aventures de Michel Brazier, « Rendez-vous avec la mort » pour ManKho aux éditions Fordis, un personnage créé par Jean-Michel Charlier et André Chéret en 1979.
Associé avec Julio Ribera, Christian Godard fonde en 1988 les éditions du Vaisseau d’argent, dont « Le Vagabond des limbes » est le moteur.
Ils éditent une quinzaine d’albums, dont certains signés Carlos Giménez, Alexandre Coutelis etLaurent-Frédéric Bollée, Florence Magnin, Florenci Clavé, Mohamed Aouamri…
Endettés, ils mettent fin à cette aventure éditoriale en 1991.
Notons enfin qu’il est l’auteur de « Pavane pour un catcheur défunt » : un roman publié en 1972 dans la collection Punch (puis en poche dans la collection Mystère) des Presses de la cité.
Pour finir sur une note plus personnelle : j’avais neuf ans en 1956 lorsque, sans le savoir, j’ai croisé pour la première fois la route de Christian Godard, avec « Titi Volcan » publié dans Pierrot Champion.
Très vite, j’ai été conquis par cet auteur et ses personnages originaux.
Monté à Paris pour vivre l’aventure de la bande dessinée, j’ai eu le bonheur de le rencontrer et de devenir l’un de ses amis.
Conseiller BD chez Hachette en 1974, j’ai souhaité — après lui avoir confié la reprise de « Mister Magoo » — réparer une profonde injustice à mes yeux : offrir enfin des albums à « Norbert et Kari ».
Peu après, j’ai réuni Christian et Julio Ribera dans un café du côté de l’Opéra : c’est ce soir-là qu’est né « Le Vagabond des limbes », leur série emblématique.
Notre collaboration avec les éditions Glénat s’est poursuivie pendant plusieurs décennies, avec une belle régularité. Nous avons publié une vingtaine d’albums qui — je l’espère — ont intéressé nos lecteurs.
L’auteur Christian Godard était un professionnel pour qui le mot retard n’existait pas : ce qui est rare dans le monde de la BD.
Ses scénarios étaient des modèles du genre : clairs, précis et détaillés, jamais directifs pour ses coauteurs.
Par ailleurs un ami fidèle, plein d’humour, discret, conscient de faire le plus beau métier du monde. Il aurait mérité une plus grande notoriété auprès du grand public et de ses pairs.
Pour ma part j’ai eu beaucoup de chance de fréquenter un gaillard aussi épatant.
La rédaction de BDzoom.com présente ses sincères condoléances à son épouse Élisabeth et à ses enfants.
Henri FILIPPINI
Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER
Merci à Fred Fabre et Jean-Luc Muller pour leurs divers coups de main.
Un grand monsieur s’en est allé. Un auteur original, doté d’un univers particulier qui ne ressemble à aucun autre. Son dessin était original et il savait manier les mots. Martin Milan pour ne parler que de lui reste un modèle du genre. Merci, Monsieur Godard, pour tout ce que vous avez apporté !
Un très grand, avec un très bon esprit et du cœur J’adorais Martin MILAN et je le suppliais de mettre Norbert et Kari en intégrale tellement c’est beau … tres gentil merci pour toutes ses pages de plaisir que vous nous avez apportées Monsieur Godard
Quand je pense à Christian Godard il me vient immédiatement un ouvrage sortie en 1987, aux Lombard, avec Derib au dessin qui s’intitulait » L’homme qui croyait à la Californie ». Une série de petites histoires avec à chaque fois un personnage charismatique aux valeurs humanistes.
Sa collaboration avec Dérib m’a beaucoup marqué.Je me suis plongé récemment dans l’intégrale de Martin Milan qui me plaisait tant dans Tintin. J’espère une intégrale du Vagabond des limbes pour bientôt, avec la dernière histoire, d’une manière ou d’une autre.
Je crois qu’il était aussi le scénariste d’une série d’histoires courtes dans Tintin, racontant les aventures d’un spationaute et de son robot…
RIP
Bonjour Olivier !
Les histoires avec un spationaute et de son robot, c’est la série « Pamphile et Philéas » pour Henri Dufranne, bien citée dans notre hommage…
Bien cordialement…
La rédaction
Tous les lecteurs se souviennent de l’émouvante histoire complète de Martin Milan « Il s’appelait Jérôme »
C’est par l’intermédiaire de Roland Garel et Pierre Legoff ,deux redoutable syndicalistes auxquels nous devons beaucoup concernant nos droits que j’ai rencontré, Chrtistian Godard .
Lors d’une expo de BD dans un des pavillons Baltard, j’avais en main un double décimètre pour mesurer le format des planches afin de voir la norme la plus utilisée pour une BD.
Intrigués par mon attitude nos deux amis m’ont demandé si j’avais l’intention de partir avec certaines de ces planches.
J’avais avec moi mon carton et j’étais à Paris pour montrer mes dessins aux maisons d’éditions.
Après leur avoir montré mes dessins ils m’ont conseillé d’aller voir un certain Godard.
Celui-ci m’a reçu très gentiment chez lui pour me montrer sa technique de travail . C’était en 71-72
Bien des années plus tard, lors d’un festival d’Angoulême, il était avec son ami Julio Ribéra et je lui ai évoqué cette anecdote. Il s’en souvenait et il était très content de voir que maintenant, moi aussi, je faisais parti de ce petit monde de la BD.
Que les Dieux bons t’accompagnent, camarade.
Loisel
Merci pour ton témoignage, cher Régis !
Au plaisir de te te recroiser un de ces jours…
La bise et l’amitié
Gilles Ratier
Merci Messieurs pour les albums Norbert et Kari, qui nous ont bien fait rêver de grand large !