Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...Tout savoir — ou presque — sur la création des aventures de Tintin et l’univers d’Hergé avec Les Coulisses d’une œuvre !
Publiée dans l’ordre chronologique de leur publication de l’époque et clairement destinée à un large public, Les Coulisses d’une œuvre est une collection qui nous plonge dans le processus créatif de chaque aventure de Tintin et permet de restituer fidèlement l’évolution personnelle et artistique de leur créateur : le célèbre dessinateur belge Hergé. Chaque tome — consacré à un album spécifique — de cette série de 23 volumes éditée par Moulinsart (Tintinimaginatio) associé au groupe médias français Prisma est très illustrée, incluant des reproductions de croquis originaux, des planches commentées, ainsi que des analyses détaillées des thèmes, personnages et contextes historiques concoctés par le spécialiste reconnu de cette œuvre qu’est Philippe Goddin !
Ce spécialiste reconnu en a profité pour corriger certaines erreurs et combler quelques omissions qu’il a pu commettre dans ses très nombreux ouvrages sur Hergé ou « Tintin » : même dans sa monumentale, mais plus confidentielle, Chronologie d’une œuvre en sept imposants et indispensables opus que tout amateur éclairé — ou non — porte au pinacle.
Ainsi, même ces derniers trouveront leur bonheur avec les corrections et des reproductions de documents très peu connus, voire inédits, comme le pense l’expert tintinologue dans le dossier de presse de la collection : « Nous avons essayé d’apporter des éléments neufs ; il y a notamment les pages de planches BD de “Tintin” dans la rubrique “Revue de détails”, dans laquelle j’observe des éléments que je n’avais jamais remarqués avant, et je tâche de les analyser en espérant que chacun pourra y trouver son “miel”, comme je l’ai trouvé moi-même. J’ai pu apporter une analyse de l’époque et également faire apparaître la documentation d’Hergé. »
Il faut bien reconnaître que le premier volet — paru le 16 octobre et qui scrute en détail « Tintin au pays des Soviets » (ouvrage que l’auteur a commencé alors qu’il n’avait que 21 ans) — respecte plutôt bien cet objectif… et l’aspect populaire du projet n’a pas été oublié : quelque 55 000 exemplaires cartonnés au format carré (26×26 cm) ont été imprimés et sont vendus à un prix ne dépassant pas les 20 € ; par ailleurs, il a été décidé de reproduire, quand il a semblé nécessaire, quelques pages de la nouvelle version colorisée (choix certes discutable pour les gardiens du temple), afin de rendre le récit plus « lisible » pour les nouvelles générations. (1)
Les aficionados ont donc le plaisir de découvrir des croquis préliminaires, esquisses inachevées, commentaires personnels de l’artiste, et même des bandes jamais reproduites ailleurs (à notre connaissance) ; à l’instar des trois planches mettant en scène Monsieur Schinler — député socialiste mis en boîte par Hergé qui collaborait alors, en 1929, au Sifflet : hebdomadaire bruxellois satirique plutôt orienté à droite — ou de l’ébauche d’une autre page caustique également pour Le Sifflet et intitulée « Le Corps électoral et la Marianne socialiste », laquelle était au dos de l’original de la 47e planche de « Tintin au pays des Soviets » !
Par ailleurs, précisons que, pour ce premier numéro, Goddin a réussi l’exploit de ne pas paraphraser l’ouvrage « Hergé Tintin et les Soviets : la naissance d’une œuvre » — pourtant très complet (2) — qu’il avait publié chez Moulinsart en 2016.
Car il s’attarde particulièrement sur les débuts de la carrière d’Hergé (ses sources d’inspiration, travaux préparatoires, croquis et archives), les grandes étapes de l’élaboration de « Tintin au pays des Soviets » (sa diffusion dans le journal Le Petit Vingtième et sa publication en album par la suite) et les activités du créateur de Tintin en dehors de son personnage fétiche (illustrations, travaux pour la presse catholique belge…) ; ceci en trois chapitres pédagogiques et instructifs : « Comment Georges Remi est devenu Hergé », « 1929 Une vraie aventure : Tintin » et « 1930 Les jalons du succès ».
Le prochain tome, consacré logiquement à « Tintin au Congo » est annoncé pour le 4 décembre et les suivants suivront, jusqu’en 2028, le calendrier ci-dessus ; ceci afin que tout soit fin prêt pour fêter les 100 ans de Tintin, en 1929 : un anniversaire dont se réjouissent déjà les éditions Moulinsart et Casterman !
Gilles RATIER
(1) Voir : « Tintin au pays des Soviets » s’offre des couleurs.
(2) Voir : Récents ouvrages érudits et patrimoniaux….
« Tintin au pays des Soviets : les coulisses d’une œuvre » par Philippe Goddin
Éditions Moulinsart/Prisma (19,95 €) — EAN : 9 782 81 044 010 8
Parution 16 octobre 2024
j’imagine assez peu de choses nouvelles par rapport à la collection Hergé archive d’Atlas ? sans doute quelques illustrations et un peu de textes vraiment nouveaux ? Et je suppose que des choses dorment encore dans les tiroirs pour une nouvelle collection dans quelques années ?
Toutes ces publications sur Tintin ne tourneraient – elles pas à de la scolastique, comme un emblème du dessèchement imaginatif et moral de la BD contemporaine ? (on pourrait y ajouter – dans une moindre mesure – les innombrables récits biographiques, récits historiques, et adaptations d’oeuvres littéraires).
Ils feraient mieux de terminer la collection (si réussie au départ) « Le feuilleton intégral », avant que je ne revente les 5 volumes parus, et que je me désintéresse définitivement de Hergé, tintin et consort.
Je ne comprends pas en effet pourquoi les éditions Moulinsart n’ont même pas publié un communiqué pour expliquer l’arrêt brutal du feuilleton intégral, voire évoquer l’éventualité ultérieure d’une reprise de cette collection. Je pense qu’un site comme le vôtre, dont la qualité et le sérieux sont reconnus, devrait les interpeller à ce sujet fin d’obtenir une réponse, car qui ne dit que cette nouvelle publication, Les coulisses d’une oeuvre, ne connaîtra pas le même sort!
Bonjour Jean-Paul !
Cet arrêt est lié à un contentieux entre Moulinsart (Tintinimaginio) et les éditions Casterman : vous pensez bien que nous n’avons aucun poids pour faire évoluer ce blocage.
Une pétition avait même été lancée en 2015 (signée par les plus grands spécialistes, dont Philippe Goddin, Jacques Langlois, Pierre Fresnault-Deruelle, Benoît Peeters – l’un des co-auteurs -…), sans aucun effet !
D’autant plus que le décès de Jean-Marie Embs – l’autre principal artisan du « Feuilleton intégral » avec Philippe Mellot et Peeters – n’a évidemment pas arrangé les choses…
Bien cordialement
La rédaction
Ajoutons que cette situation est due aussi, voire essentiellement, à une volonté manifeste de l’ayant droit (Nick Rodwell, époux de Fanny Vlamynck, empêchée) de ne plus publier d’ouvrages ou de collections destinés à la cible vieillissante – et attentive à la richesse des contenus… – des tintinophiles et de se focaliser sur des ouvrages ou collections grand public dont ces « Coulisses d’une œuvre » sont archétypiques.
Effectivement, on ressasse un matériel déjà connu avec quelques pages inédites pour appâter le chaland…C’est désolant !
Il vaudrait mieux continuer ce qui a déjà été commencé. Par exemple publier enfin L’étoile mystérieuse en noir et blanc, telle qu’elle était parue dans Le Soir. Bien sûr une remise dans le contexte permettrait d’expliquer (et non justifier) les fameux strips quelques peu fâcheux et qui semblent s’opposer à cette mise au clair.
L’Étoile mystérieuse version « Le Soir » est parue en 2017 dans « Le Feuilleton intégral. Tome 9. 1940–1943″ ; le strip contenant les caricatures racistes d’Isaac et Salomon figure page 132.
Ce qui manque, à mes yeux, dans ce flot ininterrompu depuis 40 années de livres autour de Herge et de son œuvre, ce serait là reprise d’un ouvrage (1990?),sans doute à enrichir, de sa correspondance.
C’est ici aussi-voir la biographie de Pierre Assouline-que s’expriment, même par la calligraphie,une finesse, une profondeur…à mille lieues de sa pitoyable radioscopie où il apparait cruellement limité, maladroit ou peu assuré.
Outre le livre postume de Pierre Sterckx, admirable, la plupart des publications alignent, en tirant à la ligne parfois, de maigres théories où des pistes seduisantes s’essouflent pour justifier une publication.
Avis tout à fait personnel.
Assez d’accord avec vous. Ce qui manque aussi, et surtout, c’est la publication des albums en fac-simile et grand format, un peu comme Dupuis l’a fait pour quelques SPIROU, ou Dargaud pour quelques Blueberry dans une présentation plus démocratique… J’avais vu les planches du Lotus bleu lors d’une expo, quel bonheur ce serait de les voir imprimées, ne serait-ce qu’en 30×40 !
Pierre, vous faites l’erreur que beaucoup commettent.
Un facsimilé est une reproduction en quadrichromie (en couleurs donc) à partir d’un scan HD. Cela coûte très cher à réaliser. Il n’est que de voir les Artist Editions US de IDW, initiateur d’une collection dédiée, pour s’en rendre compte. Le ticket d’entrée oscille entre $150 et $175 le volume. Publier des facsimilés est donc tout sauf « démocratique », compte tenu des coûts extrêmement élevés de fabrication.
Les Blueberry que vous mentionnés étaient de banales reproductions en noir et blanc, à l’exception de quelques cases agrandies. Idem pour les tirages de tête.
Vous avez sans doute raison pour les Blueberry. Il n’empêche que ces albums (vendus il y a peu d’années autour de 20€) permettaient d’apprécier le travail de Jean GIRAUD (et même de voir ses « repentirs »)
En revanche, pour les Spirou de Marsu Prods et Dupuis, il s’agit bien de fac-similés couleurs. Leur prix tournait autour de 120 €. Il est certain qu’un Tintin vendu entre 150 et 200€ ne resterait pas longtemps sur les étagères des libraires !
mentionnez
Hormis les cases isolées, sur les planches de Blueberry on devinait les repentirs plus qu’on ne les voyait réellement. Il n’en survivait que quelques vagues traces.
Si débourser 150 et 200 € pour un livre vous paraît démocratique, je me demande ce que vous estimez être un prix élevé.
C’est le prix des Blueberry que je trouvais démocratique. 20 €, à l’époque, pas si lointaine, c’était juste un peu plus cher qu’un album classique, pour des albums qui, quoi que vous en pensiez, étaient de très bonne qualité.
Pour l’avoir feuilleté, cette « nouvelle collection « les coulisses d’une œuvre » est tout de même une réédition déguisée en plusieurs volumes de « Chronologie d’une œuvre » du même Philippe Goddin. Peut être pas totalement paraphrasée mais c’est à la marge et avec une nouvelle mise en page censée faire illusion. Ou comment faire du neuf avec du vieux !
Oui, vous avez raison, c’est bien une réédition (partielle) de « chronologie.. », sans aucun dessin inédit (ni planche). Cependant cette collection a le mérite de replacer Tintin dans les bacs des libraires et, vu son prix (20 € tous les 2 mois), de permettre à ceux qui n’ont pu acheter les 7 tomes de « chronologie » d’y avoir partiellement accès.
PS: contrairement à ce qui est dit dans l’article, les 3 planches de Mr Schinler et la planche « le corps électoral… » figurent dans le tome 1 de « Chronologie… »