Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Les sauvages ne sont pas ceux qu’on pense !
« Antipodes », d’Éric Lambé et David B, c’est d’abord l’évocation d’une expédition en partie oubliée : celle du Français Villegagnon, qui quitte Le Havre en aout 1555 pour aller installer une colonie au Brésil. Alors que l’Inquisition fait ses ravages en France, dès 1557, Villegagnon, lui, joue les terreurs de l’autre côté de l’Atlantique, à Fort Coligny !
Pourtant le héros de ce récit n’est pas le soldat Villegagnon, mais un certain Nicolas qui l’accompagnait : ils étaient tout de même 600 passagers à le suivre. Là -bas, dans la baie de Rio, Nicolas se prend d’intérêt et même d’amitié pour les Tupinambas. Il fait tout pour s’intégrer à la tribu et, notamment, use de ses talents de chanteur pour les séduire.
Nicolas est un curieux, et même un curieux bonhomme. Il apprend leur langue, s’intéresse à leurs croyances et décide de rester auprès d’eux, nu comme eux, pour mieux les approcher, les comprendre. Évidemment, son comportement ne plaît pas à tout le monde. Sa liberté d’action et de mouvement choque, militaires et religieux : être un intermédiaire entre Français et Indiens, c’est une chose, mais devenir leur ami jusqu’à prendre une femme tupinamba, c’en est une autre.
Certes, leur cannibalisme lui fait horreur, mais il a cette clairvoyance qui lui fait penser que ces « sauvages » ne sont pas plus sauvages que les siens et qu’en matière de barbarie, les Européens n’ont vraiment pas de leçon à donner ! Le lecteur est ainsi amené à se positionner, à se solidariser avec ce personnage, certes inventé, mais documenté, notamment par les écrits de Jean de Léry et son « Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil » (1578).
Le graphisme d’Éric Lambé peut surprendre à première lecture, mais on l’adopte assez vite, tant il confère une évidence fraicheur aux décors et aux personnages, apportant à ce conte philosophique sur le racisme et la sauvagerie un éclairage original.
Didier QUELLA-GUYOT
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« Antipodes » par Éric Lambé et David B.
Éditions Casterman (22 €) – EAN : 9782203257726
Parution 28 août 2024
Tout l’art du récit, où l’on se plonge,happé,avec un réel raffinement pour exprimer, exhaler des idées, des sentiments,dans un beau, un grand scénario.
Des pages envoûtantes. J’y retrouve mes impressions du Capitaine écarlate…