Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Les Nouvelles Enquêtes de Ric Hochet T7 : Crimes-sur-mer » : quand Zidrou et Van Liemt rejouent l’été meurtrier…
Du repos pour Ric Hochet en plein mois d’août ? Certainement pas : le temps du farniente ne s’accordant pas à celui du crime, voici notre détective entrainé malgré lui dans une étrange affaire, impliquant l’enlèvement d’une jeune touriste… Dans « Crimes-sur-mer », septième opus des « Nouvelles Enquêtes de Ric Hochet » concocté par Zidrou et Simon Van Liemt, le célèbre héros-détective des éditions du Lombard n’aura pas le temps de lézarder. Une ballade de la mer très salée, polar estival à glisser comme il se doit dans sa valise… avant vos prochaines vacances.
Et de sept pour le duo Zidrou-Van Liemt, habiles repreneurs du détective amateur créé en 1955 par André-Paul Duchâteau et Tibet dans les pages du journal Tintin. Inspiré de Rouletabille, le personnage apparait initialement dans diverses énigmes policières de la rubrique Relevez le gant !, puis dans le récit court « Ric Hochet mène le jeu ». Aux côtés du commissaire Bourdon (régulièrement dépassé par les événements criminels…), Ric Hochet, devenu journaliste pour La Rafale, est rapidement paré de tous les attributs positifs : une sagacité et une mémoire hors-normes, une excellence dans diverses pratiques sportives (arts martiaux, natation, pilotage…), des réflexes à toutes épreuves et un charisme indéniable, vedettariat qui l’amène parfois à être la cible des médias, TV, paparazzis ou magazine people. Au fil des 78 albums et dix hors-séries de la série originale (1963-2010), les auteurs auront alimenté l’imaginaire des lecteurs en diffusant une poignée d’éléments devenus des incontournables : la charmante Nadine, dulcinée (par ailleurs petite-nièce de Bourdon) avec laquelle Ric file un amour très platonique, l’inspecteur Ledru (rival de Ric Hochet, aussi maladroit que faire-valoir providentiel), une Porsche jaune décapotable, une inaliénable veste pied-de-poule blanche et noire, une père ex-gentleman cambrioleur (Richard Hochet, perpétuellement en cavale) et de savoureux antagonistes aux plans inévitablement démoniaques (à commencer par le Bourreau).
Jouant avec les codes internes à la série, renouvelant – avec une certaine ironie – l’atmosphère surannée du polar à la sauce whodunit (le roman à énigme), Zidrou n’hésite pas à s’amuser des situations-clichés, tout en prêtant à son héros (modernisé depuis 2015) des regards bien plus grivois sur sa belle fiancée Nadine… laquelle n’est plus réduite au statut de jeune femme en détresse. Avec cette « Nouvelle Enquête », titrée d’un très ironique « Crimes-sur-Mer », on devine par avance que les vacances de Ric ne seront pas de tout repos ! Le héros devrait pourtant se remémorer quelques fameux cas, issus de la littérature policière : des « Vacances d’Hercule Poirot » (Agatha Christie, 1941 ; transposé au cinéma dans « Meurtre au soleil » par Guy Hamilton en 1982) jusqu’à « Le Poulpe T120 : Meufs mimosas » ( Sylvie Rouch, 1998) en passant par « Un printemps meurtrier » (Reginald Hill, 1975) ou – du côté du 9e art – « La Dernière Rose de l’été » (Lucas Harari), on ne compte plus les enquêteurs chargés de réveiller leurs cellules grises… en plein soleil. On se souviendra par ailleurs que Ric Hochet lui-même n’échappe pas à l’affaire : après le tome 2 (« Mystère à Porquerolles », Lombard, 1964), c’est dans le tome 19 (« Les Signes de la peur ») que Ric et Nadine, qui passent alors des vacances en Provence, doivent résoudre une série d’attentats et de menaces qui planent – horoscope néfaste aidant – sur les très superstitieux habitants de la région. Dans le tome 28 (« Hallali pour Ric Hochet », Lombard, 1979), le héros voit son séjour être interrompu à la troisième case par le début d’une redoutable chasse à l’homme dont il va être la cible principale. Enfin, dans le tome 40 (« Le Double qui tue », Lombard, 1985), Ric et Nadine, en vacances sur la Cote d’Azur, se retrouvent mêlés à une inquiétante série de crises cardiaques impliquant les membres d’un Yacht Club…
Dans « Crimes-sur-mer », Ric Hochet est un aoûtien anonyme, trompant son ennui comme il peut. Il fait fortuitement la rencontre de la jeune Béatrice, une très innocente enfant… que deux tueurs sont chargés de kidnapper, pour le compte de leur intrigant patron. Comme le montre la couverture, les auteurs confrontent là tous les éléments possibles. Au sein de cet été potentiellement meurtrier, l’atmosphère estivale, par essence détendue, à viré au cauchemar : plan oblique et course-poursuite opposent le héros à ses vils antagonistes, dans un rapport de force qui semble désavantager Ric Hochet. Slip de bain rouge contre habits de ville, jeux de plage et crème solaire contre armes potentielles, le tout entre ombres et soleil, aux frontières des éléments, et alors que les touristes semblent avoir fui cet improbable terrain d’affrontements. Éternel grain de sable dans la redoutable machine criminelle, Ric Hochet donne tout son sel à ce nouvel été meurtrier, parfaitement mis en scène au travers du trait dynamique de Simon Van Liemt. Suspense et thriller, en guise de liste noire pour vos vacances, forment à vrai dire la seule vague de crimes chaudement recommandable !
Philippe TOMBLAINE
« Les Nouvelles Enquêtes de Ric Hochet T7 : Crimes-sur-mer » par Simon Van Liemt et Zidrou
Éditions du Lombard (12,95 €) – EAN : 978-2-808211024
Parution 7 juin 2024
J’adore ce nouvel opus ! Ric Hochet ne déçoit jamais c’est un régal.