Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Une aventure historique inspirée par la vie du créateur du « Kamasutra » : certes sensuel, mais pas que…
Reconnue comme l’une des meilleures dessinatrices de bandes dessinées réalistes en Italie, Laura Zuccheri met en images, avec son talent habituel, ce cruel et passionnant récit insufflé par la création du « Kamasutra », écrit et narré de main de maître par un scénariste originaire de Mumbai, lequel est réputé en Inde : Sudeep Menon. Pour sa première production destinée au marché européen, son dévolu s’est donc porté sur le trait délicieux de la virtuose illustratrice de certains épisodes de « Julia » ou d’un « Tex » pour Bonelli et de différentes séries de science-fiction : « Les Épées de verre » ou « Retour sur Belzagor » aux Humanoïdes associés et le tout récent « Thellus – Le Cycle de Kad Moon » chez Glénat. (1)
À l’origine, « Le Kamasutra » (littéralement « Sutra de l’amour » ou « Les Aphorismes du désir ») n’est pas qu’une histoire de sexe. En effet, il s’agit d’un traité philosophique — à l’époque sans image —, écrit par le brahmane indien Mallanaga Vâtsyâyana — qui aurait vécu à Pataliputra au Ve siècle environ —, et dont les sept chapitres forment un guide de vie pour les hommes des classes aisées.
À la suite d’une mauvaise interprétation par l’Anglais Richard Burton qui parcourait le monde dans la seconde moitié du XIXe siècle pour traduire des textes érotiques, cet ouvrage sanscrit a évolué jusqu’à nos jours, pour devenir une référence — décorée désormais d’enluminures et d’illustrations — de ce genre de littérature : car l’un des thèmes de ce traité scientifique, conforme à la conception traditionnelle de l’Inde ancienne (selon laquelle la sexualité relève de la physiologie et de la vie religieuse), dévoile des pratiques dites « secrètes » pour être heureux en amour ou réveiller la passion : « La sexualité est un art. Ce n’est pas seulement l’union de deux corps, mais aussi celle de deux âmes. »
En mettant en scène Vâtsyâyana, le créateur du « Kamasutra », cette épopée nous raconte une histoire de vengeance au IIIe siècle, alors que l’Inde est encore une société féodale, composée de nombreux petits royaumes, dont les rois se font la guerre pour étendre leur territoire.
 Surnommée la Reine écarlate, Bhairavi est une femme aussi belle que cruelle qui fait régner la terreur sur toute la province et qui défie les dieux. Son appétit charnel est insatiable et, chaque nuit, elle choisit l’un de ses prisonniers pour combler ses envies, puis l’exécute au petit matin.
Or, un jour, ses soldats capturent un vieillard qui vient de rédiger un livre intitulé « Le Kamasutra » et un jeune homme très beau et musclé, du nom de Basvaraj, qui le défend contre une brute épaisse qu’il finit par terrasser. Pour le récompenser, l’ancêtre va lui apprendre l’art subtil du « Kamasutra », afin de réussir à séduire la Reine écarlate qui, dans 20 jours, va le faire appeler dans sa chambre…
Du sang, du sexe et de la philosophie… Bref, de la BD grand spectacle à consommer sans modération !
Gilles RATIERÂ
(1) Sur Laura Zuccheri, voir sur BDzoom.com : « Retour sur Belzagor » T1 par Laura Zuccheri et Philippe Thirault, d’après Robert Silverberg, « Les Épées de verre T1 : Yama » par Laura Zuccheri et Sylviane Corgiat…
« Kamasutra : de chair et de sang » par Laura Zuccheri et Sudeep Menon
Éditions Daniel Maghen (23 €) — EAN : 9 782 35674 186 8
Parution 15 mai 2024
Superbe ! Et pas choquant, pas racoleur. Grand bravo à la dessinatrice.
Encore une réussite italienne, qui fait beaucoup pour la BD réaliste de qualité depuis ces dernières années (je parle des « jeunes », pas des classiques connus).
Et encore une réussite de Maghen éditeur, qui décidément sait attirer des talents…
Effectivement superbe lecture, récit plus historique qu’érotique, avec un bon équilibre entre les deux et une belle réflexion géopolitique sur les tensions internes de l’Inde au début de notre ère. Graphismes somptueux, du travail d’orfèvre !