Fabien Vehlmann frappe encore très fort avec « Le Dieu-Fauve » : un ballet incessant entre la vie et la mort, le règne animal et l’humanité !

À peine étions-nous remis de sa cruelle – et non moins excellente – « Cuisine des ogres » que Fabien Vehlmann, scénariste toujours bien inspiré (1), nous assène un nouvel album de plus de 100 pages : une fresque sauvage, poétique et captivante, remarquablement mise en images et en couleurs par l’artiste barcelonais Roger Ibáñez Ugena, qui signe simplement Roger et qui est surtout connu pour sa série « Jazz Maynard ». Cette fois-ci, l’histoire, aussi philosophique que dense et profonde, est pleine de sang, de bruit et de fureur…

Dans une Afrique imaginaire, à une époque lointaine où va survenir le déluge, le singe Sans-Voix va devenir le Dieu-Fauve, en se transformant en un tueur sans pitié. Manger ou être mangé : c’est le cycle immuable de la nature…

En ces temps de famine, un jeune anthropoïde orphelin aspire à être le meilleur chasseur de son clan d’adoption, mais il n’en aura pas le loisir. Cherchant donc à prouver sa valeur, il traque un vieil alligator blessé et vicieux. Pour ce faire, il ose s’aventurer au cœur des terres interdites : celles des humains qui vont le capturer et le façonner pour la violence et l’art du combat dans les arènes. Suivront alors de longues années de souffrance qui feront surtout grandir en lui l’obsession de se venger de ses bourreaux, quel qu’en soit le prix.

Voilà pour le premier acte de ce récit choral qui en comporte quatre en tout. Cet opéra graphique, véritable tragédie dont l’ampleur narrative et la profondeur des thèmes lui confèrent une dimension universelle et intemporelle, va par ailleurs mettre en scène un poète esclave garant de la mémoire du peuple, une redoutable guerrière qui pense être sauvée en multipliant les massacres et une jeune femme discrète, prête à renverser l’ordre établi, qui sera la première graine d’une hypothétique révolution.

Œuvre à la construction magistrale, empreinte d’un lyrisme sauvage, « Le Dieu-Fauve » dresse le portrait d’une civilisation soudainement confrontée à la perspective de son effondrement et de sa disparition.

Porté par une voix off jamais envahissante et par le dessin élégant (lumineux et spectaculaire) de Roger, cet album, puissant, met les nerfs à vif à ses lecteurs : lesquels ne peuvent que s’accrocher aux semblants d’espoir que le scénariste égraine dans ce sombre récit interrogeant, habilement, les tourments de l’âme humaine et décryptant les mécanismes de domination ravageurs chez les descendants d’Homo sapiens.

Gilles RATIER 

(1) Sur Fabien Vehlmann, voir notamment sur BDzoom.com : « La Cuisine des ogres » : un conte aussi gourmet que cruel !, L’édition complète de « Paco les mains rouges » : quand Éric Sagot et Fabien Vehlmann pimentent Cayenne !, Un Spirou qui fonctionne au super !, « Le Dernier Atlas » : de la guerre des gangs à la guerre des mondes…, « Jolies Ténèbres » par Kerascoët et Fabien Vehlmann, « Spirou et Fantasio hors-série T5 : Les Folles Aventures de Spirou » par Yoann et Fabien Vehlmann, Fabien Vehlmann coquin…, « Spirou et Fantasio T55 : La Colère du Marsupilami » par Yoann et Fabien Vehlmann, « Seuls T9 : Avant l’Enfant-Minuit » par Bruno Gazzotti et Fabien Vehlman, « Spirou et Fantasio T54 : Le Groom de Sniper Alley » par Yoann et Fabien Vehlmann, Spécial 75 ans de Spirou : « Les Aventures de Spirou et Fantasio » T51 (« Alerte aux Zorkons ») par Yoann et Fabien Vehlmann, « Dans les griffes de la Vipère » par Yoann et Fabien Vehlmann, La face cachée de Yoann et Vehlmann, « Voyage en Satanie » T1 par Kerascoët et Vehlmann…

(2) Sur Roger voir notamment sur BDzoom.com : Dernier concert pour « Jazz Maynard »…, « Jazz Maynard T5 : Blood, Jazz and Tears » par Roger et Raule, « Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? » par Roger et Zidrou, « Joyeuses nouvelles ! » par Zidrou, Plus de lectures BD du 26 janvier 2009, Plus de lectures BD du 12 mai 2008, Plus de lectures BD du 18 juin 2007…

« Le Dieu-Fauve » par Roger et Fabien Vehlmann

Éditions Dargaud Benelux (21,50 €) — EAN : 9 782 505 085 645

Parution 5 avril 2024

Galerie

Une réponse à Fabien Vehlmann frappe encore très fort avec « Le Dieu-Fauve » : un ballet incessant entre la vie et la mort, le règne animal et l’humanité !

  1. Henri Khanan dit :

    Une belle rencontre orchestrée par Dargaud!

    Le dessinateur de Jazz Maynard est excellent, s’il s’associe avec une vedette du scénario français, cela peut marcher!

Répondre à Henri Khanan Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>