Alfred clôt en beauté sa trilogie italienne avec « Maltempo » !

Après « Come Prima » (2013) et « Senso » (2019), également publiés dans la toujours intéressante collection Mirages des éditions Delcourt, Lionel Papagalli — qui signe Alfred ses productions en bande dessinée (1) — termine avec tendresse, émotion et humour, ce qu’il appelle son « Italie affective » : sensible œuvre personnelle aux accents nostalgiques, composée de trois one shot qui peuvent se lire indépendamment les uns des autres, et dont le dernier sorti aborde habilement les tourments actuels (la montée de l’extrémisme, le chômage, les filets tendus par la mafia, les migrants…) de cette péninsule méditerranéenne en déshérence, où l’auteur a passé son enfance…

Mimmo est un gentil ado de 15 ans qui vit dans un pauvre village perdu de l’Italie du Sud, lequel ne lui offre aucune perspective. C’est en scooter, sa guitare sur le dos, qu’il parcourt son bled natal situé au bord de la mer, en long et en large. Plutôt désabusé, il rêve quand même de se soustraire à cette fatalité d’une vie au rabais : c’est même la seule chose qui le fait tenir debout et aller de l’avant.

C’est alors qu’il apprend qu’une célèbre émission musicale annonce qu’elle va venir jusque dans son patelin, en plein cœur de l’été, pour auditionner des candidats à une sorte de télé-crochet dont le gagnant sera envoyé à Rome : pas question, pour lui, de laisser passer cette chance qui pourrait signifier une porte de sortie pour partir vivre ailleurs et échapper au destin inéluctable de sa condition.

En effet, avec une bande de copains musicos, il joue, à l’occasion, du rock décalé, dans un mauvais tempo (d’où le titre de ce bel album de 180 pages) et il va être prêt à tout pour reformer son groupe de jeunes aussi paumés et désœuvrés que lui, pour en devenir la nouvelle star transalpine…

Outre le fait d’aborder, dans cette néo-réaliste tragi-comédie sociale à l’italienne, des thématiques violentes qui font écho à la situation politique actuelle — notamment la montée de l’extrême droite — et de croquer habilement une ribambelle de protagonistes plus attachants et burlesques les uns que les autres, Alfred réussi à nous transporter, d’emblée, sous la chaleur écrasante de ce petit coin aride du sud de l’Italie, aux collines ondulantes et aux côtes fracassantes, sensuellement colorisée par Laurence Croix… On s’y croit vraiment !

En truffant son fluide récit de ses souvenirs de jeunesse, mais aussi tout simplement grâce à son talent habituel de conteur et de dessinateur sans esbroufe, Alfred nous fait également parfaitement ressentir ce besoin quasi désespéré qu’à Mimmo de contrer son destin tout tracé, tellement l’affection qu’il porte à ses personnages et aux lieux est palpable : sa façon, entre autre, de nous parler de l’adolescence, de ses rêves ou de ses envies, sonne tout à fait juste… et le lecteur est, quant à lui, tenu en haleine jusqu’au bout, s’interrogeant sur le devenir de l’éventuel succès du héros…

Il en découle que « Maltempo » fait partie de ses meilleurs albums et qu’il est l’un des plus remarquables de cette rentrée littéraire, pourtant foisonnante… du moins pour le 9^e art !

Gilles RATIER

(1)  Parmi nos plus récents articles sur Alfred, voir : « Castelmaure » : Alfred et Lewis Trondheim refont le conte !, « Senso » : les jeux de l’amour et du hasard vus par Alfred…, « Come Prima » par Alfred…

« Maltempo » par Alfred 

Éditions Delcourt (23,95 €) — EAN : 9 782 413 027 782

Parution 11 octobre 2023

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