Luc Collin, dit Batem, surtout connu pour sa reprise du « Marsupilami » (sollicitée par André Franquin lui-même, à partir de 1987), sort un peu de sa zone de confort, après avoir réalisé 33 opus mettant en scène le célèbre animal fantastique, sur scénarios de Franquin et Greg, Yann, Éric Adam et Xavier Fauche, Dugomier, Stéphan Colman… En effet, acoquiné une nouvelle fois à son complice humoriste Nicolas Pothier (1), il vient d’enluminer — de son expressif trait proche du créateur de Gaston Lagaffe, mâtiné ici d’un obligatoire style disneyen — quatre courtes, mais hilarantes aventures de Fantomiald ; lequel a, ainsi, droit à son propre album dans la collection Disney/Glénat qui propose des créations originales, en laissant une certaine liberté artistique aux auteurs ! (2)
Lire la suite...Le journal intime d’une jeune fille de 14 ans…
Dans la rubrique jeunesse de BDZoom.com, on évoque le meilleur des ouvrages pour les jeunes lecteurs, mais aussi, parfois, ceux qui ont comme personnage central un enfant ou un adolescent. C’est le cas de « Mes quatorze ans » : le journal intime de Lucie, 14 ans en 2003, retrouvé et commenté par la Lucie de 30 ans. Une intéressante mise en perspective sur la manière dont sa sexualité s’est construite.
2003, Lucie a 14 ans et rentre en classe de troisième. Elle habite rue d’Amsterdam, près de la place de Clichy à Paris. Son collège est dans la même rue, sur le même trottoir. Son objectif est de rentrer au prestigieux lycée Condorcet, juste en contrebas de son collège. Bonne élève, ce but à court terme semble facilement atteignable. Elle a la vie d’une adolescente ordinaire, avec sa bande de copines et des parents aimants. Jacques, son père, travaille à Toulon et revient le week-end, tandis qu’Ève, sa mère, est une femme originale qui n’aime pas cuisiner. Ils la laissent assez libre, tant qu’elle a des bonnes notes.
La pétillante Lucie tient un journal intime dans un gros agenda à la couverture jaune à spirale. Elle y note ses goûts ; ses passions pour Saez, le groupe Tryo ou la série « Buffy contre les vampires » et surtout son idée fixe : perdre sa virginité pendant l’année scolaire. Elle sort avec Camille, un lycéen skateur qui habite à Convention.
Elle l’a décidé : ce sera lui son premier. Volontaire, elle en parle à sa mère qui l’envoie chez un gynécologue. Elle hésite encore à franchir le pas, se pose des questions : « J’avais peur d’être nulle. Parce que la sexualité pour moi c’était une histoire de plaisir mais aussi de performance. » Elle avoue dans son journal une obsession pour le sexe qui reste secrète pour les autres. La Lucie de 30 ans regrette que celle des garçons bien plus visible dans la cour de récréation de 2003 serait qualifiée de toxique, seulement 20 ans plus tard.
Dans « Mes Quatorze ans, enquête sur ma découverte de la sexualité », nous suivons ainsi les amours de Lucie qui, très mature, assume ses choix et ses désirs dès ses 14 ans.
Dans un journal qui n’était pas destiné à être lu par d’autres, elle confesse son obsession pour le sexe, la masturbation ou son envie de découvrir de nouvelles pratiques. Le langage est cru, les émotions sincères et intensément vécues comme souvent à cet âge-là.
La bande dessinée reprend le déroulement chronologique de l’année scolaire de Lucie telle que retranscrite dans son journal, en y ajoutant les commentaires de l’autrice qui a redécouvert ce cahier 15 ans plus tard.
C’est l’occasion pour la Lucie Mikaelian de 30 ans de questionner les agissements de la Lucie de 14 ans, avec l’humour que lui permet le recul qu’elle a pris avec l’adolescente qu’elle était.
À 30 ans, la journaliste trouve dans l’accès à ses pensées intimes d’adolescentes l’opportunité de comprendre comment elle avait construit sa sexualité. Elle mène ici une enquête sur son rapport au corps, à sa sexualité, son plaisir, aux garçons, à ses parents et à ses amis. De ce dialogue pertinent, entre elle adulte et l’adolescente qu’elle fut, se dégage des thématiques toujours d’actualité : sur la pression sociale subie au moment de l’adolescence, sur le regard masculin, les représentations culturelles imposées aux jeunes filles ou les injonctions à avoir le corps parfait proposé par les magazines. De quoi déconstruire sainement certains stéréotypes.
C’est avec son amie journaliste Jeanne Boëzec que Lucie Mikaelian a écrit le podcast en 12 épisodes « Mes 14 ans », en juin 2020. L’année suivante, elles contactent la dessinatrice Lisa Chetteau pour illustrer leur matériau narratif. Son style vif et coloré colle à l’idée que l’on se fait du journal intime d’une adolescente. Elle y place de nombreux détails et des typographies variés, de toutes les couleurs, suivant les changements d’humeurs de l’autrice en herbe.
Beaucoup de femmes, trentenaires ou non, se reconnaitront dans cette bande dessinée originale, féministe et sincère qui s’affranchit avec humour de nombreux tabous sur la sexualité. La crudité du propos peut cependant choquer certains lecteurs et lectrices du même âge, mais moins matures que la Lucie de 14 ans.
Ce peut être l’occasion pour d’autres lecteurs adolescents d’aborder la sexualité de manière décomplexante et sereine, d’avoir une vraie réflexion sur la féminité et la charge sexuelle ; c’est-à-dire la charge mentale qui pèse sur les femmes dès le premier rapport pour assumer la sexualité des deux membres du couple.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Mes quatorze ans, enquête sur ma découverte de la sexualité » par Lisa Chetteau, Lucie Mikaélian et Jeanne Boëzec
Éditions Gallimard (24,00 €) – EAN : 978-2-07-516778-9
Parution 26 avril 2023
La bourge, citadine, exclusive et autocentrée victime de tout.
Ha oui, le tout dans le plus parfait entre-soi.
Un stéréotype à déconstruire, de toute urgence puisque écrasant, particulièrement toxique et excluant.