« La Petite Lumière » : l’éveil d’une solitude…

Sentant venir ses derniers jours, un vieil homme s’est décidé à venir vivre dans un hameau abandonné. Mais, chaque soir, une énigmatique petite lumière vient percer sa solitude… Conseillé par Daniel Pennac, Gregory Panaccione adapte en 250 pages le touchant roman de l’Italien Antonio Moresco (2013 ; traduit en français en 2014). Une quête métaphysique intemporelle, où se redessine une écriture humaniste toute en poésie…

Couverture de « La Petite Lumière », traduit de l'italien par Laurent Lombard (Verdier, 2014 - 128 p.).

Un vol d'hirondelles, symbole du parcours éphémère des hommes... (planches 1 et 2 - Delcourt, 2023).

Souvent citée en exergue, la première phrase de l’ouvrage est à la fois une entrée en matière, un incipit (cadre) et une piste d’exploration narrative, aux frontières du réel et de l’onirique : « Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant. » De cette accroche introductive, qui condense l’essentiel du sujet, du héros et du lieu où se déroule cette fable contemplative, la couverture du présent album conserve deux axes majeurs : la solitude et la temporalité du bout du monde : autrement dit un homme âgé et une maison sans âge. Elle leur adjoint deux motifs complémentaires : la nature et la nuit comme ultime refuge ; ainsi qu’une lumière lointaine comme source de mystère, d’interrogations et – par voie de conséquence – de potentielles péripéties liées à la relance d’une quête personnelle. Car, au fond, qu’est l’homme sans questionnements, sinon une nuit sans étoiles ? Comme l’illustre également le premier plat réalisé par Gregory Panaccione, cette « Petite Lumière » est une véritable montagne à gravir : l’homme qui se croyait seul ne l’est déjà plus. Naturellement, l’on pourra se demander si le personnage n’est pas sénile ou s’il n’est pas victime d’hallucinations : près d’une masure sans électricité, sans véritables moyens de subsistances visibles, l’ermite semble être dans un monde inquiétant, hostile, environné de fantômes… du passé. On comprendra cependant qu’il veuille élucider le mystère de cette lumière, qui éclaire d’un jour nouveau le crépuscule de sa vie : la disparition a ce paradoxe qu’elle nécessite d’exister. Nulle constatation du néant sans témoignage d’une existence préalable.

De temps en temps (planches 3 et 4 - Delcourt, 2023).

Vivant dans un hameau de montagne, entouré de bois, au sein d’un territoire de ruines reconquises par la végétation, où la présence humaine s’est effacée peu à peu – laissant place aux seuls animaux -, le héros narrateur semble ainsi un exilé volontaire. Un être retourné dans sa solitude foncière, en marge de ce monde et à la frontière d’un autre inconnu. Un homme entre deux mondes, le présent et l’éternité, l’étincelle de vie et la nuit. En suivant ce héros dont on ne saura jamais le nom – et auquel chacun d’entre nous peut s’identifier -, le récit oscille entre préoccupations liées à la survie quotidienne et questionnements existentiels ; beaucoup resteront sans réponses… Mais l’anxiété du personnage sera en grande partie apaisée par une rencontre inattendue, que nous ne dévoilerons pas ici.

Une lumière dans la nuit (planches 5 et 6 - Delcourt, 2023).

Remarqué par la critique et couronné de plusieurs prix, le roman d’Antonio Moresco a également reçu le satisfecit de Daniel Pennac. L’éditeur français originel – Verdier (2014), après l’Italien Mondadori en 2013 (« La Lucina ») – en profitera pour promouvoir comme il se doit la réédition du roman effectuée en septembre 2021. Hasard ou coïncidence heureuse : en novembre suivant parait l’adaptation en bande dessinée de « Cabot-caboche » : fameux roman jeunesse de Pennac (1982) transmué en album de 128 pages par… Grégory Panaccione. En toute logique, le premier pense au second, concernant « La Petite Lumière ». Il faut dire que le trait déstructuré de l’auteur d’« Un océan d’amour » (scénario de Wilfrid Lupano ; prix BD Fnac 2015) et l’emploi d’une palette chromatique restreinte (témoignage de l’omniprésence de la végétation, de la pierre et de l’obscurité) traduisent parfaitement la quête de sens du personnage principal. Métaphore du passage des saisons, des cycles de la vie (de l’enfance à la vieillesse) et de notre propre existence, creusant le territoire de l’enfance comme un retour à l’innocence première, interrogeant sur le vertige de notre présence en ce monde, cette « Petite Lumière » continue de rayonner longtemps, une fois l’album refermé…

Philippe TOMBLAINE

« La Petite Lumière » par Grégory Panaccione 

Éditions Delcourt (27,95€) – EAN : 9782413075929

Parution 10 mai 2023

Galerie

Une réponse à « La Petite Lumière » : l’éveil d’une solitude…

  1. BARRE dit :

    Et c’est publié bien entendu dans la formidable collection  » mirages » de l’éditeur Delcourt.
    Une collection merveilleuse remplie de pépites !
    Ce Panaccione là mérite d’y figurer.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>