La fable de la tortue et de la luciole…

Rien ne sert de courir dans la nuit quand on craint l’obscurité ! C’est ce que regrette la pauvre Armelle : une tortue qui souffre d’achluophobie (peur irrationnelle de l’obscurité) et qui n’est évidemment pas taillée pour la course. Sa vie est transformée quand elle croise le chemin de Mirko : une luciole bienveillante. « Armelle et Mirko » est une jolie fable qu’ont écrits les fins scénaristes pour la jeunesse Anne Montel et Loïc Clément, pour le dessin tout en douceur du Cantalien Julien Arnal.

Armelle est une tortue torturée ; torturée par sa peur panique du noir depuis son enfance. Cette achluophobie lui gâche ses nuits et ses jours. Ses nuits, car elle y est paralysée près d’un feu de bois qui s’éteint inexorablement et le jour, elle vit en quasi dépression, attendant avec une anxiété qui s’accroit d’heure en heure la venue implacable du crépuscule.

C’est une tortue me diriez-vous : pourquoi ne se réfugie-t-elle pas dans sa carapace ? Tout simplement parce qu’il est fait très sombre et qu’elle est incapable d’y rentrer pour se protéger des nombreux prédateurs qui hantent la forêt : renards, blaireaux, fouines, sangliers, …

Sa phobie empêche Armelle de vivre avec ses congénères ou d’autres animaux. C’est depuis que ses sœurs se sont moquées d’elle en l’enfermant dans le noir d’un seau bloqué par une lourde pierre qu’elle a développé cette peur paralysante du noir.

Elle ne communique donc plus avec les autres tortues et souffre d’une profonde solitude et d’une mélancolie certaine. Elle se déplace seule au bord de la rivière prendre de l’eau qu’elle fait ensuite chauffer pour boire un bon thé. Seul moment de repos entre deux crises d’angoisse, mais moment vécu seul, sans partage possible… Jusqu’au jour où surgit une curieuse bestiole.

Une fin d’après-midi, alors qu’Armelle commence à sentir son ventre se nouer à l’approche de la tombée du jour, Mirko, un insecte sociable vient à sa rencontre et l’aborde avec tact et gentillesse. Ils prennent le thé en papotant de choses et d’autres, Mirko lui avouant aimer voyager car :

« L’âme a lors des voyages une continuelle excitation à remarquer des choses inconnues et nouvelles. Par exemple ce coucher de soleil est unique. Vous n’êtes pas d’accord ? »

À cette question anodine, Armelle ne sait quoi répondre ,puis fond en larmes. Elle avoue alors sa triste phobie à Mirko. Ce dernier ne se moque pas ; au contraire, il la comprend et la réconforte. La nuit venue, il va jusqu’à la rassurer en brillant d’une lueur vive dans la nuit, car Mirko est une luciole bienveillante qui propose à la tortue peureuse d’être l’ami qui l’éclaire.

« Armelle et Mirko T1 : L’Étincelle » page 10.

« Armelle et Mirko » a le charme des fables intemporelles et la douceur des meilleurs albums pour les plus jeunes. Ses grandes cases agrémentées de textes concis, précis et poétiques, font de ce très beau livre un chainon entre album jeunesse et bande dessinée à destination des primo-lecteurs.

On prend plaisir à se perdre dans les détails des dessins de Julien Arnal. Illustrateur chez Robert Laffont ou Gautier-Languereau, ce jeune auteur signe ici sa première bande dessinée. Il y magnifie la nature, les forêts et ses habitants, tout comme le passage des saisons ou la beauté des crépuscules.

C’est un duo talentueux qui a écrit le scénario de cette bande dessinée contemplative et bienveillante : Anne Montel et Loïc Clément ont construit, avec « Armelle et Mirko », un récit linéaire porteur de belles thématiques sur l’acceptation de soi, la résilience, la construction d’une amitié sur la base de l’échange et de la confiance… Et bien sûr sur de la nyctophobie et les moyens de vaincre cette peur irrationnelle. Une belle occasion, après lecture de l’album, d’engager un dialogue avec l’enfant souffrant de cette phobie.

Le duo d’auteurs sarthois a déjà signé des scénarios jeunesse remarquables comme « Le Temps des mitaines », l’adaptation en BD de « Miss Charity » ou « Chaussette » et « Merlin ». Ces deux derniers titres font partie de la collection : Les Contes des cœurs perdus, tous écrits par Loïc Montel. Nous avons vanté dans notre rubrique tout son savoir-faire et son intelligence narrative au fur et à mesure des parutions  de « Le Voleur de souhaits » à « Chaque jour Dracula » ou de  « Jeannot » à  « Mauvais Sang ». Nul doute que nous y évoquerons bientôt la suite des aventures d’Armelle et Mirko dans un tome 2 au titre intrigant : « Le Voyage »…

« Armelle et Mirko T1 : L’Étincelle » page 13.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Armelle et Mirko T1 : L’Étincelle » par Julien Arnal, Loïc Clément et Anne Montel

Éditions Delcourt (15,95 €) – EAN :  978-2-4130-4504-5

Parution 22 mars 2023

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