« Les Pays d’Amir », et d’amour aussi !

Chronique psychologique, « Les Pays d’Amir » aborde la question de l’accueil de l’« Autre ». Adrián Huelva et Séverine Vidal, respectivement dessinateur et scénariste, signent là une jolie immersion dans une famille française, autour de la question de l’intégration d’un migrant, déraciné et partagé entre quelques pays…

Ici, dans cet album de 86 planches — dont la longueur autorise la subtilité —, le sujet des migrants, traité à satiété par les médias, relève avant tout de la chronique psychologique. Ce sujet contemporain est vu sous le prisme des questions posées par l’éventuelle intégration d’un migrant syrien à une famille ligérienne ; mettant de côté l’aspect éminemment politique de l’immigration ou plus exactement irriguant le rapport entre la dizaine de protagonistes par ce contexte général de l’accueil fait aux migrants.

Régulièrement scandée par une planche-image comme par une double page présentant une recette de la gastronomie proche-orientale, la narration aérée du récit est portée par le réalisme fluide du dessinateur, par la richesse de ses harmonies colorées numériques, comme par l’élégance de son trait. Chacun des personnages est bien campé, leurs attitudes et expressions sont justes, permettant au lecteur de s’y attacher.

Quid de l’histoire ? Tout débute par le héros : le jeune Syrien, prénommé Amir. Ayant fui Alep, puis Damas, ce migrant vit alors depuis quatre mois près de Nantes, en Loire-Atlantique, lorsqu’une blessure anodine lui fait rencontrer Solange : une infirmière — et mère de famille — effectuant des maraudes.

Puis, un repas de famille dans une banlieue pavillonnaire documente l’écosystème autour de Solange : son père Armand, incarnation du racisme ordinaire, et sa sœur Héléna, lesquels tiennent le petit restaurant (La Cuisine de mon père) ; son mari Jack, avec lequel la relation sentimentale s’avère distendue ; enfin, leurs trois enfants : Maximilien, Anouk — l’ado revêche — et le petit dernier, Harry.

À la suite de l’incendie du squat dans lequel vit Amir, ce dernier est finalement accueilli chez le couple, en attendant que sa demande d’asile soit éventuellement satisfaite…

L’arrivée de l’étranger à la cellule familiale bouscule et fait évoluer chacun de ses membres, ce d’autant que les charmes du jeune Amir n’indiffèrent pas les deux femmes de la famille… Et que le jeune Syrien, affectionnant sa gastronomie, a d’autres atouts dans une France hédoniste : ses qualités culinaires…

Le sort joue ensuite un tour opportun lorsque le vieil Armand est contaminé par le covid et hospitalisé, contraignant sa fille Héléna à rechercher un cuisinier temporaire… En quête de paix, mais rétif à s’attacher, Amir trouvera-t-il un autre sentiment au terme de son errance ? Quels sont les pays d’Amir ? Sa Syrie d’origine, bien entendu. L’Espagne également, illusoire eldorado vers lequel il fuit après le si troublant épisode nantais. Mais en existe-t-il un autre ? De réalisation très soignée, cette jolie histoire complète, qui puise dans les arcanes les plus positifs de l’humanité, y répond dans la dernière case de l’ultime séquence.

Jean-François MINIAC

« Les Pays d’Amir » par Adrián Huelva et Séverine Vidal
Éditions Grand Angle (18, 90 €) — EAN : 978-2-8189-9655-3
Parution 29 mars 2023

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