« Capitaine Vaudou » : du surnaturel sous les Tropiques

Des pirates, du vaudou et quelques morts-vivants. Avec un tel menu, les frères irlandais Mc Leod, arrêtés pour sédition et déportés vers le Nouveau Monde en 1690, ne sont pas au bout de leurs surprises ! Ce d’autant plus que le cadet, Cormac, ne tarde pas à se découvrir des dispositions extraordinaires. Parue dès 2022, l’adaptation BD d’un jeu de rôle mythique par son propre créateur, Jean-Pierre Pécau, tient toutes ses promesses aventureuses : profitons de la parution du tome 2 pour retourner en Jamaïque, sur l’île des fantômes, entre révolte d’esclaves et chasse au trésor…

Couverture pour « Capitaine Vaudou » (Descartes, 1991) : un jeu de rôle devenu culte

Remontons le fil chronologique… Après différentes parties-tests réalisées de fin 1989 à août 1990 en présence de Marc Nunes, Philippe Mouret (éditions Asmodee), Didier Guiserix, Jean-Marie Noël et Pierre Rosenthal, les auteurs et scénaristes Pierre Rosenthal et Jean-Pierre Pécau se lancent. En juin 1991, le mensuel Casus Belli, associé à l’éditeur Descartes, présente ainsi une nouvelle extension de son jeu de rôle maison, « SimulacreS ». Le jeu de rôle « Capitaine Vaudou » était né, proposant de vous glisser dans la peau de pirates caribéens, au sein d’un XVIIe siècle historico-fantastique où le vaudou fait partie de la vie quotidienne des marins. Riche de 64 pages, le livre de base se suffisait à lui-même, dans la mesure où il contenait tout le matériel requis (description de la société pirate, de l’histoire de la région, de l’influence du vaudou), les règles, une carte et un copieux scénario (« Baron Mort lente ») digne d’une mini-campagne, permettant aux joueurs d’explorer pleinement tous les aspects du jeu. Illustré par Roland Barthelemy, alors publié à 2 000 exemplaires et rapidement épuisé, « Capitaine vaudou » connait deux extensions scénaristiques (« Roanoke » et « Le Miroir fumant ») sans être réédité. Mais avec un titre pareil, force fut de croire que « Capitaine vaudou » n’était résolument jamais vraiment destiné à mourir…

Campagne de financement 2020, nouvelle édition et écran de jeu par M. Lauffray.

Le miracle a lieu avec le démarrage de la campagne de financement participatif, lancée par Black Book éditions et Monolith éditions en mai 2020. Dépassant les objectifs financiers fixés, cette campagne ressuscite littéralement ce riche univers, s’accompagnant des indispensables livre de base (240 pages couleurs conjuguant matériaux anciens et inédits ; illustrations par Ugo Pinson et Anthony Jean), écran du maître de jeu (illustré par Mathieu Lauffray), set de dés et scénarios bonus. Enfin, chez Delcourt, le prolifique Jean-Pierre Pécau (citons ses séries « Nevada », « Indochine » et « Machines de guerre », également toutes publiées par Delcourt) initie en février 2022 une série éponyme. Dessinée par Darko Perovic (« Dr Watson » entre 2014 et 2017), « Capitaine Vaudou » conserve un lien direct avec le récent jeu de rôle, puisque sa couverture est signée par Ugo Pinson, peintre devenu un spécialiste de ce type de productions.

Couverture et premières planches du T1 (Delcourt 2022).

Sans surprises, sauf pour ceux qui pensaient encore que la saga « Pirates des Caraïbes » avait tout inventé en mettant en scène des pirates-esclaves-zombies (notamment dans son cinquième volet, « La Fontaine de jouvence » en 2011), la série « Capitaine Vaudou » reprend l’ensemble des éléments-clés attendus. À commencer donc – outre l’univers de la flibuste – par le surnaturel lié aux rituels vaudous. À l’instar du jeu, le vaudou est séparé en deux voies : la magie blanche, composée des hougans (magiciens), mambos (magiciennes) et loas (esprits) qu’ils invoquent ; et la magie noire, rassemblant les bokors (sorciers) et leurs familiers (bakas), dont les zombis, loups-garous et autres poupées de cire démoniaques. Si les effets annonciateurs (les métaux et armes qui s’échauffent jusqu’à entrer en fusion) ou pervers (une puissante difficile à maîtriser) sont légions, voyons que nos héros – les frères Cormac et Angus Mc Leod – devront inévitablement apprendre à utiliser ses ressources surnaturelles pour arriver à leurs fins. Entre encrages réalistes et nombreux rebondissements, les deux albums regorgent d’éléments feuilletonesques, de personnages et de mystères susceptibles de relancer l’intrigue : du capitaine pirate de Vimeur à Erzulie, courtisane et esprit de l’amour, du golem façonné par le rabbin Rosenthal à l’antagoniste baron Mort lente, le scénario oscille sans cesse entre Stevenson (« L’Ile au trésor ») et Lovecraft (« L’Appel de Cthulhu »). Autant d’auteurs et de références thématiques venant intelligemment abonder la trame d’albums denses (64 et 56 pages), au profit de cette série efficacement colorisée par Nuria Sayago (« Hauteville House ») et d’ores et déjà prévue en quatre tomes (tome 3 à paraître : « La Fin de Port-Royal »).

Premières planches du T2 (Delcourt, 2023).

Philippe TOMBLAINE

« Capitaine Vaudou T1 : Baron mort lente » par Darko Perovic et Jean-Pierre Pécau

Éditions Delcourt (15,50 €) – EAN : 978-2413030294

Parution 16 mars 2022

« Capitaine Vaudou T2 : Le Trésor de Christophe Colomb » par Darko Perovic et Jean-Pierre Pécau

Éditions Delcourt (15,50 €) – EAN : 978-2413030300

Parution 15 février 2023

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