Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« #Les Mémés » : l’ADN Fluide glacial !
De nos jours, la bande dessinée est souvent tristounette. Nous vivons dans un monde formaté, qu’il devient de plus en plus périlleux de caricaturer. Avec son trio de « mémés », Sylvain Frécon ose s’attaquer au meilleur, mais aussi au pire, du troisième âge. Les commentaires décapants de ses trois vieilles femmes, qui n’ont pas la langue dans leur poche, sont savoureux. Cette série née en 2020, qui a tout de suite trouvé son public, marque de belle manière le retour de l’ADN Fluide glacial insufflé jadis par Gotlib et sa joyeuse bande.
Huguette, Lucette et Paulette — trois dames totalisant à vue de nez 250 ans — observent, avec une belle santé, le monde d’aujourd’hui : notre monde, qui n’est plus le leur. Rien n’échappe à leurs critiques brutes de décoffrage. À la terrasse d’un café, sur un banc, dans un jardin public, dans la rue, un caddie en main… tout est — pour elles — sujet de révolte, de colère, de combat ou de commentaires acerbes. Loin de l’image de la vieillesse paisible, exemple de sagesse pour les jeunes, le trio parle de sexe, d’actualité, de vie quotidienne, avec la fougue de jeunes suffragettes.
Bien sûr, elles savent que la mort rôde autour d’elles, ce qui ne les empêche pas de se ruer sur tout ce qui bouge avec un appétit féroce. Politiquement incorrectes, elles n’épargnent personne, tout en conservant tendresse, joie de vivre et drôlerie. Huguette rêve devant une vieille savonnette enfermant un poil de couille de son troisième mari ; Lucette veut monter l’âge de la vieillesse à 100 ans ; Paulette a des problèmes d’audition, parce qu’elle a des poils de cul dans les oreilles… On les adore, ces mémés pas si indignes qu’elles en ont l’air. Mieux, on en redemande !
« #Les Mémés » (Huguette, Lucette et Paulette) ont été créées en 2020 dans les pages du mensuel Fluide glacial, dont elles ont très vite séduit les lecteurs. Le dessin d’une simplicité remarquable, aux décors minimalistes, ainsi quel’absence de personnages secondaires, sert avec efficacité des textes écrits au cordeau. On retrouve non sans émotion l’humour vache d’une Carmen Cru, le quotidien délirant des Bidochon… : bref, toute la fantaisie de l’esprit Fluide glacial. Cette série récurrente — option éditoriale de plus en plus rare — s’adresse à tout le monde, avec un thème universel qui porte en lui les promesses d’un succès mérité. À noter une planche de stickers hilarants offerte, sur le thème de la BD.
Né à Bourges le 24 octobre 1972, Sylvain Frécon étudie le dessin pendant trois ans à l’École Émile-Cohl de Lyon. Il démarre sa carrière dans l’illustration pour la jeunesse chez Hachette, Bayard, Nathan, Hatier… Il aborde la bande dessinée avec « Oggy et les cafards » (scénario de Diego Aranega chez Dargaud), coloriant aussi « Les Foot-maniacs » chez Bamboo ou reprenant la série moyenâgeuse « Gibus » (scénario d’Olivier Lhote) dans DLire.
Pour réaliser « #Les Mémés », il puise son inspiration en observant les vraies « mémés » au quotidien : « J’aime papoter avec elles dans les jardins publics, mais aussi au marché… Lorsque je les vois, je suis admiratif et j’aimerais avoir leur force… Elles sont libres, hors de la mode, elles sont intemporelles… elles ont la force, comme disait Pierre Desproges, de vivre heureuses en attendant la mort. » Vivement le prochain album !
Henri FILIPPINI
« #Les Mémés T3 : Fraîcheur de vivre » par Sylvain Frécon
Éditions Fluide glacial (13,90 €) — EAN : 979-1-0382-0494-2
Ca a l’air sympa mais… Six pages de présentation et deux fautes d’orthographe (ou de typo), « orizon » et « gourille » ?… Y a décidemment plus de correcteur chez les éditeurs ?…
Et pas mal de fautes dans le dernier « Nevada » ! Quand on publie une pointure comme Colin Wilson, on pourrait mieux soigner l’ouvrage !