« Sermilik, là où naissent les glaces » : le destin d’un Français au Groenland…

Il y a près de deux ans, Simon Hureau nous avait invités à découvrir son jardin langeaisien avec « L’Oasis » : un magnifique album apaisant et réconfortant après les deux mois de confinement. Grand observateur de la nature, il y décrivait son apprentissage de jardinier amateur. Depuis, Simon Hureau a quitté quelque temps les bords de Loire pour un fjord groenlandais, afin d’y rencontrer un Français au destin unique : Max Audibert. C’est son histoire qui est racontée dans « Sermilik, là où naissent les glaces », paru chez Dargaud.

C’est après l’obtention du bac — et tout juste inscrit à l’École du service de santé des armées — que Max Audibert a une révélation : devenir chasseur chez les Inuits. Après une rapide préparation, il choisit d’aller sur la côte est du Groenland et arrive à Tiniteqilaaq « aussi vierge qu’une neige nouvelle », sans connaître la langue à part les deux mots qui signifient « Je veux vivre comme un chasseur ! ». Pris en charge par les chasseurs du lieu, Max dut apprendre une nouvelle vie. À l’écoute de tous les conseils, humble et persévérant, il se fit accepter par toute la communauté.

Max finit par devenir un Inuit blanc et, surtout, l’un des meilleurs chasseurs qui fût. Il put ainsi vivre de la chasse traditionnelle pendant près d’une dizaine d’années : ce qui lui permit de subvenir au besoin de sa famille. L’arrivée de nouvelles réglementations sur la chasse aux phoques et l’industrialisation du traitement des peaux rendirent la chasse traditionnelle beaucoup moins rémunératrice ; Max changea de profession. Avec l’essor du tourisme, il profita de sa connaissance du terrain pour devenir guide dans la région du Sermilik.

C’est en comparant la différence de niveaux entre l’éducation proposée aux jeunes Inuits et celle qu’il avait reçue en France que Max choisit un nouveau défi : devenir instituteur dans son village, ce qui fut fait après quatre années d’études. Accompagnant les cours requis, Max emmène ses élèves à la redécouverte de leur culture d’origine, créant ainsi une boucle de transmission entre générations.

Le récit de « Sermilik » est bien sûr beaucoup moins linéaire que cette présentation. Simon Hureau alterne la vie actuelle de Max Audibert avec des moments clefs passés, ces chapitres pouvant nous être racontés par Max, ses amis, des animaux le côtoyant, voire par les esprits d’animaux morts. Une partie de ces récits nous rappelle que le Grand Nord est un espace sauvage constitué d’éléments mortels comme les vagues scélérates, les vents glaciaux durant plusieurs jours ou les glaces trop minces. Une autre partie nous montre que, si ces ennemis naturels étaient connus et appréhendés par les Inuits, la perte des repères traditionnels dans une société occidentalisée fait tout autant de victimes que les caprices de la nature.

Une nature qui, une nouvelle fois, est poétiquement rendue par les douces couleurs de Simon Hureau. Son dessin décrit de même manière la grandeur des paysages et celle des hommes ; il rend humainement compte aussi bien des tragédies que des moments heureux. « Sermilik » est préfacé par Joëlle Robert-Lamblin, directrice de recherche honoraire, associée à l’unité du CNRS Dynamique de l’évolution humaine et co-autrice avec Paul-Émile Victor de « La Civilisation du phoque ». L’ouvrage se termine par deux pages de photos d’Arnaud Mallat-Desmortiers montrant Simon Hureau et Max Audibert au Groenland. Les croquis accompagnant ces photos donnent envie d’en voir plus sur le travail préparatoire de Simon Hureau : dans une prochaine publication, peut-être ?

Vous pouvez retrouver Simon Hureau à travers le monde par le biais de nos anciennes chroniques où le dessinateur globe-trotter évoque l’IndonésieNoirmoutier, le Cambodge, la Creuse

 

Brigh BARBER


« Sermilik, là où naissent les glaces » par Simon Hureau


Éditions Dargaud (24,00 €) — EAN : 978-2-205-20307-3
Parution 20 mai 2022

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