Conte cruel de chercheuse d’or…

Au mitan du XIXe siècle, des milliers d’Européens ont tout quitté pour chercher fortune dans l’Ouest des États-Unis. En Californie, la ruée vers l’or est avant tout une affaire d’hommes qui risquent leur vie pour trouver fortune. Que vient donc faire la tendre Joana ici ? Pour le savoir, plongez-vous dans « La Louve boréale » : un conte cruel au message très contemporain.

Joana est une jeune femme ordinaire qui vient de quitter sa maison familiale et son pays. Elle a vendu le peu de choses qu’elle possédait pour s’acheter le billet qui lui permet de gagner le Nouveau Monde par bateau. Elle laisse derrière elle l’univers ensoleillé de son enfance méditerranéenne pour celui, froid et dangereux, des montagnes Rocheuses. Seule, mais déterminée, elle achète le matériel nécessaire et les provisions pour partir à la recherche du précieux métal jaune.

Pour des raisons de sécurité, il lui faut intégrer une expédition. Elle ne subit que des refus d’hommes qui refusent de voir les femmes les accompagner dans leur recherche de fortune. Tala, une Amérindienne, lui conseille de s’adresser à Matwei qui dirige le seul groupe qui accepte les femmes.

« La Louve boréale » page 5.

Matwei a adoubé Joana dans son équipe, mais le lendemain, quand elle se présente pour partir avec le groupe d’orpailleurs, celui-ci a déjà quitté la ville. La jeune femme ne se décourage pas et part seule dans les montagnes sur les traces de cette expédition qui n’a pas voulu d’elle. Commence alors, pour elle, un parcours dangereux au milieu d’une nature de plus en plus hostile avec l’arrivée d’un hiver rigoureux.

Elle reçoit l’aide de deux natives qui ont quitté le groupe de Matwei : Tala et la vieille Oda qui connait bien les ressources cachées de la montagne et, plus surprenant, d’une mystérieuse grande louve sans doute attendrie par son sauvetage d’un chien handicapé à trois pattes. Une assistance plus qu’utile quand les trois femmes doivent affronter Matwei et ses hommes, tous agressifs…

« La Louve boréale » page 9.

Nous avons fait connaissance avec le travail de l’Espagnole Núria Tamarit avec le très énigmatique « Géante » scénarisé par Jean-Christophe Deveney : album qui a fait partie de nos coups de cœur jeunesse pour l’été 2020, et avec sa participation à la collection Les Merveilleux contes de Grimm pour les éditions Les Aventuriers de l’étrange (« Le Conte du genévrier »).

On retrouve ici son talent graphique intact. Dans de grandes cases aux couleurs éclatantes, avec un style rond mais précis, elle donne aussi bien à voir de beaux et angoissants paysages de montagnes que le mouvement des corps et les expressions de ses personnages aussi bien humains que canins.

Elle joue admirablement des couleurs en opposant les couleurs chaudes et lumineuses des séquences du passé heureux de Joana dans un pays méditerranéen aux couleurs froides et sombres de son présent anxiogène lors de la ruée vers l’or.

« La Louve boréale » page 21.

L’autrice a su créer des séquences particulièrement angoissantes dans ce conte cruel destiné à un public ado-adulte, dès la fin du collège. Elle manie l’art subtile de l’ellipse et du flash-back pour traiter des sujets on ne plus contemporain.

Son discours est résolument féministe, Joana combat de chaque côté de l’océan une société patriarcale. Il est aussi profondément écologique ; la gigantesque louve boréale défendant aussi bien les femmes victimes du machisme ambiant qu’une nature en proie à l’avidité insatiable d’hommes prédateurs par essence.

... Prise au piège comme tant d'autres.

« La Louve boréale » est un récit initiatique captivant de bout en bout, un roman graphique qui ne peut laisser indifférent.  

Laurent LESSOUS (l@bd)

« La Louve boréale » par Núria Tamarit

Éditions Sarbacane (28,00 €) – EAN :  978-2-37731-800-1

Parution 4 mai 2022

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