« Les Aventures de Gérard Crétin » est une bande dessinée en une page proposée dans le mensuel Mikado des éditions jeunesse Milan, entre 1989 et 1994, et c’est la première série de gags que l’immense Florence Cestac (1) a créée spécifiquement pour la presse ! Son antihéros a tendance à être vantard et gaffeur : il croit souvent savoir tout faire mieux que les autres et être le meilleur en tout… Mais il est quand même attachant, car terriblement naïf ! Ainsi, il enchaîne les situations hilarantes et embarrassantes, incarnant, avec une tendre absurdité, certains travers humains. Le trait de la reine du gros nez en BD y est déjà unique, même si elle juge avoir fait quelques progrès depuis. Mais comme le dit elle-même : « un petit coup de nostalgie, ça ne peut pas faire de mal ! »
Lire la suite...En Bretagne, avec Bruno Le Floc’h…

Précédée d’une jolie préface de François Bourgeon et d’une postface dessinée de Briac, la réédition d’« Au bord du monde », premier recueil de Bruno Le Floc’h, est bien plus qu’une réédition, tant l’ouvrage est augmenté d’inédits. Cet album est encore l’occasion de redécouvrir le travail incroyablement original et fascinant, centré ici sur la Bretagne, d’un talentueux auteur trop tôt disparu, en 2012.
Les trois premiers récits déjà présents dans l’édition originale ont quelque chose de terrible : l’histoire titrée « Pasd’bol » est celle d’un homme qui porte malheur, dit-on : l’un de ceux qu’on n’embarque pas sur un bateau. Pourtant, quand la sardine est là, plein la baie, et que la main d’œuvre manque, on prend ce qu’il y a, Pasd’bol s’il le faut…
Dans « Voyage au Cap », le jeune Laou Pendivic est à la recherche de son frère, dans une virée à vélo initiatique et neigeuse, assez troublante. Enfin, avec « La Dernière Tournée de Fri Ruz », on assiste à des funérailles très très particulières d’un pilier de bar. En brouette, le cadavre (aidé de ses amis, évidemment) fait sa dernière tournée et c’est pas triste, malgré la situation. Inédit, « Corentin » compte 15 planches d’un récit inachevé au crayonné plus ou moins poussé et dans « Jean des Pierres », Bruno Le Floc’h s’attaquait à une adaptation d’un texte de Pierre Jakez Hélia : « Jean qui parlait aux pierres », un projet également inachevé complété ici du texte de la nouvelle et de dessins préparatoires. Enfin, le dossier que Brieg Haslé-Le Gall, consacré à l’œuvre de Bruno Le Floc’h, constitue un bel hommage bio-bibliographique abondamment illustré.
Comme nous le disions déjà ici-même à propos de l’intégrale des « Chroniques outremers », chez Dargaud, « Bruno Le Floc’h atteint souvent l’excellence illustrative et narrative avec une économie de moyens déconcertante : montage de planches sans esbroufe, contours simplifiés, visages esquissés… Il économise son trait comme d’autres leur souffle : quelques taches, quelques points suffisent à contourer un bateau ou à représenter l’immensité maritime. Les visages eux-mêmes se creusent de petits bâtons noirs. Les yeux sont le plus souvent plissés ou invisibles ». En noir et blanc et grisés, comme c’est le cas ici, les effets sont encore plus frappants et le style encore plus incomparable.
« Au bord du monde », redisons-le, c’est la Bretagne à l’état brut : sauvage et fascinante à la fois, la Bretagne des pécheurs d’autrefois, la Bretagne des villages oubliés, la Bretagne des femmes de marins, terriennes inquiètes, la Bretagne et d’autres horizons qu’il faut absolument redécouvrir dans la dizaine d’albums laissés par l’auteur, comme « Trois Éclats blancs » ou « Paysage au chien rouge »…
Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Au bord du monde » par Bruno Le Floc’h
Éditions Locus Solus (25 €) – EAN : 9782368333419
Parution 24 septembre 2021
Site dédié à l’auteur : https://www.auborddumonde.org/
La rubrique des « trop tôt disparu « est longue… Bruno Le Floc’h par petites touches , des noirs délicats , des couleurs tendres et des histoires abouties , a marqué mon imaginaire et bercé mes lectures. Je ne l’ai jamais rencontré, je l’imaginais donc au travers de ses histoires, breton, amoureux de la mer et des hommes. Les livres qu’il n’a pas dessinés me manquent.