Le point de vue de son chat !

Quand il a sorti « Kanojo to kanojo no neko » (« Elle et son chat »), un court métrage de cinq minutes, en 1999, Makoko Shinkai a dévoilé son talent en proposant une œuvre d’animation extrêmement onirique. C’est cette poésie mélancolique que l’on retrouve dans l’adaptation très fidèle en manga. Mis en image par la dessinatrice de « Blue Period », ce recueil en un volume devrait plaire aux amoureux des chats… Et ils sont nombreux.

C’est un jour de pluie qu’elle a trouvé celui qui allait devenir son chat. À travers les pensées de l’animal, le lecteur suit le quotidien, fait de travail et de beaucoup de mélancolie, de sa maîtresse. Les réflexions s’enchaînent et l’on découvre la vie d’une jeune travailleuse vivant dans un petit appartement japonais. Son téléphone sonne, elle ne répond pas. C’est sa mère qui s’inquiète pour elle, mais elle, elle a son chat et c’est peut-être tout ce dont elle a besoin finalement.

Réalisé par Makoto Shinkai durant son temps libre, alors qu’il avait 26 ans, ce court métrage fut immédiatement remarqué et obtint le Grand prix DoGA d’animation numérique (1). Distribué dans les conventions, sur CD gravé, la première grosse diffusion de ce film se trouve dans les bonus japonais de son grand succès professionnel : « Hoshi no koe » (« The Voices of a Distant Star »). L’animation est minimaliste et les images en noir et blanc, ce qui renforce le côté mélancolique de l’œuvre. Tous les dialogues d’origine sont lus d’une voix monocorde par Makoto Shinkai lui-même. On peut juste brièvement entendre, par deux fois, la voix féminine de Mika Shinohar (2) dont la phrase conclusive dit à l’unisson avec son chat :
« ce monde, nous l’aimons ! » Une fois devenu un réalisateur émérite, Shinkai a repris son histoire pour en faire une nouvelle série de quatre épisodes de huit minutes pour la télévision. Cette fois-ci en couleurs, le spectateur suit toujours la vie d’une jeune fille au travers des yeux d’un chat. Les personnages sont différents, comme pour souligner le fait que c’est une histoire universelle qui se répète un peu partout, avec juste quelques variantes. Plus étoffée, moins dramatique, tout en gardant une mélancolie certaine, cette série, plus connue, n’est pourtant pas celle qui a servi de base au manga.

Diffusée en chapitre entre avril et juillet 2016 dans le magazine Afternoon puis Afternoon Season Zokan de l’éditeur Kodansha, cette aventure est beaucoup plus prolixe avec ses 164 pages que l’animation de cinq minutes. Pourtant, la trame est la même et les sentiments bien rendus. Le dessin de Tsubasa Yamaguchi est beaucoup plus réaliste, tout en respectant l’émotion d’origine. Deux gros changements sont à noter. Premièrement, l’évolution technologique, nous ne sommes plus au siècle dernier et le téléphone portable a remplacé le combiné fixe. Secondo, la jeune femme s’exprime tout au long du manga. Elle dialogue avec son chat et ses amis, mais les rectangles où verbalise le félin sont toujours omniprésents et envahissants. Ce chat ne s’arrête jamais de penser et son propos, calme et apaisant, et reflète bien l’instant présent.

Adapté d’un court métrage peu connu, ce manga mérite pourtant d’être lu. Heureusement, Makoto Shinkai jouit d’une bonne popularité en France et ses précédentes adaptations en roman ou manga ont permis de créer une base de fans fidèles. Base de fan que Tsubasa Yamaguchi a aussi acquise avec « Blue Period ». C’est d’ailleurs sur le rabat en couleurs du tome cinq de cette série, déjà sorti, qu’est faite la promotion de ce one shot félin de la même dessinatrice.

« Elle et son chat », c’est une petite histoire anecdotique, mais à la narration extrêmement bien menée. Les amoureux des chats se retrouveront forcément dans la connivence qu’il y a entre cette jeune femme et son animal.

Gwenaël JACQUET

« Elle et son chat » par Makoto Shinkai et Tsubasa Yamaguchi
Éditions Pika (7,50 €) – ISBN : 978-2-8116-5778-9

(1) DoGa est un projet, lancé en 1985 par des étudiants universitaires au Japon, pour soutenir l’animation faite par ordinateur. Chaque année, elle décerne des prix aux meilleures créations japonaises du domaine. Makoto Shinkai a donc remporté le grand prix lors de la deuxième sélection.

(2) Mika Shinohar est l’ancienne partenaire de Makoto Shinkai. En plus d’avoir participé au court métrage « Kanojo to kanojo no neko », elle a également donné la réplique dans le film « Hoshi no koe ».

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