À la recherche du robot perdu !

Fiction spéculative, « Terrarium » nous transporte dans un monde délabré, pourtant rempli de beautés et de robots aux histoires uniques et sympathiques qui se dévoilent au gré de la lecture. Loin des récits post-apocalyptiques larmoyants, le monde que l’on traverse en compagnie de Chico et de son acolyte robotique Pino est, certes, semé d’embûches et de lieux désolés ; mais en s’y attardant, on y découvre également une richesse qui peut rendre mélancolique.

Dans un superbe jardin fleuri, Chico, une technologue d’investigation, et Pino, son humanoïde d’accompagnement qu’elle appelle son petit frère, viennent de débrancher le dernier robot censé s’occuper de ce paradis sur Terre. C’est un lieu rare comme elle le souligne « C’est vrai qu’il ne reste pas beaucoup de jardins aussi bien conservés depuis l’époque de la Grande Guerre ! » Une guerre dont on ne sait rien, mais qui a nettement ravagé la Terre au point de ne laisser qu’un champ de ruine où la nature a finalement repris ses droits. Cette métamorphose ne s’est évidemment pas faite en quelques jours, il a fallu un siècle et demi pour en arriver là. Maintenant, il faut s’occuper de tous les infatigables robots de travail laissés à l’abandon. C’est pourquoi ce couple d’explorateurs technologiques arpente ce petit bout de terre à la recherche de robots toujours en activité qu’il faut déconnecter. Un travail qui nécessite beaucoup d’empathie, le comportement de ces machines étant calqué sur ceux des humains.

« Terrarium » est un manga contemplatif. Tout se joue dans les dialogues et les rencontres distillées au fil des chapitres. Il y a peu d’action, peu de suspense, mais quelques cas de conscience traversent quand même l’esprit de Chico. Même si Pino n’est qu’un robot, il est également pourvu de sentiments qui rendent les dialogues entre ces explorateurs extrêmement vivants. La machine n’est pas traitée comme un objet : ce sont des êtres sensibles qu’il faut ménager, même si la finalité est de les désactiver. Certains peuvent même avoir un but ultime, à l’instar de ce petit robot facteur qui a décidé ne m’amener que de bonnes nouvelles et qui se voit confier une dernière mission de la plus haute importance : Chico l’envoie livrer une lettre à elle-même, afin de le retrouver au bout de six mois et ainsi lui laisser dignement finaliser son travail minutieux.

La place de la nature est extrêmement présente dans ce manga. C’est même le point central, avec le façonnage des lieux par les humains. L’héroïne n’a de cesse de s’émerveiller devant les paysages qu’elle traverse. Chaque passage négatif, notamment ceux évoquant la guerre, est contrebalancé par un gros plan de fleur ; car la nature sera toujours là, contrairement à l’homme qui est finalement peu de chose ici. Il n’y a d’ailleurs pas d’autres humains que Chico dans ce récit. La trace de l’homme est pourtant constamment là dans le façonnage des bâtiments et des robots.

L’arrivée en France de ce titre s’est faite de manière atypique. C’est un groupe de libraires, invité au Japon par les éditions Glénat pour fêter leurs 50 ans, qui ont repéré ce titre. Il avait été mis en avant dans une librairie au milieu d’autres blockbusters et sortait clairement du lot malgré la confidentialité de son éditeur, même au pays du soleil levant. Si ce libraire japonais n’avait pas été enthousiasmé par ce titre qui a fortuitement su capter l’attention de ces Français de passage, peut-être qu’il n’aurait jamais été traduit.

Il y a pourtant un peu d’art français dans l’œuvre de Yuna Hirasawa. Dans une interview conduite par les éditions Glénat, elle avoue « J’ai toujours adoré Claude Monet. Je suis une grande fan depuis que ma mère m’a acheté un livre d’images de Monet à la maternelle. Je suis également allé voir ses toiles au musée à de nombreuses reprises. Je ne manque jamais une exposition. » Et pour les voyageurs français passant par l’archipel japonais, elle nous apprend même qu’« au Japon, sur l’île de Shikoku, on trouve aussi une reproduction du jardin de Monet de Giverny, et j’y suis allée plusieurs fois faire des dessins. Depuis que je suis petite, je regarde ses dessins, ainsi que ceux des impressionnistes qui ont marché sur ses traces, alors je pense qu’au moins dans mes planches en couleurs leur influence est très présente. »

« Terrarium », c’est un voyage dans un monde au premier abord féerique, mais finalement au lourd passé. C’est une succession de découverte qui offre des histoires humaines, même si l’on parle finalement de robots. « Terrarium » c’est de la science-fiction bienveillante qui fait plaisir à lire. Avec seulement quatre volumes, la série est assez courte et forme un cycle complet vis-à-vis du travail de Chico et Pino.

Gwenaël JACQUET

« Terrarium » par Yuna Hirasawa
Édition Glénat (7,60 €) – EAN : 9782344044711

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