Agriculture et grains de sable !

Aux États-Unis, en 1937, une région située à cheval sur l’Oklahoma, le Kansas et le Texas, est touchée par des tempêtes de sable destructrices. Ce phénomène ravageur évoqué dans « Jours de sable » d’Aimée de Jongh touche une zone ovale surnommée « Dust Bowl » et met les agriculteurs dans une situation dramatique surtout au moment de la Grande Dépression. Un photographe est envoyé sur place pour recueillir des témoignages…

John Clark est un jeune reporter-photographe qui accepte faute de mieux la mission de la Farm Security Administration : un organisme gouvernemental qui a besoin de données et de photos pour faire le point sur la situation. John sait qu’une photo vaut tous les commentaires et il est bien décidé d’assurer le « job », mais sur place, face à tant de désarroi, de désolation, il se met à douter. D’abord, ce n’est pas si simple de faire poser les gens qui ne croient plus en rien.

Débarqué frais émoulu de Washington, ce qu’il découvre le déstabilise totalement, il assiste qui plus est à l’un de ces tourbillons sauvages qui recouvrent tout, s’immiscent partout, assèchent les terres et les poumons. La nuit semble alors s’installer en pleine journée. La crise économique plombant déjà les paysans, cette situation en oblige beaucoup à vouloir fuir la région, abandonnant le peu qu’ils avaient.

C’est une chronique touchante et passionnante à la fois que nous livre là Aimée de Jongh. Son récit, œuvre de fiction documentée (avec un cahier de photos d’époque, en fin d’album, remarquable), joue l’alternance entre pages de quelques cases et double-pages panoramiques, dans un graphisme clair, efficace. Mais l’auteure s’intéresse aussi au rôle de la photographie, à ce qu’elle révèle ou non, selon comment on la fait, selon comment on cadre.

John Clark n’est pas seulement un témoin qui photographie, mais un journaliste qui s’interroge sur ce qu’il observe et sur ce dont il devra rendre compte. John s’intéresse plus que tout aux gens qu’il rencontre, à leurs douleurs, à leurs drames. L’empathie le caractérise et l’oblige à se remettre en cause…

Heureusement, après une dizaine d’années de sécheresse, la pluie est revenue dès 1939. Cependant, ce phénomène de la Dust Bowl, à cause du réchauffement climatique, pourrait revenir. On retrouve l’évocation de ce phénomène dans quelques pages de « Celle qui nous colle aux bottes », une réflexion sur le métier d’agriculteur, à la frontière une relation père-fille autobiographique. L’album apporte un témoignage sur les grandes questions auxquelles l’agriculture est aujourd’hui confrontée, depuis comment devient-on agriculteur à tous les problèmes de l’agriculture intensive lié aux besoins grandissant d’alimentation.

De l’assolement triennal au remembrement en passant par le coût du matériel, les engrais, les pesticides, les graines sélectionnées des semenciers, la surproduction et gâchis alimentaire, l’auteure brosse un portrait nuancé, mais réaliste, du métier et des problèmes d’environnement qui lui sont liés. Le graphisme est, certes, plutôt amateur, mais l’ouvrage, sur un ton enjoué quelquefois, est suffisamment chaleureux, militant et documenté pour qu’on l’oublie vite.

Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/

[L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook.

« Jours de sable » par Aimée de Jongh

Éditions Dargaud (29,99 €) – EAN : 9782505082545

« Celle qui nous colle aux bottes » par Marie de Franqueville

Rue de l’Échiquier (21,90 €) – EAN : 9782374252742

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