Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Airborne 44 » : enfin le cinquième cycle !
Depuis son lancement en 2009, c’est toujours avec la même passion que Philippe Jarbinet poursuit le point d’orgue de sa belle carrière : « Airborne 44 ». Inspiré par le comportement raciste de Donald Trump, il propose un nouveau diptyque dédié à l’action héroïque des soldats de couleurs américains tout au long du second conflit mondial, et plus particulièrement dans les Ardennes belges. Une œuvre forte, signée par un auteur complet pas assez mis en exergue par la critique BD.
Nice, été 1944. Virgil s’est battu avec Jarred — Jay — Webb, un blanc qui le provoquait. Afin d’éviter les débordements racistes, Virgil Burdette (dont la peau est noire) est renvoyé par son supérieur dans son unité d’origine : le 333nd Field Artillery Battalion. Il profite d’un passage par Paris pour en savoir plus sur son père : Alvin Burdette. Devenu un célèbre bluesman, l’homme a quitté New York et sa famille pour Paris, où il est mort mystérieusement en 1934. Avant de gagner les Ardennes où la bataille fait rage, Virgil fait connaissance avec sa demi-sÅ“ur Édith qui le conduit sur la tombe de son père.Noël approche, l’offensive allemande est meurtrière pour les troupes américaines, tout particulièrement pour les hommes de couleur toujours placés en première ligne. Après l’anéantissement des bataillons par l’ennemi, le hasard réunit une nouvelle fois Virgil et Jay, isolés avec quelques survivants dans la forêt ardennaise recouverte par la neige. Trahie par des villageois, la petite troupe est décimée par les Allemands. Seuls Virgil et Jay en réchappent à bord d’une Jeep abandonnée par un soldat américain tué par l’ennemi. Virgil n’a plus qu’une seule pensée : survivre à cet enfer et rendre, comme il lui a promis, la photo qu’Édith lui a confiée lors de son séjour à Paris… Rendez-vous l’an prochain pour lire la suite de ce récit poignant, dans « Wild Men » : second volet de ce remarquable cinquième diptyque. Clin d’œil de l’auteur pour les lecteurs fidèles : notons que d’anciens protagonistes interviennent au fil du récit.Avec des personnages crédibles, et en utilisant avec habileté les évènements réels sans tomber dans le cliché, Philippe Jarbinet propose une vision originale de l’une des plus sanglantes batailles de la Seconde Guerre mondiale. L’occasion, pour lui, de rendre un hommage vibrant aux soldats de couleurs américains, victimes du ségrégationnisme des Blancs. En fin d’ouvrage, il explique, dans un texte émouvant, les raisons de ce choix, de ses motivations, sans oublier sa passion sans faille pour son métier de dessinateur.Né le 13 mars 1965 à Liège, Philippe Jarbinet suit les cours de l’Institut Saint-Luc de sa ville natale. Il publie en 1992, sous le pseudonyme Jarby, l’unique premier épisode de « Sandy Eastern » (scénario de Franz) aux éditions Blanco, peu avant leur disparition. En 1995, il commence aux éditions Glénat « Mémoire de Cendres » : série en dix albums pour la collection Vécu, évoquant la tragique épopée cathare, qui se poursuit jusqu’en 2007. Pour le même éditeur, il signe la trilogie policière « Sam Bracken » et participe au collectif « Une folie très ordinaire » (scénario Christian Godard). En 2009, paraît aux éditions Casterman le premier album d’« Airborne 44 » : série qui devient très vite un succès. Philippe Jarbinet professe le dessin à l’académie René Defossez de Spa depuis 1990.Arrivé trop tard, quelques années après François Bourgeon, André Juillard, François Dermaut, Jean-Pierre Gibrat, Patrice Pélerin, Jean-Charles Kraehn…, bien que travaillant dans le même registre, Philippe Jarbinet ne bénéficie pas toujours de leur réputation. C’est d’autant plus regrettable qu’il appartient à cette génération d’auteurs réalistes amoureux du petit détail, du décor parfait, des mises en scène grandioses. Le dessinateur méticuleux se double d’un scénariste exigeant, tant au niveau des recherches historiques que dans le choix des mots et des phrases qui doivent sonner juste dans la bouche de ses personnages. Ils sont, hélas !, de moins en moins nombreux à exceller dans ce registre…
« Airborne 44 T9 : Black Boys » par Philippe Jarbinet
Éditions Casterman (14,50 €) — EAN : 978 2 2032 1144 5
A quand le tome 10 ?
Oh oui ! À quand le tome 10 ?