L’ombre de la nostalgie…

Les parents d’aujourd’hui ont sûrement été bercés, en 1988, par la série d’animation « Creamy, merveilleuse Creamy », sur la défunte cinquième chaîne, ou lors d’une de ses rediffusions sous le titre « Creamy, adorable Creamy », dés 1994, sur TF1. Aujourd’hui, c’est leur progéniture qui est visée par cette série de manga intitulée « Dans l’ombre de Creamy ». L’histoire qui nous est contée se focalise sur la rivale de toujours de Creamy la Magical-Girl  : Megumi Ayase (rebaptisée Chantal dans la version française de la série d’animation).

Megumi Ayase est l’idole vedette de Parthénon : cette société de production est pourtant à la recherche de sa remplaçante. La future idole devra dégager de la magie, afin de devenir une star surpassant Megumi. Cette étoile, ce sera Creamy : la version adolescente de la jeune Yu Morisawa qui apparaît, grâce à la magie d’un pendentif extraterrestre dont elle peut disposer durant une année. Megumi n’est pas au courant de cette histoire, tout ce qu’elle voit, c’est que la jeune idole lui vole la vedette. Elle deviendra, donc, la grande rivale de la jeune étoile montante des studios Parthénon.

Ce manga raconte la version de l’histoire bien connue des spectateurs des années 1980, mais vue du côté de Megumi. Elle n’est plus la méchante rivale qui veut à tout prix faire tomber la jeune et jolie magicienne. C’est une jeune fille déchue de son statut qui cherche simplement à reconquérir le cœur de ses fans et, avant tout, de son manager. Néanmoins, sa hargne est intacte et ses actions parfois peu orthodoxes.

Traité avec plus de réalisme, l’histoire est adaptée au public d’aujourd’hui. En prenant le contre-pied de la série télé, et se focalisant sur une star déchue, le lecteur arrive à avoir de l’empathie pour ce personnage qui paraissait exécrable. Creamy est l’une des plus célèbres Magical Girl dont la série fut diffusée en France, avant la déferlante « Sailor Moon » en 1993. La série a marqué un large public, aussi bien féminin que masculin, même si ce dernier n’était clairement pas la cible de ce produit extrêmement formaté pour plaire aux petites filles. La transformation n’était même pas sexualisée à outrance comme celle d’autres Magicl Girls, à l’instar de l’héroïne de la série « Gigi » que l’on apercevait subrepticement nue lorsqu’elle passait de l’enfance à l’âge l’adulte. Une particularité que l’on retrouve de manière plus ou moins prononcée chez plusieurs Magical Girls et qui a immanquablement aidé à populariser le genre auprès de nombreux spectateurs en offrant un petit côté polémique au passage. Certains moments sont extrêmement réalistes et assez pessimistes dans cette nouvelle série. Megumi est traité comme une adulte se rendant compte de sa condition éphémère d’idole. Elle peut même avoir de la pitié pour Creamy, sachant très bien que dans ce monde la gloire est malheureusement éphémère.

Premier très gros succès original des studios Pierrot, c’est surtout la première création complète d’Akemi Takada. Cette character designer est une célébrité du monde de l’animation au Japon, où elle marqua de sa patte les plus grands sucés des années 1980 et 1990  : « Patlabor », « Orange Road », « Juliette, je t’aime » et bien sûr « Lamu ». Les arts books de la série « Creamy » s’arrachaient, à l’époque, avec ses illustrations pastel immédiatement reconnaissables et extrêmement soignées. Heureusement, l’illustratrice actuelle, Emi Mistsuki, a su garder la vigueur et l’originalité du trait de son modèle, tout en l’adaptant au noir et blanc du manga. Issue du Boy’s Love, elle a eu deux titres déjà publiés en France  : « De l’amour à l’écume, jamais  ! » et « À la recherche de notre comète » chez IDP. Malgré un design datant des années quatre-vingt, son trait moderne ne fait pas daté et ne devrait pas surprendre les jeunes lecteurs d’aujourd’hui. Les anciens retrouveront également un peu la magie de l’époque, même si le rôle de Creamy reste secondaire. Un très beau travail de remise au goût du jour pour une licence chère au cœur des fans, mais qui semblait pourtant dépassée.

Revenir 30 ans après un succès comme celui de « Creamy », en essayant de réhabiliter un personnage souvent détesté des fans de l’époque, était un pari osé. « Dans l’ombre de Creamy » s’en sort extrêmement bien : l’histoire, même si elle est connue, est prenante et intéressera aussi les jeunes découvrant cet univers. De quoi offrir un pont entre les générations.

Gwenaël JACQUET

« Dans l’ombre de Creamy » par Emi Mitsuki et le Studio Pierrot
Éditions Kurokawa (7,65 €) – EAN  : 9782380711554

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