Le Baron de Münchhausen existe, Jean-Luc Masbou l’a rencontré…

Oui, le baron de Münchhausen a bel et bien existé. Ses aventures ont été narrées de son vivant par Rudolf Erich Raspe. Cet écrivain l’avait croisé à son retour de Russie. C’est pour combler ses dettes qu’il publie son histoire en Angleterre, où il vit en exil. De quoi rendre célèbre un affabulateur à la faconde joyeuse qui vit désormais retiré dans son château de Basse-Saxe. L’irruption du livre sur la place de Bodenwerder perturbe le tranquille quotidien d’une paisible communauté rurale et ravive les souvenirs du vieux baron. Il entend bien rétablir la vérité, la seule qui compte : sa vérité !

1787, le tranquille bourg de Bodenwerder s’anime avec la venue d’un colporteur. M. Bodman étale devant son échoppe éphémère de la vaisselle, du linge de maison, des outils, des tissus, des pipes, du tabac des Flandres et même des livres. Enthousiaste, il présente son dernier coup de cœur, il l’a lu pas loin de dix fois ! Il s’agit des « Fabuleuses Aventures sur terre et sur mer du baron de Münchhausen », traduites en allemand l’année précédente.

Devant la mine déconfite des passants, il se méprend, il croit que le titre ne plait pas à son auditoire. Pas du tout, les villageois sont étonnés qu’on ait écrit un livre sur leur baron qui habite le château au-dessus de Bodenwerder. C’est au tour du bateleur d’être étonné, il pensait que le baron de Münchhausen était un personnage imaginaire, il découvre qu’il existe et demeure bien vivant.

La jeunesse du baron.

Du retour au château à la diffusion de ses aventures.

À la taverne, M. Bodman se remet de ses émotions. Il souhaiterait entendre de vive voix le baron raconter ses histoires. L’aubergiste tempère de suite ses espérances. Si le vieux militaire venait auparavant passer ses soirées dans le bourg où, intarissable, il racontait ses exploits d’antan, il n’y a plus mis les pieds depuis trois ans. Il a promis à son épouse de rester sobre et de garder pour lui ses souvenirs plus ou moins fiables. Des notables entendent le ramener non à la raison mais à la taverne pour qu’il narre ses histoires avec ses exagérations coutumières. La lecture du livre nouvellement imprimé devrait le tenter. Le colporteur prend donc une chambre au-dessus de la taverne attendant la venue du baron que l’un après l’autre ses amis vont tenter de convaincre de passer une soirée avec eux.

L'arrivée du colporteur.

Le baron de Münchhausen a bien vieilli. À 67 ans, il s’est fait une raison et passe tranquillement ses journées à chasser et ses soirées à réchauffer ses vieux os auprès de sa cheminée avec son épouse et des domestiques dévoués. Gustav, le garde-chasse, est le premier à venir lui parler du livre.

Münchhausen se souvient de l’auteur qu’il a croisé 20 ans plus tôt. L’occasion de conter, avec sa verve habituelle, certains de ses exploits de chasse : la poursuite d’un lièvre à huit pattes, l’aide d’un chien très intelligent qui tenait une lanterne avec sa queue ou comment il s’est sorti d’un marécage par la force de son bras en se tirant sur sa chevelure terminée par une queue de cheval.

La venue d’autres notables n’y change rien, le baron l’a promis à sa bien-aimée épouse, non, il ne descendra pas raconter à l’auberge comment il a chevauché un boulet de canon. Promesse tenue… jusqu’au soir où il apparait à la satisfaction générale dans la grande salle de la taverne. Il entend bien y rétablir la vérité et faire partager ses exploits sans occulter ce qui relève de la mystification.

Le Baron page 11

Jean-Luc Masbou nous revient au meilleur de sa forme. Le dessinateur de la cultissime série « De Cape et de crocs » est l’auteur de cet album, superbe dans sa forme avec dos toilé, et au contenu réjouissant.

Il procède par une subtile et inventive mise en abyme : le baron de Münchhausen est confronté à sa légende qu’il ignorait jusque-là, à lui de rétablir les faits mais sans se renier, c’est-à-dire en exagérant, parfois, en se laissant emporter par son imagination, toujours.

Il est important pour lui de revenir sur les meilleurs instants de sa vie, car il sent le poids de l’âge se faire de plus en plus lourd. Il regarde mélancolique les taches de vieillesse sur ses mains avant de fuir l’ennui et de se lancer avec une verve renouvelée dans l’une de ses hyperboles loufoques qui ravissent à chaque fois son auditoire.

Tirer sur un cerf avec des noyaux de cerise.

Une histoire de chasse du baron de Münchhausen.

Ce scénario intelligent revisite avec élégance un des ouvrages les plus populaires de la littérature allemande sans jamais être redondants avec les adaptations précédentes. Auteur complet, Jean-Luc Masbou joue avec une certaine virtuosité sur toutes une gamme de styles graphiques. Ainsi chaque épisode raconté par le baron est transcrit dans un dessin différent :   gravures russes, représentations de marionnettes, avec effets semblables aux Indiennes, – ces tissus imprimés du XVIIIe siècle -, en teinte sépia, en belle bichromie, ou dans le style des livres pour enfants du XIXe siècle.

Attraper 12 canards d'un coup !

Vous serez enchanté par la lecture de ce bel et grand album au scénario fin, entrainant, joyeux et mélancolique à la fois mais aussi tendre et fantasque. Cette ode à l’imagination est magnifiée par un dessin expressif, précis et toujours inventif. De quoi prendre plaisir de l’incipit de Turf et Jean-Luc Loyer sur les différents types de fabulateurs au dossier en fin d’ouvrage avec des croquis préparatoires et l’ensemble du story-board.

Mon vieux Münchhausen...

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Le Baron » par Jean-Luc Masbou

Éditions Delcourt (23,95 €) – EAN : 978-2-4130-0529-2

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