Un conte franco-japonais mortel  !

Mr Tan truste les meilleures ventes de BD depuis quelques mois avec « Mortelle Adéle », il trouve quand même le temps de réaliser d’autres projets, toujours sous le même pseudonyme. « Jizo » est la collaboration de cet excellent scénariste français avec une illustratrice japonaise : Mato. Ce n’est donc ni un manga, ni une bande dessinée franco-belge, mais la fusion des deux : un domaine où l’on n’attendait pas forcément l’éditeur Glénat, pionnier du manga en France.

C’est un jour paisible. Le jeune Aki, assis sur un banc, est ignoré des enfants qui jouent au foot dans le pré face à lui. Il est perdu, c’est ce qu’il va avouer à Jizo, seule personne à lui parler. Le lecteur comprend vite qu’Aki n’est plus de ce monde, que sa perte de repère cache un traumatisme plus profond. Ensemble, les deux garçons vont chercher à retrouver le chemin de la maison d’Aki, mais la nuit tombant, ils vont devoir se réfugier dans un temple pour y dormir. Dehors, la menace se précise : une vieille femme enchaîne les âmes des enfants. Jizo a heureusement pour mission de protéger Aki.

« Jizo » est un conte classique qui emprunte à la fois aux folklores japonais et européen. Les endroits et les noms sont bien japonais, mais la construction narrative semble plus européenne. Ce mix fonctionne assez bien et la collaboration de Mr Tan, scénariste français, et de Mato, dessinatrice japonaise, semble évidente sur ce titre. Derrière une histoire de passage de la vie à la mort somme toute assez simple, il y a une écriture qui transcende ce moment sur près de 240 pages. Aki et Jizo sont des marionnettes pleines d’émotion sous la plume d’Antoine Dole. C’est aussi le talent d’illustratrice de Mato qui insuffle la vie à toutes les personnages dans ces pages en noir et blanc. Malgré leur invisibilité, ces deux garçons savent faire vibrer notre corde sensible.

Antoine Dole avait déjà scénarisé un manga – sans prendre de pseudonyme – toujours chez Glénat : la série « 4 Life » dessinée par Vinhnyu compte deux tomes. Ce n’est pas par hasard que ce Français s’est attaché à créer un compte folklorique japonais en empruntant la tradition des Jizo : ces statuettes que les familles vénèrent lorsque l’un de leurs enfants est décédé. Mr Tan, comme le prouve ce pseudonyme, aime l’Asie et sa culture. Il y a fait de nombreux voyages et c’est lors d’une rencontre organisée par les éditions Glénat qu’il a rencontré Mato. Même si Antoine ne parle pas japonais et Mato ne parle pas français, ils se sont retrouvés sur ce projet qu’ils ont monté ensemble. C’est notamment elle qui a suggéré de situer l’action dans la ville de Kamakura : une petite bourgade au sud de Tokyo qu’Antoine venait justement de visiter. Il souhaitait que son histoire reste dans un cadre traditionnel, loin des buildings sans charme de la capitale. Kamakura a un passé extrêmement religieux encore ancré en elle. Les temples côtoient les maisons traditionnelles : c’est une ville à taille humaine où il fait bon vivre, surtout pour un enfant.

Étrangement présenté dans la collection Seinen des éditions Glénat, « Jizo » se destine plus à des enfants, dès dix ans, voire des adolescents. Peut être que ce classement est simplement le fait d’une taille plus grande et d’une pagination plus conséquente que la plupart des mangas shōnen.

Loin d’être un récit sombre – il y est constamment question de lumière et d’étoiles qui brillent – « Jizo » est une longue balade dans la courte vie pleine de bonheur d’Aki. Ne cherchez pas la filiation avec « Mortelle Adéle », Antoine Dole, alias Mr Tan, nous prouve qu’il a encore de nombreuses cordes à son arc.

Gwenaël JACQUET

« Jizo » par Mato et Mr Tan
Éditions Glénat (10,75 €) – EAN 9782344036495

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