Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Ambiancer à Ouaga ?
Les auteurs de l’album « Ting Tang Sap Sap » expliquent en préalable qu’au Burkina Faso la pratique de « la parenté à plaisanterie », autant dire le jeu de moqueries que s’autorisent des ethnies différentes, est coutumier, voire ritualisé. Et quand Hippolyte s’amourache d’Adjaratou et lui déclare sa flamme, cette dernière lui rétorque qu’elle l’épousera s’il réunit un million de francs CFA en une semaine. Dans le pays de « débrouille vite vite » (ce que veut dire le titre), ce n’est quand même pas si simple…
C’est Hippolyte qui raconte, évoquant tour à tour sa vie avec ses amis aussi désargentés que lui, leurs ambitions d’artistes qui piétinent, la troupe de théâtre qui n’évolue pas depuis des années et les relations avec les filles. En découvrant Adjaratou, la jolie cousine d’un copain, Hippolyte doit aussi faire avec les traditions ethniques entre Samos et Mossis, « parents à plaisanterie ». La drague est de circonstance, mais Adjaratou a du répondant : un million de francs en une semaine et l’affaire est faite !
Le pari est évidemment impossible à tenir mais la force et la naïveté des audacieux sont telles qu’il faut essayer. Qui ne tente rien n’a rien. Et c’est à partir de là qu’on découvre la vie quotidienne au Burkina Faso, les petits commerces de rue, les petites débrouilles, les entraides, les rêveries des uns (et l’importance du PMU), les loisirs…
Mais Hippolyte a un talent qui peut le sauver : il sait raconter des histoires, il sait broder à n’en plus finir et tenir un public en haleine… Dès lors, en quelques jours, il tente le tout pour le tout et installe dans un « maquis », autant dire un terrain vague, une sorte de bar théâtral ou de piste en plein air pour danser le « coupé-décalé ». La débrouille (le fameux « ting tang »), le courage, les amis fidèles, transforment alors peu à peu l’entreprise hasardeuse en projet convaincant et rentable. De là , à espérer réunir la somme espérée, c’est une autre affaire !
Cette chronique heureuse et optimiste est l’occasion de partager la vie des jeunes burkinabés, leurs doutes et leurs désirs, pour « ambiancer » au maximum un quotidien souvent décourageant où de grands rêves côtoient les petits boulots, ce qu’explique la scénariste en fin d’album dans un dossier où les dessinateurs proposent de nombreux crayonnés qu’ils ont fait sur place pour documenter au mieux la vie à Ouagadougou et nourrir les dessins de mille détails pittoresques.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Ting Tang Sap Sap » par Louise-Marie Colon, Benjamin Vinck et Anaële Hermans
Éditions La Boite à bulles (22 €) – EAN : 9782849532867
Ce que ça fait du bien de lire des choses positives sur l’Afrique, à travers le 9ème art! Aya de Yopougon avait magnifiquement ouvert la voie!