« Major Burns » : ligne claire et humour noir !

Le Major Burns et son ami le docteur Wayne forment un duo improbable, pour le moins insolite. Ces deux-là n’ont pour point commun avec leurs célèbres modèles Holmes et Watson que la capitale britannique au temps de la reine Victoria. Pour le reste, on peut compter sur l’humour décapant de Devig pour méchamment ringardiser les créatures de Conan Doyle.

Londres, 1885. C’est dans une Angleterre en route pour l’industrialisation à outrance foulant du pied la misère du petit peuple que deux hommes décidés luttent contre la criminalité qui s’en donne à cœur joie. Le flegmatique Major Burns, toujours vêtu avec élégance, parcourt les quartiers chauds de la capitale en compagnie du rondouillard docteur Wayne : pince-sans-rire pas très futé et aux propos pour le moins outranciers. Employés par le commander Boyle de Scotland Yard, ils travaillent comme enquêteurs au sein d’un département chargé de résoudre les cas particuliers. Et de toute évidence, ils remplissent avec zèle leurs missions en utilisant des méthodes peu orthodoxes et très personnelles.Au fil des enquêtes qui leur sont confiées, ils affrontent les secrets du Kraken, les disciples d’Astaroth, des fantômes venus du passé qui hantent le Metropolitan Railway, un macchabée mort vivant, des extraterrestres venus de Mars, un cadavre sans tête, une momie égyptienne revenue à la vie…Tous les poncifs de la littérature fantastique criminelle sont joyeusement détournés, au fil de la douzaine de courtes histoires proposées dans cet album suintant d’un humour noir, très noir. Toutes ces horreurs sont exposées tout au long de pages au premier regard bien sages, réalisées dans une élégante ligne claire parfaitement maîtrisée, propice aux histoires édifiantes pour enfants. Erreur ! Le scénario est monstrueux, les protagonistes odieux, l’humour cruel, et cela même si les intrigues sont peuplées de jolies filles dont la beauté fragile dissimule d’horribles harpies : scénario, dessin et couleurs, en parfaite harmonie sous le crayon de Devig, permettant de voyager, frissons assurés, dans le Londres à la fin du XIXe siècle, alors la capitale la plus peuplée du monde.

Né en 1965 à Toulouse, Christophe de Viguerie, qui signe ses histoires du pseudonyme Devig, fait ses premiers pas comme dessinateur publicitaire. C’est après avoir rencontré Philippe Geluck qu’il aborde la bande dessinée en 2009, en réalisant pour Casterman les quatre albums des « Aventures de Scott Leblanc », dont les scénarios sont écrits par l’humoriste belge. Seul, il publie « Le Croiseur fantôme » chez le même éditeur, en 2011. Il entre au mensuel Fluide glacial  en 2017, alternant les aventures de Bertin Timber, journaliste délirant et gaffeur imaginé par le scénariste Jean Derycke (album publié par les éditions Fluide glacial en 2018) et celles du Major Burns, dont il est l’auteur complet.

Devig, malgré un trait innocent et élégant, aime traiter de sujets horribles, mettre en scènes des personnages effrayants, faire rire avec des histoires cruelles. Il est un maître incontesté de l’humour anglo-saxon, dont cet album est un remarquable témoignage.

La préface est signée par son découvreur Philippe Geluck, dont il faut saluer le bon goût d’avoir osé lancer dans l’arène BD celui qu’il qualifie de champion du mauvais esprit.

 Henri FILIPPINI

 « Les Étranges Enquêtes du Major Burns » par Devig

Éditions Fluide glacial (14,90 €) — EAN : 979 1 0382 0100 2

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