Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...1918 : un front oublié…
Il faut d’abord savoir qu’Ourmiah est une ville située dans l’Azerbaïdjan iranien (l’Iran, c’est encore la Perse, à l’époque). En 1918, Ourmiah est surtout située dans une région qui connait de multiples conflits : occupations et incursions russes, turques et kurdes… Bref, la situation y est pour le moins compliquée, mais Émile Sontag, prêtre lazariste français et premier archevêque latin d’Ispahan, choisit alors de faire face aux bouleversements que connaît la région…
C’est l’histoire de cet homme qu’ont choisi de raconter les auteurs. Son parcours est en effet remarquable. Non pas parce qu’en tant qu’homme d’Église, il est allé jusqu’au bout de ses convictions, mais parce qu’en tant qu’homme tout court, il a cherché à aider, à protéger, même ceux qui ne partageaient pas ses idées religieuses. Il accueille ainsi pour les mettre à l’abri des Musulmans car le droit d’asile est fondamental pour Sontag. Il a même créé une école accueillant des dizaines d’élèves de différentes confessions. Malgré ses efforts pour la paix, la tolérance, il sera fusillé loin de sa terre natale le 31 juillet 1918.
Les auteurs ont cherché à restituer au plus près la vie de cet homme et de sa communauté, s’appuyant sur les travaux et les conseils d’historiens pour y parvenir et éviter ainsi une hagiographie béate. En rencontrant ce personnage intéressant à plus d’un titre, on découvre ainsi le contexte de cette région de l’actuel Iran et du Hakkari. Comme ce ne sont pas des territoires qui nous sont familiers, autant dire que le dossier final avec carte, chronologie et portraits des protagonistes est plus qu’utile. À noter, en outre, que Mathias Gally apporte à ce récit dramatique une réalisation graphique toute en douceurs.
Profitons-en pour indiquer la deuxième parution de ce mois aux éditions Félès : « Éveil en pleine mer ». Traduit de l’italien, c’est à un récit finalement très intimiste, complètement différent de « Ourmiah Requiem ». L’album met en scène un plongeur, Paolo, qui pratique la pêche sous-marine en Méditerranée avec des amis. Sous l’eau, il ne voit pas le temps passer et, quand il remonte, il voit ses amis quitter le site à bord du bateau. Après plusieurs heures de recherches, ceux-ci le croyant mort ont finalement décidé de rentrer. Pour Paolo, c’est la mort assurée, mais il tente de rejoindre la plage à la nage, alors que la fatigue, puis l’épuisement, la faim, l’angoisse font craindre le pire.
Cette tentative de survie, dramatique et lente à la fois, est portée par un graphisme en noir et blanc très tranché, signé Valentina Principe, qui ajoute une évidente tension au récit. Les amateurs de plongée apprécieront ce combat titanesque entre l’homme et l’immensité maritime, un combat constant entre détresse et courage. Une leçon de vie, en quelque sorte, d’autant que ce récit est inspiré d’une histoire vraie.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Ourmiah Requiem » par Mathias Gally et Blanche Lancezeur
Éditions Félès (19 €) – EAN : 9782956781448
« Éveil en pleine mer » par Valentina Principe, Vittorio Principe et Paolo Piccirillo
Éditions Félès (21 €) – EAN : 9782956781462