Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...« Mandragore » par Mandragore : l’autrice rennaise Mandragore nous explique pourquoi elle a adapté le roman éponyme de H. H. Ewers publié en 1911…
Autrice, éditrice mais aussi musicienne, la Rennaise Mandragore à plus d’une corde à sa harpe. Son dernier ouvrage est l’adaptation d’un roman allemand de 1911 : « Alraune. Die Geschichte eines lebenden Wesens », ou « Mandragore ». Dans cet entretien, elle nous parle de son parcours dans le 9e art et in fine, nous explique, l’origine de son nom de plume qui est liée à sa fascination pour le récit de Hanns Heinz Ewers.
Le parcours artistique de Mandragore est d’une grande richesse. Figure tutélaire des éditions L’Œuf, cette grande voyageuse est aussi illustratrice, autrice de BD depuis 20 ans, mais encore musicienne chanteuse-harpiste. Mandragore travaille ainsi depuis 15 ans avec le conteur breton Xavier Lesèche. Elle l’accompagne en musique ou en dessins sur des contes de l’imaginaire celtique.
Elle a pris en peu de temps sur son emploi du temps bien rempli même pendant le confinement pour répondre à nos questions. Nous l’en remercions sincèrement et vous signalons tout de suite que vous pouvez commander son dernier ouvrage : « Mandragore » sur le site des éditions L’Œuf. Pendant le confinement, les frais de port sont offerts, tout comme une dédicace de l’autrice sur demande. Pour la commande c’est ici .
BDzoom.com : Bonjour Mandragore, pouvez-vous vous présenter, tout d’abord quelle a été votre formation ?
Mandragore : Comme beaucoup, je dessinais depuis petite, avec la particularité que je dessinais des histoires en séquentiel dès cinq-six ans, ce qui faisait beaucoup rire mes parents. On m’a dit que c’était de la BD.
Alors vers 11 ans, j’ai commencé à faire des stages de BD d’été à l’auberge de jeunesse de Lannion, et cela pendant des années. C’est cela qui a été déclencheur ainsi que la rencontre avec le dessinateur Lidwine.
À ce stage, j’ai rencontré non seulement des professionnels (Emmanuel Lepage, Michel Plessix…) mais aussi des jeunes passionnés avec qui j’ai commencé à faire des fanzines.
Les études officielles, ça n’est pas là que j’ai appris la BD, mais j’ai quand-même fait un bac Art plastique, puis une licence d’histoire de l’art, puis deux ans aux Beaux-arts, où le dessin était vu comme has been.
BDzoom.com : Vous avez des journées bien occupées aujourd’hui. Vous êtes ainsi non seulement autrice de bande dessinée mais aussi éditrice, musicienne… Pouvez-vous nous parler un peu de vos activités quotidiennes ?
Mandragore : Ouf ! À qui le dis-tu. C’est pour cela que je n’ai pas fait d’enfants. J’ai depuis assez jeune ressenti le besoin d’avoir une pratique musicale et un lien avec le milieu du spectacle. C’est vital pour moi, je ne pourrais pas faire que de la BD, car c’est un travail trop solitaire et le rapport au public est très distant. L’édition est venue par hasard mais aussi par désir d’indépendance et de solidarité entre auteurs. Pas simple de combiner le tout : immersions dans des projets BD, suivi de fabrication des bouquins des autres, répétition avec des musiciens… Mais j’ai toujours pensé que l’intelligence était dans la capacité à relier des choses différentes entre elles, cela permet de ne pas rester enfermé dans un milieu et donne du recul.
BDzoom.com : Cela fait déjà 20 ans que vous écrivez des bandes dessinées : des fictions, un livre-disque, des récits de voyage ou des participations à des ouvrages collectifs. Parlez-nous de votre carrière dans le neuvième art et de vos ouvrages les plus représentatifs de votre travail.
Mandragore : Je n’aime pas beaucoup le terme carrière, la carrière c’est pour les cailloux, je préfère le terme de chemin qui laisse plus de place à la notion de hasard. J’ai essayé d’être au plus près de mes désirs profonds pour chacune de mes créations, que ce soit disque ou livre.
J’ai commencé par le cycle « La Rue sans nom » qui faisait hommage à la littérature française de la belle époque et son écrin : le vieux Paris que je venais de quitter (entre 2001 et 2006). Puis j’ai commencé à voyager et comme je ne peux jamais m’empêcher de travailler, j’ai développé les récits de voyage qui me permettaient d’allier voyage et travail. D’abord « Nazdravi ! » en Slovaquie (2000), puis « Hellenik Blues » en Grèce (2009).
Mais il manquait la musique, alors en toute logique, j’ai monté un projet de voyage-collectage sur la route de la soie, en camionnette avec ma harpe (et mon compagnon). Cela a donné le livre « Ipak yoli, route de soi(e) », ouvrage que j’ai mis presque six ans à achever car il fait 350 pages et que j’ai placé beaucoup de choses très personnelles dedans (2016).
Avant cela, j’avais travaillé avec Laetitia Rouxel sur l’ouvrage à deux mains « L’Homme semence », d’après le livre de Violette Ailhaud. Quant aux collectifs, ils ont été très formateurs et m’ont permis d’aborder la BD sous des angles très différents (reportage, essai, biographie, BD expérimentale…) et de tester des styles variés. J’ai dirigé un collectif sur Satie en 2006, un autre sur l’île de Bréhat en 2007, un sur la poésie dessinée (Rhapsode) en 2012, et un autre sur la question féminine : « (e), genre et question féminine » en 2016. J’ai participé aussi à un collectif sur Frank Zappa.
Il est bon de noter que j’ai eu quelques expériences dans la presse alternative, en BD et dessin de presse, cela a aussi compté pour moi ainsi que les spectacles avec du dessin en direct qui m’a aidé à libérer mon dessin.
BDzoom.com : Votre dernière BD s’intitule « Mandragore », comme votre nom de plume. Expliquez-nous cette coïncidence troublante ?
Mandragore : Pas de coïncidence ici mais un hommage. Quand j’avais 16-17 ans, je me cherchais un pseudo sérieux car mon désir de professionnalisation devenait plus clair. Une amie à qui je dois beaucoup avec qui nous partagions nos émotions littéraires m’a fait découvrir « Mandragore », « Alraune » en allemand, de Hanns Heinz Ewers.
J’ai pris le pseudo après cette lecture. Ce n’est que récemment que j’ai décidé de l’adapter, étonnée de constater que personne ne l’avait fait alors qu’il fût adapté cinq fois au cinéma en Allemagne : deux fois en 1918, puis en 1919, 1928, 1930 et 1953.
Plus largement, c’est un hommage à mon adolescence et à tout un univers romantico-ésoterique pour lequel je garde une grande tendresse.
BDzoom.com : Qu’est-ce qui vous plait tant dans l’œuvre de Hanns Heinz Ewers ? Pouvez-vous précisez à nos lecteurs qui était cet écrivain et l’importance de son œuvre ?
Mandragore : Ewers est un personnage ambigu, très décadent, avide de scandale. Ses œuvres cultivent les ambiances sulfureuses. Paradoxalement, Ewers a eu beaucoup de succès à l’époque de la sortie de Mandragore (1911). Il était tant apprécié qu’un peu plus tard, les S.A. lui ont proposé un poste à la propagande, notamment en lui demandant d’écrire la biographie de l’un de leurs héros : Horst Wessel. Ewers a accepté, mais la biographie qui en a résulté était tellement scandaleuse qu’il a été censuré et que son œuvre a été interdite.
La plupart de ses livres sont des fictions qui allient fantastique, ésotérisme et épouvante. Je ne dirais pas que c’est un grand écrivain mais il a le don des ambiances, et cela s’adapte parfaitement à la BD. Ce qui m’intéresse dans ce roman en particulier, c’est la question : quelle est la nature du mal ? Je suis quelqu’un qui déteste le manichéisme et la question de l’entrelacement bien/mal m’intéresse. Mandragore est un être du mal car née contre nature. Mais au fond, c’est toute la société malade qui l’entoure qui génère ce mal. Lorsqu’elle prend conscience de sa nature et cherche à s’en défaire, elle va à sa perte. Elle est en même temps le mal et la victime.
BDzoom.com : Résumez-nous l’intrigue de « Alraune », le roman que vous adaptez ici ?
Mandragore : Dans la vieille Allemagne décadente du début du 20ème siècle, au sein d’une classe bourgeoise aux pensées malsaines, le professeur Jacob Ten Brinken, encouragé par son neveu Frank Braun, travaille sur une expérience de procréation artificielle : créer une mandragore humaine, c’est à dire, recréer les conditions de la naissance d’une mandragore, la plante anthropomorphe magique qui naît de la dernière éjaculation du pendu qui tombe dans la terre, qui soit aussi un être humain.
Il insémine une prostituée qu’il considère symbole de la terre avec le sperme d’un condamné à mort. Naît alors une petite fille étrange qui mène tous les hommes qu’elle croise à leur perte, jusqu’à ce qu’apparaisse Frank Braun, dont elle va tomber amoureuse. Alors que Frank lui explique le secret de sa naissance, elle prend conscience de sa nature et tente de lutter contre elle…
BDzoom.com : Quels sont vos partis pris graphiques pour cette adaptation ? On passe ainsi sans rupture narrative du noir et blanc à la couleur, au lavis ou à la bichromie.
Mandragore : J’ai voulu travailler la couleur de manière personnelle en créant des ambiances fortes et tranchées. Je voulais surtout ne pas tomber dans une mise en couleur classique.
Je n’aime pas quand il y a surenchère de couleur dans la BD, car souvent, sauf exception, lorsque c’est la couleur qui fait dessin, cela alourdit, voire tue le trait.
Presque toutes les scènes sont en bichromie à l’exception des scènes de bal qui nécessitent plus de couleur. Toutes les couleurs sont réalisées numériquement (si si !) mais la technique élaborée ici permet qu’on ne soupçonne pas trop le numérique.
L’imprimeur a bien travaillé, grâce lui en soit rendue. On oublie l’importance de cet artisan indispensable.
BDzoom.com : Quels sont vos projets aujourd’hui ? De nouvelles BD en préparation ou allez-vous vous recentrer sur la musique ou l’édition ?
Mandragore : Si cette année sera sans doute plus musicale, je vais garder mes différentes pratiques tant que possible car je les aime.
Je défends cet éclectisme dans ce monde pétri de compétition. J’ai plusieurs projets BD, une fiction que j’ai écrite et un projet sur la communication animale en partenariat avec une amie, mais il faut que l’idée germe.
Et comme dit l’ami Lidwine, « Entre deux livres il faut que les arbres aient le temps de repousser… »
Nous tenons à remercier encore Mandragore pour sa grande disponibilité et la richesse de ses réponses. Pour en apprendre davantage sur l’autrice et son œuvre nous vous renvoyons au site des éditions L’Œuf , à celui de Mandragore consacré à son travail d’autrice, et à celui qui s’attache à son parcours de musicienne.
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Laurent LESSOUS (l@bd)
« Mandragore » par Mandragore
Éditions L’Œuf (20,00 €) – ISBN : 978-2913308-602
Bonjour
Que voilà un graphisme agréable qui nous change du dessin standard que l’on trouve partout.
Un grand bravo pour cette dessinatrice.
Une chose amusante : je remarque, dans les planches présentées, que beaucoup de personnages ne semblent « pas d’aplomb », ils ne sont pas « verticaux »? Est-ce une caractéristique nécessaire au déroulement de l’histoire, je vois que l’on boit beaucoup dans le récit, ou c’est une particularité propre à la dessinatrice ? N’y voyez aucune méchanceté, ce n’est qu’une remarque personnelle !
Merci. C’est sans doute parceque je n’aime pas les lignes droites en général et que je recherche plutôt le mouvement pour éviter que les choses paraissent figées. Mais je vous assure, je ne bois jamais (ou peu) pendant le service