« China Li » : bien plus que les tribulations d’une Chinoise en Nouvelle Chine…

En fin de tome 1, China Li, adoptée et intelligemment éduquée par l’eunuque raffiné et exigent Zhang, riche chef mafieux, partait pour la France, en raison des violences dans la concession internationale de Shanghai. Entre études et découverte des plaisirs et de l’amour, elle se sent exister davantage, aspire à être photographe, y compris en journalisme. Avec la guerre entre le Japon et la Chine, l’émergence martiale de Mao aux prises avec Tchang-Kaï-chek, comment pourra-t-elle agir, de si loin ? Et quels périls l’attendent ?

Dans l’insouciance du début des années 1930 à Paris, les débuts sont prometteurs pour la gracieuse et scrupuleuse jeune femme : hébergement chez une amie, études sérieuses, ambitions photographiques, jusqu’à l’amour avec un jeune peintre fauché, dont elle tombe enceinte. Les bruits de bottes japonaises de l’invasion de la Mandchourie arrivent par les journaux, et elle prend peur pour Zhang et ses proches. Lui-même, déjà très occupé à prendre le meilleur parti de cette guerre, fait face à des problèmes cruciaux plus personnels qui l’opposent aux sbires français des autorités de la concession (et surtout à Face de rat, méchant idéal). Elle écrit à Zhang, mais reçoit longtemps après une réponse négative de celui-ci, inquiet pour elle, si elle y retourne. Elle y réussit pourtant et malgré ces troubles, cherche à rencontrer le général Mao en personne pour un reportage. Jusqu’à ce but, on devine que le chemin sera semé d’embûches. Malgré le titre, c’est bien elle la véritable héroïne de l’album… À moins que ce soit la Chine émergente.Après un long et somptueux cycle indien (dix tomes chez le même éditeur), le couple Charles continue à nous émerveiller avec une nouvelle série d’albums raffinés et rouges comme la laque… Le premier opus parvenait à éviter les clichés et nous faire entrer dans le monde méconnu — et lointain dans le temps et l’espace — de la concession de Shanghai et de la Chine de l’avant-guerre. C’est aussi vrai de ce deuxième tome, à l’environnement renouvelé, celui plus familier, mais pittoresque, et disparu du vieux Paris, ou celui de la campagne chinoise profonde, à la poésie visuelle envoûtante. Excellent peintre, œuvrant en couleurs directes, Jean-François Charles y est brillant, sachant rendre autant les rues que les paysages montagneux du Hunan ou les visages impassibles des dignitaires, malgré une petite baisse de régime très passagère vers le milieu d’album. Mais l’essentiel est de savoir faire exister les personnages et des situations crédibles qui prendront le lecteur, par un scénario et un dessin construits et pertinents. Et, ici, tout cela est présent. Maryse Charles y est pour beaucoup, par son scénario délicatement savant et profondément humain, au plus près des motivations foncières des personnages. On apprend beaucoup sur les mentalités, mœurs, traditions, dans ce pan d’histoire chinoise, aisément, avec plaisir. Naviguant entre cruauté et ravissement, on est donc prêt à suivre avec bonheur, sans mièvrerie, une Li si fine et attachante, et tout ce peuple.

Plus qu’honorable, monsieur Charles (et madame) : magnifique, indispensable.

 Patrick BOUSTER

 « China Li T2 : L’Honorable Monsieur Zhang » par Jean-François Charles et Maryse Charles

Éditions Casterman (14,50 €) – ISBN : 978-2203-17228-9

14,50 € – ISBN : 9 782 203 172 289

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