Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...Juillard et Christin réunis pour un huis clos géopolitique au grand air du nord, où la neige n’étouffe pas tous les secrets…
Cette fois-ci dans un pays froid pour une conférence diplomatique à haut risque, les auteurs font revenir la mystérieuse et attachante Léna, bien après les deux premiers tomes. Inimitiés ancestrales, arrière-pensées, petites postures et grands faux-semblants sont au menu de ce lieu abritant une situation plus intimiste que dans les histoires précédentes.
En prime, un entretien avec André Juillard qui a accepté d’en dire plus sur la préparation et les ressorts de l’album.
Dans le décor feutré et neigeux, jamais localisé, d’un hôtel isolé et bien gardé se réunit une dizaine de délégués de puissances mondiales et régionales, sur le devenir d’une zone problématique, pudiquement dénommée « le territoire ». Portant, en gros, sur un ensemble Syrie-Liban-Israël-Jordanie-Palestine et un peu au-delà, la conférence connaît son 46e jour en début d’album. Elle s’épuise à trouver un compromis sous la houlette de Sir Charles (Laughton ?) et du pauvre secrétaire général des Nations-Unies. Léna organise matériellement les choses pour une société d’évènementiel, comme une gouvernante d’hôtel le ferait, ménageant chacun et veillant à (sur) tous. Les délégués, madrés, méprisants ou trop francs selon les moments, gardent leur part de mystère, parfois éclairci… Tout comme Léna qui masque ses compétences sportives et guerrières. On s’aventure de temps en temps dans ce paysage proche, qui est si naturel, revigorant et innocent contrairement à tous les participants. Et heureusement, une interruption permet aux représentants de revenir dans leurs pays respectifs. Tout recommence ensuite pour de longs jours, entre souci d’avancer et vexations plus ou moins feintes. Léna, comme le lecteur, va entrapercevoir quelques secrets, et quelques drames.La quasi-unité de lieu et le propos qui n’engage pas à l’action font de cet album un objet particulier au charme mystérieux. On connaît assez Christin pour savoir que ce sera intelligent, avec ses habitudes et sa façon indirecte de dire des vérités, entre journalisme et politique. Ainsi sont discrètement moquées les manières politiques et diplomatiques de ne pas nommer les choses ou les problèmes, où la modération tombe dans le lénifiant, ou plus rarement le confit verse dans l’extrême. Il pointe là où cela fait mal : des erreurs initiales, en dessinant des frontières artificielles ou selon des intérêts non locaux, aboutissent à des problèmes insolubles. Habileté ou second degré, la situation réelle et les problématiques du « brasier » et du « territoire » ne sont pas explicitées ou représentées ; l’enjeu tend à être plus universel. Concernant le dessin, Juillard a fait plus intimiste encore dans le passé, donc on ne peut pas parler d’immobilité, mais de mise forme d’une pièce de théâtre.
Avec un trait toujours aussi gracieux, avec une mise en couleur un peu renouvelée, surtout dans quelques cases plus hardies que d’autres, le dessin nous comble.
Par bonheur, des respirations à l’extérieur, des animaux, des voitures anciennes, dont la Plymouth, nous rappellent son savoir-faire et ses préférences. Il nous en dit plus, y compris sur le futur, dans l’entretien qui suit.
À noter que l’éditeur propose aussi une édition à l’italienne, en format strips (comme les « Blake et Mortimer » du dessinateur), et réédite à cette occasion les deux premiers tomes, avec une nouvelle couverture pour le 2e.
« Léna dans le brasier » par André Juillard et Pierre Christin
Éditions Dargaud (15 €) — ISBN : 9 782 205 084 740
(19,99 €) — ISBN : 9 782 205 085 181 pour l’édition strips au format à l’italienne
Entretien avec André Juillard
(les 5 et 16 janvier 2020)
BDzoom.com : Ce tome 3 vient longtemps après le tome 2 (10 ans, pour une anti-héroïne apparue en 2006). Pourquoi ce délai, alors que le tome 3 était annoncé dès 2011 ?
André Juillard : En fait, nous avons assez vaguement évoqué un troisième épisode, mais pour Pierre Christin comme pour moi, d’autres projets sont venus entretemps.
BDzoom.com : Donc, ces sorties espacées des albums Léna et vos multiples projets respectifs font que ce n’est pas une série, et qu’il n’est pas sûr de connaître une suite ?
André Juillard : Il n’y a pas de suite prévue. En tout cas, la fin de ce troisième tome ressemble bien à une fin définitive. Pierre m’a clairement dit que ce serait son dernier album. Quant à moi, je ne ressens aucune motivation à poursuivre l’aventure sans lui.
BDzoom.com : Vous aviez déclaré être très attaché à Léna, en espérant que Christin se remette à l’ouvrage. Pour quelle raison, et que pouvez-vous explorer avec elle autrement qu’avec Louise (dans « Le Cahier bleu ») ?
André Juillard : Léna est un personnage créé « sur mesure » pour moi, par Pierre Christin qui me connaît bien. C’est un personnage qui se réalise dans l’action pour oublier sa tragédie personnelle dans des aventures de type espionnage. Louise est très loin de tout ça.
BDzoom.com : Léna n’étant pas une série, mais une suite d’albums, on imagine qu’il faut trouver à chaque fois un angle différent, une motivation, une atmosphère, une façon de raconter propre à chaque album. Quel était cette façon ou le propos pour celui-ci ?
André Juillard : C’est une sorte de huis clos, beaucoup trop clos à mon goût, raison pour laquelle j’ai demandé à Pierre la possibilité de s’oxygéner un peu. Il m’a accordé un peu d’équitation, de ski, une promenade dans une belle voiture et une scène de chasse en prime. Pour le reste, il s’agit de géopolitique, thème qui intéresse particulièrement Pierre Christin.
BDzoom.com : La mise en couleurs est traitée de façon assez nouvelle, avec plus de ruptures, avec parfois de la détrempe à l’aquarelle, et d’autre part les couleurs plus soutenues, moins pastel. Avez-vous abordé cet album avec des idées graphiques un peu différentes ?
André Juillard : Non. J’ai peut-être accentué mes couleurs pour compenser les scènes d’intérieur répétitives.
BDzoom.com : Qu’est-ce qui vous plaît ou vous attire dans le personnage de Léna, qui serait absent chez les autres ? Le lecteur a l’impression que tout est un peu plus méditatif (pourtant il se passe des choses), comme suspendu, intemporel… Et de vos héroïnes, c’est la plus mélancolique, la plus insaisissable aussi…
André Juillard : C’est une femme encore jeune qui est habitée par un drame personnel évoqué dans le premier album. J’aime assez les personnages compliqués, qui essaient de faire bonne figure, courageux, mais pas infaillibles. On sent qu’elle a fait du sport, de la natation en particulier, activité récurrente et symbolique. Une façon de se laver l’esprit de toutes les turpitudes du monde dans lequel elle doit pourtant vivre. Sa vie sentimentale est plutôt calme, elle n’aspire qu’à vivre comme tout le monde, avoir un compagnon cool et faire un enfant.BDzoom.com : Christin vous a gâté, avec la diversité de paysages (même si ici, c’est principalement la montagne), les bâtiments, les voitures anciennes, la faune, etc. Quelle gourmandise pour le lecteur ! En préparant l’album, vous lui faites quelques demandes ou est-il totalement libre ?
André Juillard : Pour les deux premiers albums, je n’ai rien demandé. Pierre m’a gâté avec une histoire et une variété de paysages très excitants à dessiner. Quand nous avons évoqué ce troisième opus, j’ai émis le désir d’une histoire très mouvementée, de l’action, pas trop de scènes d’intérieur, du grand air, etc. J’ai été un peu surpris par le scénario du « Brasier », car il n’y avait pas grand-chose correspondant à mes desiderata. Mais l’histoire me plaisait, alors…
BDzoom.com : Dans le futur plus ou moins proche, allez-vous être moins pris par « Blake et Mortimer » et travailler sur des projets plus personnels, ou reprendre ponctuellement « Les 7 vies de l’épervier » troisième époque, à la suite de « Quinze ans après » ?
André Juillard : Actuellement, je travaille à un épisode des « 7 Vies de l’épervier » que j’avais commencé il y a 3 ans et dû abandonner à la 13e page faute de scénario. Ensuite, un épisode de « Blake & Mortimer » m’attend : ce sera le dernier pour moi. J’ai d’autres projets, mais à mon âge, je ne fais pas trop de plans sur la comète !
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Bonjour !
J’ai laissé passé le premier message de Patydoc, et je n’aurais pas dû. Donc, merci à vous tous d’en rester là…
Je rappelle l’un des principes qui régissent ce site (voir C’est quoi BDzoom.com, en fin de compte ?) et que je m’efforce de faire respecter, depuis mon retour au poste de rédacteur en chef de BDzoom.com : « Enfin, Bdzoom.com a également son propre forum, et nous vous invitons chaleureusement à vous y exprimer ! Mais attention, sur ce site, on ne parle que de bande dessinée et on reste respectueux envers les autres, notamment envers tous les acteurs de cet étonnant milieu qu’est le 9e art ! »
Par ailleurs, je redis ce que j’ai exprimé précédemment lors d’une réaction intempestive sur le sujet « Blueberry » par Blain et Sfar : « Tout le monde a le droit de donner son opinion sur ce site et je vous remercie de donner votre avis, mais merci de rester « zen » et de ne pas insulter les auteurs, quoiqu’on pense de leur travail. Il y a d’autres lieux pour ça sur Internet ! Avis, d’ailleurs, à la population habituée du forum de BDzoom.com : je ne laisserais plus passer certains excès ! »
J’espère avoir été clair !
Bien cordialement et respectueusement…
Gilles Ratier
Est-ce que je peux quand même écrire que je trouve les personnages de Juillard encore plus raides et figés que d’habitude ?
Tant que l’on reste respectueux, correct et qu’on insulte pas les auteurs, il n’y a aucun problème !
C’est une politique éditoriale assumée pour un site dont, en tant que rédacteur en chef et directeur de la rédaction, nous sommes responsables !
Bien cordialement
Gilles Ratier
Délicat, pas facile, de poser la limite, de se situer entre débat sain, vif et tournure plus méchante …
D’autant qu’on peut être vachard ou acerbe en respectant et en appréciant le critiqué…
Par principe, je suis pour la liberté, si fragile et parfois menacée, tant que le débat et les opinions ne franchissent pas le seuil de la violence gratuite et de l’insulte comme humiliation ou diffamation, et bien sûr de l’illégalité. C’est pourquoi, invité à approuver ou refuser un commentaire, comme auteur de la chronique de l’album évoqué, je me me refuse à mettre en indésirable un commentaire respectant les critères : à quel titre le ferais-je ?
Mais soyez sûrs que je n’hésiterai pas à le faire en cas de propos incitant à la haine ou à la violence, révisionnistes, pédo-criminels, racistes, anti égalité femmes-hommes, etc.
Pour le reste, nos débats semblent plutôt gentils, entre connaisseurs, n’est-ce pas ? Restons bienveillants.
Ou alors usons de la litote, de la circonvolution, de l’allusion, en tentant d’accrocher l’intelligence du lecteur, qui saura détecter et amplifier, largement, dans son esprit, nos propos timides et délicats … Pourquoi pas ? Ce serait très … littéraire et subtil.
Attention Patrick, ce site n’est pas un blog de chroniqueur : c’est un magazine qui a une ligne éditoriale bien définie. Donc, ce n’est pas à toi d’approuver ou de refuser un commentaire (même si le logiciel te le propose, puisque c’est toi qui a écrit l’article), mais bien aux responsables du site : c’est à dire le directeur de publication (Laurent Turpin) et le rédacteur en chef (moi, pour le moment).
Bon, après, on ne va pas discourir éternellement sur ce sujet !
On reste courtois, poli et on n’insulte pas les auteurs : un point, c’est tout !
Bien cordialement
Gilles Ratier
Hum, je n’ai vu aucune insulte dans les commentaires qui précèdent. Y en a-il qui ont déjà été supprimés?
Oui ! Je n’ai laissé que les commentaires qui correspondent à ce que je viens de repréciser : sur le forum de BDzoom.com, on reste courtois, poli et on n’insulte pas les auteurs.
Bien cordialement
Gilles Ratier
Lu cette semaine, il n’y a pas de quoi polémiquer! Scénario peu palpitant de Christin: Lena assiste à une réunion de diplomates, mais c’est moins documenté et passionnant que Quai d’Orsay, de Blain. Le trait de Juillard, bridé par l’inaction et le décor contemporain semble bridé. C’est bizarre comme il est inspiré dés qu’il parle du passé (Les Sept vies de l’Epervier, par exemple, mais aussi Arno).