Sélection comics de Noël 2019

Comme l‘année dernière déjà, fêtons cette fin d’année avec une sélection de titres parus soit très récemment, soit moins, mais qui méritent largement votre attention. Aujourd’hui : un beau livre, du patrimoine et des albums pas comme les autres, écrits et dessinés par la crème des auteurs du médium qui nous est cher. Attention : ça va faire mal aux yeux !

 « Royal City » T3 par Jeff Lemire

Fin d’histoire pour la famille Pike, qui, n’ayant pas tout à fait réalisé son deuil de Tommy, va pouvoir tourner la page avec une nouvelle inattendue.
Jeff Lemire, on l’a déjà vu, est un auteur touche à tout, qui s’est imposé sur des récits de science-fiction (« Descender », « Bloodshot Reborn », « Black Hammer » …) mais qui s’autorise assez régulièrement des chemins de traverse dans des univers alternatifs et plus intimistes. C’est d’ailleurs par ce genre qu’il a été révélé, avec « Lost Dog », « Essex County » puis « Sweet Tooth ».

« Royal City » nous a fait partager les doutes et les remords de la famille Pike, visitée depuis le début de l’histoire par des fantômes bienveillants de Tommy. Chacun a quelque chose à se reprocher ou à régler, en lien avec la période de sa mort. Richie ne fait rien de constructif et il plane sur lui le meurtre de son frère ; Patrick, le plus âgé, a utilisé le carnet de son frère défunt pour débuter sa brillante carrière d’auteur ;Tara, quant à elle, doit assumer les dérives de loser de Richie. Leurs parents partants à la dérive, lui ayant passé la majeure partie de sa vie enfermé dans son garage avec sa collection de radios, elle allant voir ailleurs… jusqu’à ce qu’un accident les rassemble, au moment où une nouvelle inattendue tombe, apportant un nouveau liant à la famille, lui permettant de définitivement réaliser son deuil.

Jeff Lemire n’en a certainement pas fini avec les souvenirs familiaux et l’adolescence, thèmes que l’on sent tout de même très inspirants pour lui, et à peine a t-on terminé une série, que l’on en accueille une nouvelle. Actuellement aux Etats-Unis, et depuis août : « Berserker Unbound » avec Mike Deodato chez Dark Horse, propose un récit de Sword and Fantasy, cependant, d’autres participations à des couvertures ou des illustrations de projets proches de ses affinités intimistes sont aussi en cours. « Royal City » restera en tous cas comme l’une de ses plus belles réussites, de laquelle émane un parfum doux amer et chaud, où le temps est laissé au temps. Le petit one shot « Plutona » en avait déjà donné un avant goût un peu similaire, le très étrange « AD After Death », écrit par Scott Snyder, en avait effleuré quelques thématiques et « Winter Road », plus dur et sec, pourra aussi se ranger à ses côté. Une narration « flottante », pour reprendre le sous-titre de ce chapitre, qui ne conviendra en tous les cas pas à tout le monde, mais certainement aux amateurs de plénitude et de relations humaines. Royal !

« Le Démon » par Jack Kirby

Après des années de passage forcé dans les oubliettes du temps, coincé dans la mémoire des lecteurs d’antan et de leurs collection de pockets Artima, « The Demon », publié en 1972 aux États-Unis, et dès 1975 dans le petit format Le Manoir des fantômes (numéros 1 et 2), pour obtenir ensuite son titre avec Demon, chez le même éditeur (#1 à 7) a marqué les esprits. Voilà enfin réédité, sous forme intégrale cartonnée et avec bonus, ce classique Kirbyesque d’horreur. Horreur seulement ? Non, car la série « Le Démon » porte en elle bien plus qu’un simple pis aller vers le cauchemardesque.

Lorsque Carmine Infantino, éditeur chez DC Comics sollicite Jack Kirby fin 1971 pour de nouvelles orientations, ce dernier ne pense pas qu’il va devoir abandonner ses séries du « Quatrième monde ». Il pensait pouvoir répondre à la demande d’une série horrifique, dans l’air du temps, en laissant le dessin et le scénario d’une bonne idée à des collaborateurs. L’idée de « The Demon » est révélée à ses proches assistants d’alors, Mark Evanier et Steve Sherman, peu de temps après celle de « Kamandi », un soir de repas familial. Celle-ci est tellement appréciée par la direction, que le créateur se coltinera non seulement l’intégralité des seize épisodes, mais devra abandonner les projets liés au « Quatrième monde». Une déception qu’il transformera en volonté afin d’offrir ce que Mark Evanier, biographe de l’artiste, signant la préface, considère comme l’un de ses meilleurs récits.

« Le Démon » raconte comment le mage Merlin, aux temps anciens, acculé par les armées maléfiques de la fée Morgane, s’enfuit dans les limbes, et donne mission à son démon serviteur : Etrigan, afin de le ramener à la vie lorsque le monde en aura besoin. Ce démon à subit cependant un sort, et s’est transformé en humain, sous l’identité de Jason Blood, oubliant toute cette genèse, et traversant les siècles jusqu’à notre époque. Là, démonologue, il reste en lien avec tout ce qui est occulte, mais va vite se retrouver pourchassé par les mêmes forces qui l’ont fait fuir. Cependant, une formule magique va lui permettre de se transformer à volonté en Etrigan, le démon vengeur…

C’est un vrai plaisir de (re) trouver le Démon, créature partagée entre son humanité et sa condition de démon quasi indestructible, tant il était improbable de pouvoir lire en français la série complète, hors bouquinistes et achats de petits formats devenus rares. Jack Kirby reste un dessinateur que l’on aime ou pas, avec les qualités de ses défauts : hyper dynamisme, mais personnages atrophiés, aux faciès carrés exagérément expressifs, ou bien encore omniprésence du métal (costumes, accessoires…). D’un autre côté : un scénario riche, faisant appel à une part d’humanité éloquente. En cela, Jason Blood, et ses amis Harry Matthews et Randu permettent de nous projeter à la place de ce personnage dont le sort est jeté, en insistant constamment sur sa dualité, rendant le récit accrocheur et passionnant. Jérôme Wicky, traducteur, nous offre une riche analyse en fin de recueil, et 17 pages bonus proposent de se régaler de crayonnés du « maître des comics ». Certaines pages, inédites (comme la 19) ont même été rajoutées dans cette intégrale. Une aubaine pour tout amateur d’horreur, de comics vintage et de Jack Kirby.

« Barrier » par Marcos Martin et Brian K Vaughan

 Après « Private Eye », chroniqué ici, qui était déjà un projet alternatif de haute qualité, réalisé avec Marcos Martin, sur un site où chacun offre ce qu’il souhaite pour l’existence du projet, le duo d’auteurs « pas comme les autres » récidive, avec un nouveau format à l’italienne, encore plus délirant et toujours aussi intéressant. Mais comment font-ils ???

Prenant le décor du Texas, où Liddy, jeune propriétaire terrienne, doit affronter les exactions de bandits de cartels, l’intimidant, Brian K Vaughan introduit la thématique du flux migratoire, d’abord en provenance du Mexique, puis du Honduras, dont Oscar, deuxième protagoniste du récit, provient. Tous deux ont leur vie, et un passé difficile, que l’on découvrira plus tard, et tous deux parlent un langage différent (qui n’est pas traduit, choix délibéré des auteurs, il faudra donc faire un effort avec l’espagnol, chers lecteurs). Ils vont pourtant se retrouver ensemble, pris dans un maelstrom extraordinaire (et le mot est faible), obligés de communiquer, et de s’entre aider, car ce qui semblait les séparer sera peut-être à l’origine de leur survie. Une fois encore, les deux artistes ont visé juste en proposant aux lecteurs un récit adulte, sensible, superbement écrit et agréable à lire, dont le sérieux du propos et ses ramifications culturelles sont à la hauteur du magnifique dessin et des couleurs somptueuses de Mintsa Vicente, la compagne de Martin. La Barrière n’est pas celle que l’on croit, et ce récit réaliste n’en est pas un, bien pris ! Chapeau, ou Steston, devrais-je dire !

On est clairement sur le haut du panier ici et Brian K Vaughan confirme son statut de maître de l’anticipation, soit dit en passant.

« Green Lantern Terre-Un » par Gabriel Hardman et Corinna Bechko

Earth One est une ligne de romans graphiques lancée par DC comics en 2009, en dehors de la continuité des séries classiques (on pourrait presque la comparer à nos Vu par en France). Après « Superman Terre-Un », « Batman Terre-Un », « Teen Titans Terre-Un » et « Wonder Woman Terre-Un », c’est au tour du plus fameux des lanternes vertes de bénéficier d’une mini série de ce type. Dans cette histoire qui ravira à la fois les amateurs de Green Lantern débutants et ceux connaissant la série, Hal Jordan est un astronaute terrien minier travaillant pour la société Ferris Galactic. Alors qu’il explore une ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter, à la recherche de Palladium, il tombe sur un ancien vaisseau abritant le cadavre d’un extraterrestre et d’une source d’énergie verte étonnante…

On l’a compris, le couple formé par Corinne Bechko et Gabriel Hardman, dont on a déjà loué les talents à l’occasion de la chronique de leur titre indépendant « Invisible Republic » s’est mis au travail et nous offre un premier tome succulent en revisitant les origines du plus fameux membre du corps des Green Lantern. Associant le sérieux d’un scénario adulte et réaliste au possible, au dessin fin et sombre de l’artiste, sous les couleurs subtiles de Jordan Boyd, cette création conforte toutes nos espérances et s’impose comme une superbe porte d’entrée dans cet univers et l’une des plus belles surprises comics de 2019. Si l’édition VO a paru en mars 2018, on attend avec impatience la conclusion, dores et déjà prévue sur deux autres tomes chez Urban comics. Hâte

 « Hip Hop Family Tree » T4 par Ed Piskor

Déjà le quatrième tome de ce qu’il convient d’appeler l’anthologie définitive du rap en BD, « HHFT » aborde les années 1984-85 et nous dévoile l’évolution de ce mouvement parti de New-York et qui va rayonner, de Philadelphie en passant par Los Angeles et la Floride.

Fidèle à son habitude, l’auteur, fin connaisseur, détaille les parcours des principaux protagonistes, et parsème son récit saccadé d’anecdotes truculentes. On fait la connaissance d’Egyptian Lover, de Schooly D et sa coupe carrée ravageuse, Mr Magic, et on passe par Los Angeles, dont le rôle précurseur de la radio rap K-Day va recentrer le mouvement sur l’ouest du pays, tout comme les parties de la Uncle Jamm’s Army. Là, Dr Dre et DJ Yella feront leur apparition, soutenus par le World Class Wreckin’ Cru. Plein d’autres événements sont à lire comme l’avènement des Beastie Boys, les écrits de Steven Hager, le film « Beat Street », puis « Beat This », mais aussi les débuts de DJ Jazzy Jeff aux côtés de Fresh Prince, à Philadelphie. Les thèmes sociaux ne sont pas oubliés bien sûr, avec un long passage sur l’apparition du crack (la drogue) et la répression policière grâce aux véhicules blindés V-100, qui, une fois fini leur mission de destruction de maison de dealers, finiront sur le son du disque dénonciateur « Batterram ». Salt N Pepa est vendu comme le premier groupe de rap féminin officiel, tandis que les Beasties assurent la première partie du Virgin Tour de Madonna.
Les rappeurs dans la dèche braquent les banques et finissent leurs jours en prison, et le fric coule à flot dans le milieu, mais pas souvent pour ceux qui le mérite. Bref, une industrie est en train de se mettre en place, et Ed Piskor le raconte avec un mélange d’humour (sarcastique, normal), et un peu de nostalgie teintée d’amertume, le tout avec talent. 14 pages de Pin Ups, par une kyrielle de dessinateurs amis conclu l’album, plus le bonus documentaire habituel : bibliographie, références de films, vidéos, web et discographique, ainsi que le Funky Index, pour toutes celles et ceux qui rechercheraient un nom, un titre, un label.
« We don’t Need no Water, Let the Hip Hop FT Burn Our Soul ! »

« Kaijumax » par Zander Cannon

Révélation de cette année 2019 : Kaijumax est une bande dessinée fusion absolument incontournable, de part son originalité folle, mêlant culture manga (et genre Kaiju Eiga : cinéma des monstres, type Godzilla) et comics. Elle pose définitivement un jalon.

Créé sous forme d’une mini-série de six comics en 2015 chez Oni Press aux États-Unis, « Kaijumax » décrit la vie de monstres issus de l’univers Kaiju dans une île prison dénommée Kaijumax. Là, les gardiens on fort à faire afin de limiter les complots entre espèces, qui passent la plupart de leur temps à dealer et se droguer. Ces gardiens revêtent automatiquement une tenue à la Ultraman, en appuyant sur un simple bouton sur leur torse, leur permettant de devenir des géants dotés de pouvoirs Mecha, et de mater les bestioles. Néanmoins, il apparaît assez vite que ne sont pas les monstres ceux que l’on croyait. Les tensions vont provoquer une évasion, et le récit va développer encore davantage de thèmes…

Zander Cannon, auteur peu connu par chez nous, déboule avec fracas et un certain panache grâce à cet univers absolument génial, mêlant humour sarcastique et réalités sociales dramatiques (le « monstre » principal : Electrogor, étant papa de deux enfants, restés abandonnés dans une grotte lors de son arrestation). À cela, il ajoute de nombreuses allusions et références directes à une culture pop de Méchas, de films de monstres, mais aussi d’univers carcéral, brossant avec passion et ingéniosité une galerie haute en couleurs de personnages, auxquels il ajoute une trame maligne, rocambolesque et pleine de rebondissements. Si Alan Moore lui-même a écrit que Kaijumax était « absolument fantastique », vous devez le croire sur parole. Il s’agit, à n’en pas douter d’un des titres du top 5 de cette année 2019, et qui restera. Brillant, malin, drôle et dramatique à la fois. Un ovni monstrueusement génial.

« Skyward » par Lee Garnett et Joe Henderson

Qu’arriverait-il si la gravité sur Terre cessait d’opérer ? C’est le constat de départ de cette série intelligente et bienveillante d’anticipation, créé par Joe Henderson, responsable entre autre de la série Netflix « Lucifer ».

Il faut peu de choses parfois pour faire un bon scénario, et « Skyward » est le parfait exemple d’un comics alternatif publié chez Image comics, reconnu pour ses univers originaux, développant le principe. Willa vit avec son père veuf, après que sa femme ait été emporté, vingt ans plus tôt, par un phénomène extraordinaire ayant vu la gravité disparaître. Des lors, la société est divisée entre ceux qui vivent en bas, dans les rues « anciennes », en ayant adopté des chaussures magnétiques, et ceux, comme Willa, étant resté en hauteur, et s’étant adapté au vol avec diverses techniques de maintien. Dans ce monde, Nathan Fowler, le père de Willa, reste cloîtré, refusant l’adaptation, et ruminant plusieurs échecs. Roger Barrow, un ancien associé, ayant travaillé avec lui sur les adaptations à ce nouveau phénomène, et devenu un ponte du système actuel, semble néanmoins très intéressé pour le retrouver. Willa va se retrouver impliquée, malgré elle, dans un conflit qui la dépasse…

Cinq premiers numéros au top pour une mini-série mêlant thriller et légère science -fiction, dans un univers post adolescent rafraîchissant. Il y a de bonnes idées dans « Skyward », et les personnages sont attachants. Le dessin de Lee Garbett, dessinateur anglais bien connu des lecteurs français pour avoir livré pas mal de pages dans les revues Panini comics délivre des pages au découpage dynamique et à l’encrage très agréable, mêlant subtilement genre indépendant et Mainstream. Les couleurs d’Antonio Favela lui rendent sobrement justice. Une série à suivre, assurément !

« Slasher » par Charles Forsman

Christine et Joshua s’aiment, mais à distance, via les vidéos un peu malsaines qu’ils s’envoient par le biais des réseaux sociaux sur leur smartphone. Elle vient de perdre son père, et sa mère commence à picoler, tandis que lui est atteint d’une maladie dégénérative. Sa mère, pratiquante extrémiste, le couve d’une attention malsaine. Tous deux aimeraient se rencontrer, mais le parcours pour se faire va déclencher leur perte…

Charles Forsman, révélé par « The End of the Fucking World », adapté en série TV avec succès, est connu des lecteurs de BDzoom.com, puisqu’il a fait l’objet d’une interview en début d’année aux côtés de Noah Van Sciver pour son titre « Pauvre Sydney » Le revoilà avec un récit en One Shot sec, court, et effrayant, comme le glissement d’une lame de couteau sous la gorge. Dans la lignée des films où un serial killer élimine froidement des victimes innocentes au couteau, « Slasher » aborde la thématique du mal être et de la différence, provoquant une dérive de jeunes gens, souvent. « Mon ami Dahmer » vient à l’esprit, dans le registre du tueur froid, cependant, Charles Forsman continue à développer ses propres idées, liées au couple et à l’impossible amour entre deux êtres, abîmés par la vie. Dans cette nouvelle histoire, il arrive à mixer subtilement une partie de ce qu’il avait déjà construit avec « The End of… » tout en lui insufflant une réflexion supplémentaire sur le harcèlement au travail, la lourdeur du cocon familial, les différences, sociales et de genre, souvent subies, avec douleur, et le dérèglement psychologique, amenant aux extrêmes. Là, malgré une certaine poésie latente, entre deux jeunes qui pensent s’aimer, va s’introduire un élément extérieur qui va dérégler une situation déjà partie de travers. Jamais critique des réseaux sociaux n’aura été aussi acide et douloureuse. Un comics coup de poing moderne, dans la lignée d’un grand Charles Burns tel « Comme un gant de velours pris dans la fonte », avec la pêche d’un « Pulp Fiction » et l’étrangeté d’un David Lynch. Bravo.

 « Stray Bullets » T2 par David Lapham

Ce qui est dingue avec ce genre de bouquin, c’est qu’à leur lecture, on reprend conscience de ce que le mot « classique » veut dire. Pas qu’on l’ignorait, mais lorsque l’on est amené à lire beaucoup de BD, beaucoup de comics…et je veux dire « beaucoup », on a l’occasion de se régaler de choses anciennes, qui ont fait leurs preuves, d’autres plus récentes, qui les font en direct et dont, sans doute aucun, le statut est d’ores et déjà assuré, et encore d’autres, dont, ça ne fait que peu de doute, la mémoire collective ne gardera pas grande trace. « Stray Bullets », dont on a déjà eu l’occasion de parler lors de la parution du premier tome de cette réédition en intégrale, a connu quelques vicissitudes depuis son apparition en France, sous forme de deux albums cartonnés grand format sous le titre « Balles perdues » chez Bulle Dog en 2001 (pour des récits débutés en 1995). Il a pu attraper quelques lecteurs, grâce au ton si subtile et personnel de son auteur, héritier des romans ou films noirs américains, dont on aimerait d’ailleurs avoir croisé plus souvent le dessin dans le milieu bédéphile (1), mais franchement, rien ne vaut ce gros pavé broché, au dos rond collé, recueillant à chaque livraison une bonne quinzaine d’histoires toutes plus fracassés les unes que les autres, offertes dans un noir et blanc onctueux et aux aplats si bien définis que rien ne distrait la pureté du récit lors de leur lecture.

Presque 500 pages où se croisent et s’affrontent amants maudits, petites frappes qui ne méritent pas de vivre, gamins terrorisés, jeunes femmes sous le joug, pauvre commerciaux à la vie raté, garces possessives et tyranniques…le tout dans un décor vaste comme les États-Unis du pauvre, ceux où chaque histoire à un début, un milieu et une fin, mais où des chemins de traverse sont autorisés. David Lapham est un classique des années quatre-vingt-dix, un champion du noir, et ça, vous devriez l’avoir compris, au risque de prendre une balle perdue. Noir comme l’encre, dangereux comme la vie, bon comme le diable.

Franck GUIGUE

(1) Peut-être, dés lors, se reporter à son « Tue-moi à en crever », chez Delcourt, daté 2006 et un des rares autres moments graphiques noir et blanc de sa part, disponible en français. On pourra aussi recommander : « Silverfish » (Panini 2009), et son « Daredevil-Punisher » (Panini 2014).

« Hip Hop Family Tree » T4 par Ed Piskor
Éditions papa Guédé (26 €) – ISBN : 979-10-90618-05-3

« Royal City » T3 par Jeff Lemire
Éditions Urban Comics (14,51 €) – ISBN : 9791026815761

« Kaijumax » par Zander Cannon
Éditions Bliss Comics (35 €) – ISBN : 978-2-37578-160-9

« Le Démon » par Jack Kirby
Éditions Urban Comics (35 €) – ISBN : 9791026816218

« Skyward » par Lee Garnett et Joe Henderson
Éditions Hi Comics (17,90 €) – ISBN : 9782378870768

« Barrier » par Marcos Martin et Brian K Vaughan
Éditions Urban Comics (22,50 €) – ISBN : 9791026819288

« Slasher » par Charles Forsman
Éditions L’Employé du moi (18 €) – ISBN : 978-2-39004-059-0

« Green Lantern Terre-Un » par Gabriel Hardman et Corinna Bechko
Éditions Urban Comics (15,50 €) – ISBN : 9791026817413

« Stray Bullets » T2 par David Lapham
Éditions Delcourt (34.95 €) – ISBN : 978-2-4130-0812-5

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3 réponses à Sélection comics de Noël 2019

  1. PATYDOC dit :

    Bonjour . Pourquoi avez -vous supprimé les commentaires ici ? Je redis donc, à propos de  » barrier’, que d’une part un nombre considérable de pages écrites en argot d’Amérique latine sont non traduites, et que la partie anglaise est mal traduite en français et surtout la photocomposition est ratée et les textes tous collés dans les bulles : l’éditeur intime l’ordre au lecteur d’avoir une « lecture active » : c’est sûr qu’il lui faudra pallier le mauvais travail de l’éditeur ! Et je redis que BKV n’a pas fait le scénario, comme il l’explique lui-même dans la postface.

    • Laurent Turpin dit :

      Bonjour Patydoc et autres contributeurs. Un problème technique nous a conduit à replacer cet article (comme s’il s’agissait d’un nouveau), entrainant la disparition de l’ensemble des commentaires dédiés. Avec toutes nos excuses. LT

    • FranckG dit :

      Cher Patydoc, je reposte donc mon propre commentaire, afin de rectifier ce que considère comme une hérésie de votre part.

      Pourquoi vouloir minimiser à ce point le travail de Brian K Vaughan, qui n’a rien à prouver en tant que scénariste. Là où vous voyez de la fumisterie, moi je vois une humilité qui en remontrait à certain. La preuve, voilà mot pour mot ce qu’il écrit : «  D’avantage qu’aucun autre projet auquel j’ai participé, c’est Marcos qui a fait tout le gros du travail. (..) Il a fait passé toute l’année écoulée à concevoir et dessiner cette histoire, à traduite mes scripts en de multiples langues (…) et même à lettrer entièrement la série, lui-même ».
      Cela ne veut aucunement dire que Brian K Vaughan n’a « rien fait ». Il reste l’auteur.
      Rendons à Cesar…

      Quant aux textes en espagnol, cela ne m’a pas gêné plus que ça, et puis aujourd’hui, à l’aube de l’année 2020, l’application Google traduction fait des miracles, pour qui accepte de s’aventurer sur des chemins de traverse. Cette ouvre en est un un, assurément. J’ai lu ce roman graphique et l’ai apprécié. Vous l’avez juste feuilleté.

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