Olrik : biographie non autorisée d’éternel méchant…

Adversaire éternel de Blake et Mortimer, Olrik est l’incarnation du mal tout au long des récits imaginés par Edgar P. Jacobs et ses successeurs. Et si l’homme avait vraiment existé ? C’est après de longues et parfois chanceuses recherches qu’Hubert Védrine et son fils Laurent affirment détenir les documents qui répondent positivement à cette question.

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Tout commence par la remise d’un paquet contenant une centaine de cartes postales  à Bruxelles à nos deux enquêteurs  par le mystérieux Monsieur Henri, ancien ouvrier imprimeur du journal Tintin. Toutes adressées à monsieur Edgar Félix Pierre Jacobs depuis la guerre jusqu’en janvier 1987. En provenance des quatre coins du monde, elles sont signées « 0 ». Quelques mois plus tard, ce sont les photocopies d’un carnet à spirales ayant appartenu à Jacobs qui leur sont envoyées emballées dans des pages du journal Le Soir. C’est grâce à ces heureuses découvertes que les deux hommes sont en mesure d’écrire la biographie d’Olrik. L’homme aurait croisé le dessinateur une première fois en janvier1938 au Théâtre royal de la Monnaie, puis à diverses reprises à Bruxelles, mais aussi à Paris. Si l’on en croit les auteurs Olrik serait né en Estonie au début du vingtième siècle, fils du baron Cristof von Balk qui ne possède plus grand-chose et de Julia Szabo une jeune préceptrice hongroise. Élève d’un prestigieux collège militaire de Saint-Pétersbourg, élevé dans le culte des chevaliers teutoniques, il est chassé de Russie par la Révolution russe et débarque à Budapest… Sa longue vie d’aventure, ses rencontres avec les grands de ce monde, sont évoquées tout au long de cette biographie palpitante… et crédible.  On y apprend même qu’il n’est pas mort dans le fameux accident d’hélicoptère au-dessus de la baie de Sogami  et qu’il serait le père d’une fille, Julia Kirlo, née autour des années 60 de sa rencontre avec une jeune starlette américaine. Un scénario à la Jacobs digne des successeurs du maître belge qui se lit comme un roman… ou une BD.

Passionné depuis sa plus tendre enfance par la bande dessinée classique et plus particulièrement par les aventures de « Blake et Mortimer », Hubert Védrine, quatorze ans passés à l’Élysée, cinq ans ministre des Affaires étrangères, a toujours été fasciné par le personnage d’Olrik. Jusqu’à en imaginer cette biographie avec la complicité de son fils Laurent, journaliste et apiculteur urbain, lui aussi passionné de bande dessinée. André Juillard signe les deux dessins de couvertures de cet ouvrage de plus de 200 pages qui devrait faire un tabac auprès des admirateurs de l’œuvre d’Edgar P. Jacobs.

On peut lire l’entretien accordé par les auteurs à Jean-Pierre Fuéri et Frédéric Vidal dans le numéro 130 de Casemate (en kiosque, 7,95 €).

Henri FILIPPINI

« Olrik, la biographie non autorisée » par Hubert Védrine et Laurent Védrine
Éditions Fayard (20 €) – ISBN : 9 782213 712604 

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2 réponses à Olrik : biographie non autorisée d’éternel méchant…

  1. Schetter Michel dit :

    Hubert Védrine fut un Ministre des Affaires étrangères convaincant, écouté. A t-il lu « Un opéra de papier »? Citons Jacobs lui-même, page 37 première édition: « C’était, je l’ai dit, une époque difficile, instable, c’était surtout le temps des combinards, des boursiers, des affairistes, des spéculateurs et exploiteurs de tous bords, Le patronat omnipotent et dur faisait la loi. C’était le règne de l’homme d’affaires dont le portrait robot d’alors était à peu près le suivant: les cheveux plaqués (ou le crâne dégarni), la petite moustache, le col dur, la régate grise, le veston noir, le pantalon rayé, les lunettes d’écaille plus un Eden noir pour l’extérieur. » Manifestement, Jacobs eut toute sa vie un compte à régler, souvenir d’une vie de galère Page 52 sur la fragilité de l’existence humaine l on retrouve aussi une similitude de traits dans « Le rayon U » et dans un projet non abouti de « Roland le Hardi ». N’oublions pas que la série Blake et Mortimer fut élaborée dans l’urgence d’une époque pionnière, le Journal de Tintin en 1946. A tel point que plus tard, Jacobs prit soin de redessiner les premières planches pour la parution de l’album ! Jacobs parle très bien d’Olrik dans ses mémoires, pages 104 et 105 mais il ne s’étend pas trop sur sa « fragilité intime » par timidité et par pudeur conditionnée, lui qui dut refaire et barbouiller la couverture d’un magazine anglais dans « La marque jaune ». Je parle de sa première épouse, probablement l’amour de sa vie, Ninon, fragile et vulnérable sollicitée par autant de prédateurs que de voyous et dont Jacobs se fit un malin plaisir de venger par l’intermédiaire de ses « héros » Blake et Mortimer. Un auteur digne de ce nom éparpille souvent ses préoccupations ou un pan de sa vie intime dans son œuvre… que les lecteurs même les plus affûtés n’hésiteront pas à intégrer dans l’ennéagramme des neufs personnalités de la saga humaine. Le lecteur aime malheureusement bien être rassuré par une logique scénaristique. D’où le succès actuel des mangas qui décortique chaque image comme un aigle déchiquète ses proies pour les offrir à ses aiglons. Un zeste d’expressionnisme venant d’Allemagne, la crise de 1929 et ses conséquences, les excès de Ninon, la mort de son frère, la chute dans un puits…! Jacobs eut une kyrielle de goutte de sang sur son chemin de vie pour ne pas s’offrir le luxe d’un Méphisto à meurtrir de diverses façons suivant les plans d’un démiurge qui n’avouera jamais son sadisme, sa rancœur, ses chagrins. Et surtout pas dans les années 50…

  2. francois d dit :

    Dans le cadre de nombreuses recherches sur la Propaganda-Abteilung (l’organe de contrôle et propagande de la presse et de la culture durant la Seconde Guerre mondiale), j’ai découvert l’année passée l’étude du Dr. Michel Fincoeur, spécialiste de l’édition et de la censure durant les années de guerre. On y apprend, entre autres, que la section littérature de la P.A. en Belgique était dirigée par un Dr. Hans Teske, lui-même secondé par un Lieutenant Bruno Orlick.
    Or, quels sont les deux premiers protagonistes présentés par E.P. Jacobs sur la première page du Secret de l’Espadon ?
    Texte de la première vignette : « … le colonel Olrik… procède à une ultime inspection de l’arsenal de Lhassa sous la conduite du colonel Taksa… »
    Orlick devient Olrik
    Teske devient Taksa
    Il n’y a pas de hasard, Jacobs était au fait des activités de la P.A. puisque l’hebdomadaire Bravo ! du controversé Jan Meeuwissen était publié durant l’Occupation grâce à la bienveillance de cet organe de contrôle. Il est donc du domaine du possible qu’il ait même rencontré le Dr. Teske et le Lieutenant Orlick en visite dans les locaux du journal, rue Charles Decoster à Ixelles.

    fd

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