On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...« Elvis, ombre et lumière » : Love It Tender !
Sortir un roman graphique sur Elvis Presley en octobre 2019… quelle pouvait bien être la raison de cette étrange actualité ? C’est armé du désir de partager ma passion pour le King avec le dessinateur Kent que je connais depuis mon adolescence, pour l’avoir suivi via ses bandes dans les revues Métal hurlant ou (À suivre), mais aussi au cours de sa carrière rock au sein des Starshooters, et sans doute afin de trouver une réponse à cette question, que je me suis rendu à une séance de dédicace, vendredi 15 novembre dans une librairie roannaise (1). Interview flash, et chronique.
Je suis le premier à arriver, et à peine ai-je engagé la discussion avec mes collègues et amis libraires, que Kent, s’étant reposé un moment à l’étage, descend les petits escaliers de la boutique. Nous nous saluons, et la conversation de deux fans s’engage illico, avec tutoiement de sa part immédiate, pour se poursuive ensuite vers la table installée en fond de boutique, au milieu des livres, et au son de chansons d’Elvis issues d’un 25 cm vinyle tournant sur un électrophone nouvelle vague (avec prise USB). Ambiance…
Franck : Quelle a été l’idée derrière cette publication ? Pourquoi Elvis ?
Kent : c’est l’éditeur qui m’a appelé. Le Seuil et Delcourt font désormais partie du même groupe, et une collection Seuil Delcourt a été lancée il y a déjà deux ans. (En septembre 2017, voir : https://www.editions-delcourt.fr/bd/liste-des-collections-bd/seuil-delcourt.html). Comme je n’avais pas publié depuis 2008 et que je n’avais aucune bonne idée pour proposer quelque chose de neuf, cette nouvelle est tombée à pic.
F : Oui, il est vrai que j’ai été heureusement surpris de noter cette information de parution d’album, alors que « L’Homme de Mars », ton précédent album n’avait pas connu de petits frères. Je rappellerai ta bibliographie aux lecteurs.
Celle-ci est constituée principalement de trois albums moyen-grand format aux Humanoïdes associés : « Sales Amours » dés 1982, compilations de petites histoires parues dans Metal hurlant, « Ma vie est formidable », un mélange de bio et de dessins, puis enfin « African Night Flight » (1984), seul vrai roman graphique, paru sous forme d’épisodes dans la revue Métal Aventure, avec Philippe Bernalin au scénario. Ensuite,trois petits formats à l’italienne chez Futuropolis, dans la collection X, entre 1985 et 1986, avec Bergouze (de son vrai nom Philippe Bernalin) au scénario. Il s’agissait des aventures de Bob Robert, un héros de l’aéropostal.
Suite au décès de son ami, et quelques projets pour une association :l’Adme (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), Kent se consacre exclusivement à sa carrière musicale solo, débutée, rappelons-le, en 1982 avec « Amours propres ». « L’Homme de Mars », paru en 2008, étant un livre-CD.
F : comment s’est traduite la collaboration avec Patrick Mahé ?
K : Patrick est un spécialiste d’Elvis Presley, qui était la personne référente, avec des ouvrages reconnus, dont son « Sur la route d’Elvis » (Grasset, 2002). J’ai lu pas mal d’ouvrages et ai aussi rencontré Jean Marie Pouzenc, du club Elvis My Happiness, qui m’a donné pas mal d’anecdotes.
F : peux-tu me citer quelques-uns de tes morceaux favoris d’Elvis ?
K : bon, alors, ça ne va pas être trop dur, parce que j’ai amené ma guitare, et interprète souvent celles que j’affectionne le plus. Il y a « Memories », un titre pas très connu (et pourtant, il est sur l’album ¶ 68 Comeback Spécial » ndlr), …j’aime bien aussi « Roustabout », tiré de la BO du même nom (1964) : (il chantonne : « I’m just a roustabout, Shifted from town to town,no job can hold me down... » mais aussi « Walk a mile my in my Shoes », (tiré de l’album « On Stage », de 1970).
S’en suit une discussion de fans sur les périodes sixties et seventies du King, et de la beauté de ses chansons gospel, telles « How Great Thout Art », ou « If I Can Dream » ainsi que sur les disques et coffrets posthumes publiés. Puis il est temps de laisser la place, tandis que Kent termine sa dédicace, que j’ai choisie, puisqu’il proposait trois possibilités : le Elvis des années cinquante, celui des années soixante, ou celui de sa fin de carrière.
À propos de l’album : Kent a choisi un récit en flash-back, commençant le 16 août 1977, jour de la mort du King, à l’âge de quarante-deux ans. Le récit est raconté par une serveuse de la cafétéria du Baptist Memorial Hospital de Memphis, où Elvis Presley à été amené après sa découverte inerte, à Graceland, vers 10h du matin.
Partant de ce principe astucieux, laissant la parole à une fan, entourée d’amis ayant aussi suivi la carrière du chanteur (dont un fan français : Jean-Pierre) et d’un jeune, lui plutôt fan de Hard Rock et des premiers groupes punk, qui va jouer ici le rôle du naïf, à qui les « anciens » vont raconter Elvis.
Chaque décennie, en partant de l’année 1935, à Tupelo, où il est né, sera introduite par une page de titre, joliment illustrée, comprenant un résumé des principaux événements de sa carrière.
Le style est enjoué, montrant Elvis Presley sous son meilleur profil (la lumière) n’occultant cela dit pas les côtés plus sombres (l’ombre), comme son addiction aux médicaments, sa recherche de spiritualité aléatoire, ses dépenses incontrôlables, son entourage malsain, tout comme ses délires tardifs, le poussant à proposer ses services à Richard Nixon, pour infiltrer et lutter contre les milieux contestataires (sic), tels que décrits en page 121. Un épisode bien connu et documenté, mais qui fait froid dans le dos. Au-delà de ces aspects négatifs, que la plupart des amateurs auront appris à mettre un peu de côté, pour ne retenir que le bon qui émanait de lui, et nombreux sont ceux l’ayant côtoyé pouvant en témoigner, on retiendra le cheminement perturbé d’un homme, dont le fantôme du frère jumeau mort-né l’aura hanté toute sa vie.
Le dessin fin, aux aplats de noir très classiques dans la forme, rappelant que Kent est un bon dessinateur, aborde aussi quelques couleurs douces et pâles à l’occasion : du magenta, du cyan, du jaune, et confirme l’appartenance du scénariste dessinateur à la scène indépendante. Un style et un statut dont il peut être fier, car on pourrait le rapprocher volontiers des étoiles montantes américaines telles Jordan Crane ou Jonathan Case.
Huit pages en fin de roman graphique proposent de découvrir la relation d’Elvis avec les auteurs au moment de sa mort (où l’on comprend que Kent n’a pas été un amateur d’Elvis depuis son adolescence, punk rock oblige… ; un who’swho des personnes apparaissant dans le livre, une petite bibliographie, et un songbook des principales chansons citées (30 tout de même).
Une œuvre non seulement agréable et incontournable pour tout fan d’Elvis Presley, mais aussi un roman graphique réussi bienvenu, sachant que le dessin de Kent n’avait pas été vu depuis 2008 et « L’Homme de Mars » chez Actes Sud. « Love It Tender » !
Franck GUIGUE
(1) Librairie Un Monde à soi. À souligner que Kent dédicaçait aussi son dernier roman : « Peine perdue » (Le Dilettante, janvier 2019).
« Elvis, ombre et lumière » par Kent et Patrick Mahé
Éditions Delcourt (19,99 €) – ISBN : 978-2-413-01302-0
« Je n’aime pas beaucoup ce terme de roman graphique. Je pense qu’ils ont inventé ce terme pour que la BOURGEOISIE ne soit pas effrayée par la bande dessinée.Ho,c’est le genre de BD que tu peux lire! » :MARJANE SATRAPI au New York Times Magazine en juillet 2007.
Satrapi qui s’empresse de rajouter quand on lui suggère que le problème avec l’expression roman graphique, c’est qu’il semble qu’il s’ agisse d’un livre dont le contenu est classé X ou du moins trop explicite : » Exactement. CHRIS WARE a dit quelque chose de génial.Il a dit que lorsque il entend le terme roman graphique, cela lui fait penser à L’amant de Lady Chatterley! »
C’est quoi le comble de la gentrification? Être plus royaliste que le roi?
Oups : Cher « Crissant » plutôt ! (désolé pour l »inversion)
Alors, s’il faut réexpliquer pour la énième fois ce que ce terme signifie, allons-y, je ne suis pas avare : on parle de roman graphique, cher Captain K, lorsque l’on a à faire à une BD qui n’a pas parue en épisodes dans un comics ou une revue (en prépublication quoi). Donc, force est de constater qu’il va falloir admettre le terme, et se mettre au goût du jour. Après, si le terme roman « gentrifie’ comme vous dîtes, je vous rassure, il y a des bons et des mauvais romans. (Comme les chasseurs)
La bise, bien populaire, elle !
si j’ai bien compris votre explication Astérix est un roman graphique ?
Enlevé le fait qu’Astérix fait partie d’une série, et ne rentre donc pas dans le « moule ». Désolé d’avoir omis ce détail important.
Sorry FranckG mais votre definition de Graphic Novel est incorrecte. Watchmen est consideree par tous comme un Graphic Novel alors que la serie de 12 numeros est d’abord parue en fascicules mensuels.
l’equivalent francais est « album ».
Je vous renvoie a la definition du Cambridge dictionary :
https://dictionary.cambridge.org/fr/dictionnaire/anglais/graphic-novel
Ici c’est plus sûre comme source que wikipédia
http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?page=recherche&recherche=graphic+novel
Et au final, qui va lire ce livre de Petits Mickeys ?
Graphic novel ne veut rien dire, voyons! Marvel avait même une collection de ce nom avec Spider-Man, X-Men et cie. Cela voulait juste dire « parution directe au format francobelge, broché »
Exactement.