Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...George Bess signe l’adaptation ultime en BD de « Dracula » !
Ouvrage fantastique, dans tous les sens du terme, l’adaptation du chef-d’œuvre et classique de Bram Stoker par George Bess. Un magnifique et envoûtant album, inattendu, que je n’hésite pas à qualifier de meilleure adaptation jamais réalisée en bande dessinée.
George Bess n’est plus à présenter aux lecteurs de BDzoom.com. Cet auteur né en France, mais ayant débuté sa carrière professionnelle en émigrant en Scandinavie puis ensuite aux États-Unis, s’est fait la main sur un tas de projets, Å“uvrant tel un mercenaire pour parfaire ses techniques. Il collabore entre autre à la version scandinave de Mad, puis de 1977 à 1987, dessine les histoires du Phantom.
Rentré en France en 1987, il rencontre Alexandro Jodorowsky et réalise avec lui l’essentiel de l’œuvre pour laquelle il est reconnu. (« Le Lama blanc » (1988-1993), « Juan Solo » (1994), ce dernier récompensé par l’Alph’art du meilleur scénario au festival d’Angoulême. En 1998 il publie son premier album en solo, dont il rêvait depuis longtemps : « Escondida » (1998). Suivront d’autres magnifiques albums: « Bobi » (2004), « Péma Ling » (2005-2009) et « Lééla et Krishna » (2000), diptyque imprégné de son amour pour l’Inde. Amour qui se manifestera une nouvelle fois avec la parution de la série « Le Vampire de Bénarès » (Glénat 2011-2012), qu’il crée seul. Trilogie déjà axée sur cette figure mythique populaire. Il faut croire que la tentation était trop forte pour l’artiste de se lancer dans la réalisation du vampire de référence, celui par lequel tout à vraiment commencé dans notre culture moderne, l’adaptation de l’œuvre phare de Bram Stoker.
Publié le 26 mai 1897, chez Archibald Constable and Company, à Westminster, le roman épistolaire de Bram Stoker, racontant l’histoire du jeune londonien Jonathan Harker, envoyé dans les Carpathes par son employeur Mr Hawkins, auprès du comte Dracula, afin de signer la vente de divers biens, évoque avec une horreur montante le mythe du vampire. Le comte étant en effet une créature maléfique qui attire à lui les humains dont il se repaît du sang. Jonathan Harker va découvrir l’indicible dans cette région très lointaine et très reculée où il est allé se perdre, laissant à Londres sa chère fiancée Mina Murray. L’histoire va se déplacer entre Angleterre et Carpathes, en empruntant divers moyens de transport qui rendent le livre très dynamique.
Si Bram Stoker n’a pas inventé la figure du vampire, il s’est cependant très bien documenté, et son roman, raconté à la première personne, par le jeune clerc de notaire, va connaître un succès monstre, et sera adapté de nombreuses fois, avec plus ou moins de succès, tout au long du vingtième siècle, jusqu’à aujourd’hui. Si on se souvient du « Nosferatu le vampire », de Friedrich Wilhelm Murnau, sorti en 1922 au cinéma, qui n’a pas eu le droit d’arborer le titre du roman, ou de son remake  : « Nosferatu, fantôme de la nuit » , un film réalisé par Werner Herzog, en 1979,c’est surtout l’adaptation « Dracula », de Francis Ford Copolla, en 1992, qui offre ses lettres de noblesse au titre, rendant un superbe hommage cinématographique au roman de Bram Stoker. « Dracula Untold », de Gary Shore, est aussi une très belle œuvre sortie sur grand écran en 2014.
Pour la bande dessinée, on notera les adaptations de Fernando Fernandez, avec son « Dracula » (éditions Campus, 1985) : assez fidèle adaptation, superbement réalisée en couleurs, dans le style peint caractéristique de l’artiste espagnol ; la BD document « Sur les traces de Dracula », par Yves H/Hermann, Sera, Dany (Casterman 2003-2006), et « Dracula » (Soleil 2011), par Corbeyran et Serge Fino : une belle adaptation du mythe du prince des ténèbres, façon « Stryges ».
Ne manquons pas non plus celle, très fidèle, de Mike Mignola, d’après le film de Coppola. Un album couleur publié originellement en France chez comics USA en 1993, mais réédité l’année dernière par les éditons Delcourt en grand format noir et blanc, tandis que l’édition couleur paraît ce mois-ci avec les couleurs de Mark Chiarello entièrement remastérisées. Un indispensable pour les amateurs du créateur de Hellboy.
Cette dernière version par George Bess possède tous les atouts pour devenir l’adaptation ultime du médium bande dessinée. Dans cet album à la finition impeccable (couverture dévoilant un crâne de vampire sur un noir profond brillant), l’artiste atteint le faîte de sa technique et nous ravit au-delà de nos espérances. Le choc des pages glacées se révèle, pour le coup, un très bon choix, mettant en lumière de manière particulièrement efficace le travail graphique du dessinateur.
Non seulement le dessin est réalisé avec virtuosité, dans un noir et blanc au trait réaliste des plus expressifs, mais la passion avec laquelle George Bess réalise chaque case est à couper le souffle. Cadrages, effets de mouvement, détail des enflements (ciel, neige, explosions, édifices en ruine, ou bien encore : profusion des thèmes gothiques au sein du château du comte, etc.). Chaque page est matière à ravissement.
Le noir et blanc pur s’accompagne de gris, par moment, de trame de fond en arrière-plan, parfois laissant penser à des photos (?) ; et mille et un petits détails décoratifs (évoquant ici Philippe Druillet, là Moebius, etc.), parsèment l’ouvrage, rendant la lecture non seulement passionnante, mais addictive. Et cela est sans compter les culs de lampe des chapitres, véritables œuvres d’art en elles-mêmes, sorte de descriptions abstraites de l’avancée de Jonathan dans sa quête pour sauver son âme, et celles de ses proches.
….C’est à un véritable feu d’artifice que nous convient les éditions Glénat avec la publication de cet ouvrage, exemple parfait de ce que peut être une réussite sur le fond et la forme. Rarement une bande dessinée n’aura suscité autant d’enthousiasme à sa lecture. Un pur chef-d’œuvre, absolument incontournable.
Depuis le 3 octobre, la galerie Glénat met à l’honneur Georges Bess avec une expositions de planches originales qui révèle sa magistrale interprétation d’un monument de la littérature du XIXe siècle : Dracula de Bram Stoker. Suite au succès rencontré par l’exposition, la galerie prolonge le plaisir jusqu’au 29 octobre.
Galerie Glénat – Carreau du Temple – 22, rue de Picardie 75003 Paris
Tél. : +33 1 42 71 46 86 – Horaires : du mardi au samedi de 11 h à 19 h – M. République
Franck GUIGUE
À noter qu’une version grand format de l’ouvrage « Dracula » est aussi proposée pour profiter pleinement de la maestria graphique de l’auteur.
« Bram Stoker Dracula » par Georges Bess : édition prestige (format 275 x 368 mm) Édition Glenat (39  €).
Une fois de plus si l’album en lui-même est une jolie réussite, la figure de Dracula n’est pas quant à elle (dans sa restitution) à la hauteur de ce qui l’on est en droit d’attendre pour un tel personnage.
A mon sens, seul gene Colan dans son « Tomb of Dracula » a réussi à lui conférer une véritable consistance physique et psychologique.
Il demeure à mes yeux (et de loin) comme la plus impressionnante composition originale du Prince des vampires en BD.
Cher Ciolfi, vous me permettrez de ne pas être d’accord. Si j’apprécie le travail de Gene Colan, qui n’a d’ailleurs, à ce jour, pas connu en France d’édition digne de ce nom pour son « Tomb of Dracula », (on notera au passage le bel album hommage paraissant en novembre chez Neofelis), je ne peux sincèrement pas associer ce personnage de comics daté années soixante-dix, un peu théâtral dans sa compostion, « à la Christopher Lee » je dirais, au personnage beaucoup plus énigmatique et monstrueux décrit dans cet album, beaucoup plus proche, je pense, de l’œuvre originale.
Après, je ne remets pas en question la qualité intrinsèque des « Tomb of Dracula », que je chéris aussi. Mais là n‘est pas le propos.
Bien cordialement,
Cher Franck, comme le disait si bien gustave Thibon : « être dans le vent, l’ambition de feuille morte ».
On parle encore du Dracula de Colan près de 50 ans après sa création.
En sera-il de même pour la création de Bess dans une demi-siècle ?
Seul la qualité résiste au temps.
Au cinéma c’est la même chose, le Nosferatu de Murnau est devenu l’oeuvre culte du cinéma vampirique…et va bientôt fêter son centenaire, goguenard, face à la pléiade de blockbusters actuels qui disparaissent façon « feu de paille ».
Bela Lugosi et après lui christopher Lee ont incarné LE vampire classique par excellence…et c’est justement lui qui, dans l’esprit populaire, c’est imposé de façon définitive tant au niveau du grand public qu’auprès des amateurs de films vampiriques.
A contrario, le vampire versus « manga », risque de ne pas faire faire long feu, à l’instar de tous ceux qui ont défilé sur les différents supports médiatiques ces dernières décennies.
Mettre sur le tapis le fait que le Dracula de Colan est « daté » par rapport à celui de Bess n’a aucun sens.
Nous parlons (pour le Dracula de Stoker) d’une oeuvre littéraire du 19 eme siècle, fortement imprégnée d’un esprit victorien qui avouons-le, est aux antipodes de celui de la grande majorité de nos contemporains.
Alors dire comme à propos que le travail de Bess est beaucoup plus proche de l’oeuvre originale parce que ce dernier semble bénéficier d’un plébiscite actuel…Ouch !!!
Très cordialement.
« Fluctuat nec merjitur », puisque l’on en est à citer de l’ancien je vous renvoie le même, Ciolfi. Si être « jeune » (Bess, jeune ??), est synonyme de médiocrité, alors, ne lisez pas trop cette rubrique, vous risqueriez de trouver des lectures d’après 1989 ! Je ne m’attarderai pas davantage sur ce genre de plomique, stérile, à mon sens. Bien cordialement.